DÉDICACE
A
ma mère Angeline,
si
fidèles aux exigences maternelles,
A
la Sœur Marie-Lucie COUTURIAUX,
si
fidèles aux exigences de la vie consacrée,
A
tous les miens.
AVANT-PROPOS
Nous voulons crier haut notre sentiment
de redevance à l’endroit de ceux dont le concours a été manifeste dans notre
vie et tout au long de notre formation sacerdotale.
Nos
sincères remerciements s’adressent particulièrement à Son Excellence Mgr M.-E.
MUNUNU, Pasteur de notre Eglise locale de Kikwit, pour sa sollicitude toute
paternelle.
De
manière exceptionnelle nous adressons notre vive reconnaissance à l’Abbé
Bernard FANSAKA qui, par sa rigueur, a accepté la direction de ce travail. Avec
lui, notre profonde considération va à l’adresse de tous nos formateurs de
Saint Cyprien pour l’aumône de leur présence.
Nous
sommes redevable à l’Abbé Cléophas BAKANGOLO, aux sœurs Monique François,
Marie-Jeanne HALLEUX, Nadezda GOYEZ et Rose WAYA-WAYA qui ont font de nous le
fruit de leur progéniture spirituelle tant par leur assistance spirituelle que
par leur générosité.
Que
les familles SUKAMI, YAMBA-YAMBA, LONDALA, NE, BUNGU, MASUNGI, MUSUNGU et
MAWELE qui, avec beaucoup de patience et d’amour, nous aident à grandir et à
parfaire notre personnalité humaine et nous comptent parmi les leurs croient au
sentiment de notre profonde gratitude.
A
notre oncle Octave KASONGO et à tous les nôtres pour leur soutien ; et à
tous ceux qui sont pour nous des hommes de bien, nous disons
simplement MERCI.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
………………………………….....................................
La mission de Marie de Magdala[1] auprès des disciples dans
le quatrième évangile ne va pas sans poser des problèmes de la part des
exégètes et théologiens modernes. En effet, les récits synoptiques attribuent
la première apparition du Ressuscité à un groupe des femmes bien que Mc 16,9 explicite
que « Ressuscité le matin du premier jour de la semaine, Jésus apparut
d’abord à Marie de Magdala, dont il avait chassé sept démons ». Pour sa
part, Jean accorde une attention spéciale à Marie de Magdala à qui Jésus se
manifeste après la résurrection et confie une mission dans une scène toute
privilégiée.
En outre, cette révélation à Marie et la première
annonce lui confiée semblent contrebalancer le rôle des apôtres, témoins
officiels de la résurrection. Nous tenterons de résoudre ces apparentes contradictions
dans notre réflexion.
Notons toutefois qu’au-delà de
ces préoccupations littéraires, le vrai problème demeure théologique et
christologique. Il tient à la résurrection de Jésus et au rôle représentatif
que l’évangéliste accorde à cette femme. Ainsi donc, partant de Jn 20,11-18,
nous voulons élucider le rôle apostolique joué par Marie de Magdala dans
l’annonce de la résurrection. Elle réalise sur l’ordre du Ressuscité une
mission qui fait d’elle l’Apôtre des apôtres. Mais cette mission n’a-t-elle pas
un caractère ecclésial ? Lui donne-t-elle une position privilégiée sur les
disciples ? Telles sont les questions d’ordre théologique qui débouchent
sur le rôle missionnaire de Marie de Magdala.
« Il n’est plus possible, écrit
Monique HEBRARD, d’ignorer l’étonnante modernité de la Bible qui est un phare
susceptible d’éclairer les hommes et les femmes du XXIè siècle dans ce défi qui
leur est posé de vivre égaux et différents »[2].
Le diagnostic de cette fin XXe siècle est
alarmant. Nous vivons une crise généralisée marquée par
l’impérialisme des valeurs masculines. Et l’Eglise n’est pas en son sein
épargnée par cette crise. La manière dont elle considère la femme en est un
témoignage éclairant. Des voies féminines qui ont éclaté dans le domaine public
de l’Eglise depuis le Concile Vatican II
suscitent encore des questions troublantes. En effet, constante E. BEHR-SIGEL,
alors que le discours officiel de l’Eglise dans la ligne de Jésus affirme l’égalité
spirituelle et fondamentale de l’homme et de la femme, la participation des
femmes au ministère de l’Eglise, à son apostolat est soumise à toutes sortes
des règles restrictives et limitatives qui varient selon les époques et les
cultures.[3]
Les femmes sont
alors à la recherche d’un nouveau paradigme qui leur permette de réaliser leur
mission dans l’Eglise comme le déclare
si bien A. CARR : « Les femmes sont à la recherche d’une
nouvelle parole, non pas d’un signe montrant leur soudaine utilité du fait de
la pénurie d’hommes, mais d’un signe affirmant l’intégrité de leur personnalité
et la nécessité réelle des ministères qu’elles remplissent dans
l’Eglise ».[4]
Car personne ne peut faire mieux que les femmes, l’expérience qui les situe
dans la mission de l’Eglise, leur rôle et leur participation à l’édification du
corps du Christ.
3. Méthode et
division du travail
Eu égard à la nature du thème
consignée dans notre péricope, nous recourons à la méthode historico-critique
qui nous aidera à restituer notre texte dans son contexte en déterminant le
sens des mots et des expressions. Nous nous servirons aussi de la méthode
comparative pour notre partie consacrée à l’interpellation africaine.
Notre étude sera ordonnée
autour de trois chapitres.
Le premier, consacré
à l’analyse critico-littéraire, sera abordé en quatre points : l’unité
littéraire, la critique textuelle, la critique littéraire et l’analyse
structurale.
Le second en tentera
une interprétation théologique. Nous traiterons du contexte de la rencontre
entre Jésus et Marie en insistant sur les conditions qui ont favorisé cette
rencontre et sur la topographie qui a amené à la reconnaissance. Nous
aborderons ensuite la question de l’apostolicité de Marie. Le troisième point
sera consacré à la limite de la mission de Marie, à savoir la communauté des
disciples. Enfin, l’actualité du message nous présentera le témoignage
missionnaire de Marie et son rôle dans l’aujourd’hui de l’Eglise. Cette
actualité débouchera sur la limite de l’apostolicité de la femme en rapport
avec son accession au ministère ordonné.
Le troisième chapitre élargira notre réflexion à la
pensée africaine dans une perspective féministe. Eclairée par l’appel de Paul
VI à Kampala : « Vous, Africains, vous êtes désormais vos
propres missionnaires »[5], notre considération
pastorale prendra Marie-Madeleine comme paradigme de la femme africaine en
mission. Cette mission de la femme sera abordée dans la perspective de
l’ecclésiologie de l’Eglise-Famille.
CHAPITRE I : APPROCHE CRITICO-LITTERAIRE
……………………………………………
Le récit de l’apparition de Jésus à Marie de Magdala
présente une genèse littéraire complexe. Loin de considérer cette péricope
comme une autobiographie du Ressuscité, elle demeure un langage qui révèle la
présence constante de Jésus parmi les siens et transmet la vérité de la
résurrection.
Certains
spécialistes comme M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE pensent que
« l’évolution littéraire de ce récit divise encore les spécialistes »[6]. Cela explique cette complexité. Par ailleurs,
on ne peut s’empêcher de remarquer que la péricope « présente très
nettement la triple dimension des récits classiques d’apparition :
initiative, reconnaissance, mission »[7].
C’est
en tenant compte de cette complexité d’une part et des indices classiques du
texte d’apparition d’autre part que Jn 20,111-18 constitue que nous tenterons
d’établir son unité littéraire.
I.1. UNITE LITTERAIRE
DE Jn 20,11-18
I.1.1. Délimitation
de la péricope
La
question qui se pose à nous ici est de savoir si Jn 20,11-18 peut se défendre
comme unité littéraire autonome. Si elle est considérée comme Univers
sémantique, où commence-t-elle et où elle finit ?
I.1.1.1. Terminus a
quo
La péricope de Jn 20,11-18 a un lien
incontestable avec celle de Jn 20,1-10. C’est Marie de Magdala en effet qui la
première vient au tombeau. C’est elle qui de sa propre initiative met les deux
disciples en mouvement vers le tombeau. C’est elle également qui ouvre la
deuxième scène : elle est placée au cœur de l’action. Elle est près du
tombeau en pleurs.
Cependant
ce lien ne peut empêcher d’affirmer l’existence de deux récits différents. Les
vv 11-18 présentent certaines particularités qui les distinguent des deux
péricopes qui l’entourent. Notre péricope s’ouvre par le v. 11 qui commence un
nouveau récit. Les vv 9-10 sont considérés comme la conclusion de 20,1-10. En
effet, les deux récits sont coupés par deux verbes : « ‘aphlqon :
retournèrent » (v.10) et « eisthkei : est restée ou se
tenait » (v.11a). le verbe « retourner » marque un mouvement
contraire au mouvement normal. C’est que les disciples ne sont plus au tombeau.
Ce verbe indique que la scène est achevée et la visite à l’intérieur du tombeau
est finie. Il conclut ainsi l’ensemble du récit. Le verbe « rester
dehors » précédé de la particule de indique un nouveau récit qui
commence. Il insinue en même temps le contraste avec « entrer » des
vv. 6 et 8. Voici comment Pierre BENOIT décrit ce nouveau commencement de la
péricope : « Le v. 11a est un commencement neuf. Il est vain de se
demander ce qu’est devenue Marie-Madeleine après sa commission à Pierre et à
quel moment elle est revenue. Un nouveau récit(…) nous la montre près du
tombeau, en larmes »[8]. Même si le texte ne
montre pas quand elle est revenue au tombeau, il insinue qu’elle est revenue
pour une seconde fois. Probablement avec les disciples parce qu’elle connaît le
lieu où se trouve le tombeau (Jn 19,41).
Se situant sur le plan thématique, Fabien
BLANQUART spécifie cette délimitation en ces termes : la première
« scène s’achève avec la révélation que Jésus doit ressusciter des morts
et le retour des disciples »[9]. Et « la seconde scène
s’ouvre avec Marie de Magdala, près du tombeau apercevant deux anges puis
Jésus »[10].
Certes, le style qui ouvre le
v. 11, le thème traité, la continuité dans la narration, l’intérêt tourné vers
Jésus sont autant d’éléments qui font dire à nombre des critiques qu’il s’agit
d’un récit indépendant du précédent, bien qu’en relation l’un de l’autre.
Notons également le changement des personnages. Alors que les vv. 1-10
mettaient l’accent sur Marie et les deux disciples, les vv. 11-18 s’ouvrent par
Marie, les anges et Jésus qui est au centre de la scène.
Même
si la topographie du v. 11 interfère avec celle des versets précédents, les
personnages, le style narratif marqué par le dialogue entre Marie et les anges d’une
part et Jésus et Marie de l’autre nous poussent à reconnaitre le v. 11 comme le
début d’une unité littéraire dont la fin est le v. 18. Le v. 19 mettra en
exergue l’apparition aux disciples.
I.1.1.2. Terminus ad
quem
Le
v. 18 peut être considéré comme la fin de la péricope. Il met en scène le
résultat du dialogue entre Jésus et Marie. Celle-ci va quitter définitivement
le tombeau pour exécuter la mission reçue. Ce verset n’a pas de lien logique
dans la narration avec le v. 19 de la péricope subséquente. Les acteurs ne sont
plus les mêmes et leur rôle est différent. La topographie change du tombeau ou
jardin au cénacle. La scène se caractérise par : « le signe des
mains et du côté comme expression de la résurrection de Jésus (v. 19-20) »
et « le signe du souffle traduit par l’envoi en mission des disciples et
la rémission des péchés (v.21-32) »[11].
Le v. 18 comporte un double
aspect de la mission : la démarche de Marie d’un côté et la transmission
du message de l’autre. Quels sont d’autres indices qui nous poussent à
considérer Jn 20,11-18 comme une unité littéraire isolable ? Pour tenter
d’y répondre, nous considérons ici le point de vue de F. BLANQUART pour qui
« la scène peut être aisément divisée en trois parties. Une première
évoque l’ignorance de Marie qui ne reconnaît absolument pas Jésus (v.14). Comme
dans la troisième partie (v.18), c’est Marie qui est placée au cœur de
l’action. Au centre de ces deux parties, un dialogue entre Jésus et Marie dont
le début est un écho du dialogue entre les anges et notre messagère. Cette
dernière va passer de l’ignorance à l’annonce grâce à l’initiative de Jésus qui
entre en relation avec elle. C’est donc le dialogue avec Jésus qui va permettre
à Marie de reconnaître le Rabbi et de découvrir qu’il est ressuscité »[12].
Ces
préalables réunis, il devient ainsi clair que Jn 20,11-18 forme une unité
littéraire isolable consacrée à la conversation entre deux anges et Marie d’une
part et entre Marie et Jésus de l’autre, en vue de la révélation du Ressuscité.
La péricope antécédente met en exergue le tombeau retrouvé vide par Marie et
l’épisode des deux disciples. La péricope subséquente, elle, se tourne vers la
rencontre du Ressuscité avec les disciples, le don de l’Esprit et l’envoi en
mission.
Nous voulons à présent voir si
l’agencement des différents vocabulaires et le style sont cohérents et dévoilent
le propre du quatrième évangile, s’ils développent le même thème et révèlent le
même message.
I.1.2. Cohérence
littéraire
I.1.2.1. Vocabulaire
de Jn 20,11-18
Certains
mots ou groupes de mots peuvent contribuer à montrer la cohérence de Jn
20,11-18.
Au
v.11a nous lisons… eisthkei
pros tw mnhmeiw. La préposition pros suivie du datif indique une
localisation. Précédée du plus-que-parfait de isthmi, elle fait
référence à la scène où Marie se tenait près de la croix en Jn 19,25.
L’évangéliste veut montrer que l’entrée en scène de Marie n’est pas une
nouveauté. Cette femme est un disciple lointain de Jésus. Elle est déjà
présente au moment de la passion. Elle est également la première qui ouvre la
dans les récits de la résurrection.
Le
participe présent klaiousa nous livre un état d’âme. Le souci de Marie est de
retrouver celui que son cœur a aimé. Ceci fait référence à la quête que fait la
bien-aimée du Cantique des Cantiques qui est à la recherche de celui qu’elle
aime[13]. Le chagrin de Marie est
émouvant. En Jn 11,33 nous avons l’usage du même participe. Ces deux participes
peuvent laisser entendre que les deux Marie ont les mêmes raisons de se
lamenter : la mise au tombeau d’un être cher. Mais alors qu’n Jn 11,33 les
pleurs de Marie la sœur de Lazare précédaient l’ouverture du tombeau de son
frère, ceux de Marie Madeleine en Jn 20,11 suivent l’ouverture du tombeau de
Jésus[14]. Pleurer est pour Marie
en 20,11 le signe de son amour pour Jésus. Elle s’attache encore ici au Jésus
du passé.
- V.14 estrafh eis ta opzsw. L’indicatif
aoriste[15] second passif de strej (se tourner, se convertir) est un verbe qui
implique le mouvement ou la direction. Il indique un changement de direction
par rapport à la direction normale. Chez Jean, il est utilisé à double emploi.
Il est alors juste de traduire aussi par « se convertir »,
« changer ». Nous avons pareil cas en Jn 12,40 avec l’onction de
Béthanie. Et aussi en Jn 1,33 ; mais ici il indique simplement le
mouvement contraire à la direction normale de Jésus. Mais en Mt 18,3 comme en
Jn 20,14.16, il a le sens d’un retournement intérieur, d’une conversion.
Appliqué à Marie, l’évangéliste veut décrire l’évolution intérieure ou le
cheminement qui a conduit cette femme à la conversion ou/et à la reconnaissance.
Marie change le style de vie. Cela est bien exprimé au v.16 par le participe
aoriste second strajeisa qui aboutit à la reconnaissance. Ce passif signifie
que l’initiative vient du Ressuscité lui-même. Mais le sens est actif.
- estwta
(hestôta).
Ce participe aoriste de isthmi se traduit littéralement par « se tenant
debout ». Il peut aussi se traduire par « Jésus debout ». La
pointe du récit se trouve dans ce participe. Il exprime l’idée de la
résurrection. Dire que Jésus est « debout » signifie qu’il est
« ressuscité ». En français ce lien sémantique entre
« debout » et « ressusciter » est difficilement
perceptible. Le grec utilise le même verbe histanai
pour signifier « être debout » et « ressusciter ». Pour
dire ressusciter, il est précédé du préfixe an (a), de nouveau. Il a le sens de
« se re-lever »[16].
En dehors de Jn 20,14 qui utilise histanai au lieu du composé anistanai
pour exprimer l’idée de résurrection, d’autre textes du N.T. notamment Ap
5,6 ;20,12 ; As 7,55-56…en sont des allusions parlant. L’impératif présent passif Mh mou aptou au
v.17dénote un sens équivoque et fait que le v.17 pose problème
d’interprétation. Pour LAGRANGE en
effet, « l’impératif présent mh aptou signifie que Marie a
déjà touché Jésus ; le mouvement le plus naturel en disant ‘Bon Maitre’
était de se jeter à ses pieds ou à ses genoux, de s’emparer de ses pieds pour
les baiser »[17]. En ce sens, il paraît plus exacte de le traduire par « ne me
retiens pas » plutôt que « ne me touche pas ». Ainsi pour C.H.
DODD, une règle grammaticale suggère que « mh suivi de l’impératif présent signifie
‘cesse de (faire)’ : mè mou haptou pourrait donc signifier : ‘cesse
de me toucher’, ce qui implique que Marie avait déjà entrepris de le
faire »[18].
L’impératif présent
en grec ne signifie pas que la chose doit être faite, mais que l’action
commencée se poursuive. Précédé d’une négation, il souligne non la défense de
poser un acte mais de continuer une action déjà commencée[19]. Le rédacteur souligne
ici le caractère physique de la résurrection ou l’humanité du Ressuscité. Mais
le temps de cette humanité n’est plus lié au commerce du passé dont Marie
voudrait faire durer ces retrouvailles[20]. Marie est invitée à un
dépassement, à faire un progrès dans sa foi. Ainsi, « Jésus instaure avec
Marie de Magdala cette nouvelle relation en ne lui permettant pas de le toucher
comme autrefois. Ce n’est pas qu’il prend ses distances avec elle, qu’il
l’éloigne ou encore moins la repousse : au contraire, à elle la première,
il fait comprendre que ‘l’ancien a passé et que du nouveau s’est produit’ (2 Co
5,17), puis il lui demande d’en devenir le témoin » [21].
- L’impératif présent passif poreuou de poremai a
un sens non négligeable. C’est ici que se situe la mission confiée à Marie. En
tant que verbe de mouvement, il introduit l’envoi. Il « appartient à la
narration évangélique (4,50 et 8,11) et à des contextes qui traduisent le
passage de la mort à la vie, du péché à la réconciliation »[22]. Il montre un
progrès : la révélation aboutit à la mission. Dans ce sens, Marie qui
pleurait et voulait enfermer Jésus dans la mort est invitée à prendre la route
qui mène à ses frères pour leur annoncer que le Seigneur vit. L’usage du passif
indique que l’initiative de la mission vient de Jésus. Cette mission de Marie a
pour terme les frères.
- A ce premier impératif s’ajoute le second eipe qui, lui, est à l’actif. Un
envoyé est toujours porteur d’un message. C’est parce qu’on a reçu un message
qu’on peut se dire envoyé (Ac 22,21). Marie donc devra transmettre ce qu’elle a
reçu du Seigneur.
L’analyse
des différents termes de notre péricope nous a permis de découvrir le rôle et
l’activité missionnaire de Marie depuis son entrée en scène au tombeau jusqu’à
l’annonce de la résurrection.
Chaque
écrivain a son propre style par lequel il est reconnu comme tel. Jean se
distingue lui aussi des autres écrits du N.T. par son style. A. ROBERT et A.
FEUILLET en donnent quelques caractéristiques : « Le style johannique
est sans prétention, d’une simplicité qui frise souvent la négligence et même
la candeur (…) Jean aime le style direct (…) Il affectionne les liaisons par
simple accrochage de mots (….) Il use fréquemment de toutes les formes de
parallélisme : synonymique, antithétique, synthétique. Il use également de
l’inclusion sémitique ou retour à la fin d’une péricope des mots qui l’ont ouverte »[23]. Notons en outre l’usage
des répétitions, des chiasmes, l’emploi des mots à double signification, le
sémitisme, l’aramaïsme ou l’hébraïsme, la glose…
Quant
à notre péricope, nous ne retenons que deux de ces divergentes
caractéristiques : la répétition et l’hébraïsme. Relevons deux cas de
répétition et analysons-les l’un après l’autre. Au v. 13a on lit la question
des anges : « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Cette
question est un doublet de ce que sera la question de Jésus au v. 15a : « Femme,
pourquoi pleures-tu ? ». Au v. 13b, la réponse de Marie aux
anges : « parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas
où on l’a mis » est une reprise littérale du v. 2b. Elle est autrement
formulée au v. 15b dans la réponse de Marie à Jésus. Mettons les deux textes en
parallèle pour expliciter ce cas :
20,13b :Gunai, ti klaieis;
|
20, 15a : Gunai, ti klaieis;
|
20,13b :Hran ton kurion mou, kai ouk oida pou eqhkan auton
|
20,2b :Hran ton kurion ek tou mnhmeion kai ouk oidamen pou eqhkan auton.
20,15b :Kurie, ei su ebastasas auton,
eipe moi pou eqhkas auton...
|
Une
explication est donnée au v.16 qui constitue le cœur de l’entretien de Jésus
avec Marie. On lit : « Se retournant, elle lui dit en hébreu : ‘Rabbouni !’- ce qui veut
dire : ‘Maitre’ ». Le terme Rabbouni dénote l’usage de l’hébraïsme.
Il s’agit d’une affirmation plus solennelle que Rabbi et souvent employée quand on s’adresse à Dieu (Cfr. Jn 20,16
note f de la BJ). Cet hébraïsme est précédé et suivi de deux gloses
explicatives (« en hébreu »
et « ce qui se dit :
Maître ») dont Boismard et Lamouille confirment l’usage en ces
termes : « Les expressions ‘en hébreu’ et ‘ce qui se dit :
Maître’ ne sont qu’une explication du titre de ‘Rabbouni’ qui était incompréhensible
pour des lecteurs ne connaissant pas l’hébreu »[24].
La
simplicité stylistique de Jean laisse comprendre que chez lui la pensée prime
sur les règles de style. Il concentre l’attention des lecteurs sur l’essentiel.
Ainsi,
admis que Jn 20,11-18 présente une cohérence stylistique en thématique,
recourons à présent à la critique textuelle pour vérifier si cette péricope
nous est parvenue intacte ou si elle a subi certaines altérations.
Nous
voulons ici restituer autant que se peut à notre texte sa forme originelle.
Ceci nous permettra de dépister les altérations qui se sont produites depuis le
récit primitif jusqu’à la rédaction finale. Quant à la méthode à suivre, nous
accorderons la préférence aux critères internes « qui rendent telle leçon
plus vraisemblable que telle autre ; ils sont fonction de la manière dont
les scribes recopiaient les manuscrits »[25].
Notre
péricope contient trois problèmes majeurs : exw klaiousa (v.11a), didaskale (v.
16) et patera (v.17).
Procédons à l’examen de chaque cas.
1)
exw
klaiousa (v.11a)
a) … exw
klaiousa … ﬡ * Β L W Χ Δ 050 fl 33
565 Vg Syrpal arm eth geo
Ambrose, Augustine, Cyril.
b) … klaiousa
exw … Κ Θ Π ᴪ f13
28 700
892 1009 1079
1195 1216 …
ByZ Lect l70m itq Syrh Severus
c) …klaiousa … ﬡ *
A ita,b,c,e,ff2,r1,v Syr5,p
Diatessarona,s,t
La
présentation du texte grec The Greek New Testament[26] fait suivre exw klaiousa par un petit chiffre
au dessus. Cet indice est souligné aussi dans les deux autres termes énumérés
ci-haut. Ce qui signifie que ce groupe de mots pose problème dans le texte.
D’où la question : le exw
klaiousa a-t-il existé dans le récit primitif ou pas ? Les
réponses à cette question divisent encore l’assentiment des copistes. Pour les
uns, exw a été ajouté. Pour d’autres, il existait dans le
texte primitif. Ceci suggère que
c’est exw qui posait problème. Voici comment B. METZGER le
pose : “ The divided testimony concerning the position of exw, as well as its absence from several early witnesses
(ﬡ* A ita,b,c,ff2,v Syr5,p Diatessarona,s,t), would normally
suggest that copyists added the word in the interest of providing descriptive
detail. On the other hand, however, since ﬡ reads en tw mnhmeiw, its testimony of the omission of exw is weakened”[27].
Mais comment
justifier sa position dans certains manuscrits et son absence dans d’autres? Et
comment pallier cette difficulté ? En prenant en compte l’argument relatif
à l’omission, nous résolvons le problème avec METZGER qui affirme que dans ce
cas « a majority of commititee prerred to follow the testimony of ﬡ c Β
L W Χ
Δ 050 f l 33
565 to read exw klaiousa»[28].
Ce faisant, deux raisons
justifient notre préférence à admettre avec plus de probabilité que exw
figurait dans le texte primitif.
1. Le verbe eisthkei … exw
(v.11a) est en contraste avec le verbe eishlqen (vv. 6 et 8). Les
deux actions sont opposées par rapport à la même localisation. Le mouvement de
Marie s’oppose à celui des deux disciples. En outre, il y a une évolution
progressive de Marie en quête du Ressuscité. nous le découvrons dans l’emploi
des trois verbes ci-après : apercevoir (v.1), se situer près de… dehors
(v.11a) et se pencher vers l’intérieur (v.11b). le mouvement de Marie part de
l’éloignement à la proximité du tombeau.
2. Une deuxième raison est relative au primat du sens du
texte. L’adverbe au-dehors donne une précision syntaxique qui oriente la suite
du texte c’est-à-dire le v.11b. Et cela montre que Marie n’est pas entrée dans
le tombeau. Et le sens du texte y est bien conservé.
Avec
ces deux raisons, nous pensons que la leçon exw klaiousa a plus de chance
d’avoir figuré dans le texte primitif.
2° didaskale
(v.16)
a) didaskale .... ﬡ *b Α
Β Κ
L W Χ Δ Π 050 0250 fl Byz
Lect l70m Vg
Syrp
Copsa,bo arm geol.
b) kurie ... ita,rl
c) kurie didaskale .... D itd
d) didaskale, kurie .... it(e),ff2
e) didaskale, kai prosedramen ayastai autou .... ﬡa Θ ᴪ (fl3 ayesqai) 1195*
1230 Syrs,h,pal geo2
Cyril
Comme au v.11, didaskale
confronte de nouveau les témoins lorsqu’il faut vérifier s’il figurait dans le
récit primitif. Des manuscrits comme la Vulgate, le Peshitta, le Vaticanus,
l’Alexandrinus et le Sinaïticus optent pour didaskale. Nous considérons la
première leçon brève comme la plus plausible pour trois raisons :
1. Des deux leçons brèves (a) et (b), la première paraît
plus ancienne. Le vocabulaire qu’elle explique est un hébraïsme (sémitisme). didaskale paraît proche de l’original ; il
est fort probable que kurie soit une traduction. Cette expression exprime un
geste d’attitude intérieure de Marie qui attend tout de son maître.
2. Elle rassemble en son sein les meilleurs manuscrits,
notamment la Vulgate et le Vaticanus.
3. Dans la lecture, didaskale trahit dans une
certaine mesure la seconde main ajoutée dans le but de comprendre ou de faire
comprendre le texte original. Ceci se justifie par le fait qu’il est précédé de
l’expression o legetai et la présence de la parenthèse.
Toutefois,
hormis cette addition de didaskale, le v.16 reste compréhensible. Quel est alors le rôle
de cette glose explicative ? Loin d’alourdir la compréhension, elle la
précise et l’éclaire.
3° Patera
(v.17)
a) …
patera .... א Β
D
W
itb,d,e Syrpal Irenaeus Origen
Chrysostom Maximus
b) …
patera mou.... P66
Α Κ L
Χ Δ Π ᴪ 050 fl
fl3 28 33
565 Byz Vg
Syrs,p,l Copsa,bo arm
eth geo Tertullian
Origen Eusebius Gregory-
Nyssa
Epiphanius Nonnus Cyril
Theodoret Severus.
Ce
qui précède au v.11 vaut également pour le v. 17. Nous sommes ici devant deux
leçons. Nous optons pour la lectio brevior et l’antiquitas. Les manuscrits tels
le Vaticanus et le Sinaïticus avons-nous dit caractérisent les textes anciens.
Se référant à ce critère, Metzger affirme à propos de notre
terme : « The reading patera is supported by excellent
wittnesses representative of early text-types ( א Β D W itb,d,e
al ) »[29]. A notre avis, c’est
d’abord le sens du texte qui prime ici. Dans cette première partie du v.17, patera conserve
mieux le sens du texte parce qu’il prépare le v.17b. En outre l’addition
de mou dans 17b (2 fois) dans certains
manuscrits (Alexandrinus, Paris, Munich, St Gall, Athos…) est aussi naturelle
et en accord avec les tendances des copistes, en l’occurrence Cyrille,
Théodoret, Eusèbe, Grégoire de Nysse, Origène…
D’où
le sens du texte étant conservé, nous pensons que les manuscrits P66 A
Κ L Χ Δ Π ᴪ 050 f1
f13 28 33
Byz Vg et les autres copistes tels que Tertullien,
Eusèbe, Grégoire de Nysse… qui soutiennent patera mou pèchent par l’excès
de précision.
Notre péricope a posé trois
grands problèmes de critique textuelle. Les raisons avancées ci-haut nous
amènent à affirmer que Jn 20,11-18 est cohérent malgré les problèmes textuels.
Après l’avoir ainsi rapproché, tentons à présent, dans la critique littéraire,
de ressortir les sources qui ont servi à sa rédaction.
I.3. LA CRITIQUE LITTÉRAIRE
Notre péricope a-t-elle subi
des influences ? Pour y répondre, un examen des matériaux environnant, du
genre littéraire et Sitz im Leben dans le but de déterminer la signification du
texte s’avère indispensable.
I.3.1. La composition
Par sa langue et sa doctrine,
Jn 20,11-18 donne à première vue l’impression d’une unité profonde. Plus d’un
critique toutefois en récuse encore le caractère composite après étude
détaillée. Il n’est donc ni impossible ni exclu que Jn 20,11-18 se soit servi
de plusieurs sources dans sa rédaction.
Ainsi, X. LEON-DUFOUR
remonte au v.1 et distingue trois traditions diverses composées de deux visites
au tombeau et d’une tradition d’apparition[30]. Quant à nous, nous
préférons adopter la position de P. BENOIT[31] qui reconnaît en Jn
20,11-18 l’existence de deux traditions différentes composées l’une des vv.
11a. 14b-18 et l’autre des vv. 11b-14a. la première est très johannique et a
son parallèle en Mt 28,9-10. Il s’agit d’une Christophanie à Marie-Madeleine. Le récit composé des vv. 11b-14a
se rapproche étroitement des synoptiques et les éléments de différence sont
empruntés à un contexte johannique immédiat. Il en conclut que cette section
peu originale est une interpolation du rédacteur johannique qui utilise les
anges comme organe témoin du récit synoptique.
Jn 20,11-18 a aussi certaines
influences notamment du judaïsme rabbinique et de l’hermétisme. Prenons
seulement le v.17. Les paroles de Jésus « je monte vers mon Père… »
peuvent s’expliquer dans la perspective des textes de l’A.T. Le rédacteur a
probablement fait allusion au Ps 89,27 qui est une prière du juste au Dieu
fidèle qui le sauve. Lorsque Dieu fait alliance avec le juste en écrasant ses
adversaires (vv.21-24), ce dernier le reconnaît comme son Père (v.27). Le monde
biblique utilise l’expression « Dieu de un Tel » pour signifier
« protecteur de ». Ce sens
du Ps 89,27 met bien en relief la paternité de Dieu ou sa protection envers le
juste. Ainsi « lorsque Jésus annonce qu’il monte vers son Père et vers son
Dieu, il déclare donc qu’il va rejoindre celui qui vient de manifester envers
lui sa protection souveraine en le ressuscitant des morts »[32]. La parole de Jésus en
référence au Ps 89,27 évoque la victoire de Jésus sur la mort que « son
Dieu » vient de lui accorder[33]. De même cette
référence au Ps 89,27 pourrait bien
expliquer l’usage du terme « frères »
au lieu de « disciples ».
En effet, « parce que le juste (David) le reconnaît comme son Père et son
Dieu, Dieu déclare : ‘J’en ferai l’aîné, le très-haut sur les rois de la
terre (…) Jésus ressuscité est devenu l’aîné’ ; il est donc le chef de
file d’une multitude des ‘frères’ »[34].
En outre, la déclaration
« anabainw pros ton patera
mou » que Jean met dans la bouche de Jésus dénote un
certain hermétisme. En effet, dans cette pensée païenne, l’homme a part au
principe divin d’intellect et de rationalité. Il s’identifie à l’intellect
divin par le truchement duquel il connait Dieu de l’intérieur, vu que cet
intellect procède de la substance de Dieu. L’expression comme ousiôdes antrhopos rappelle ce qui se
dit de l’homme divin. C’est un envoyé de Dieu sur terre. Il a la connaissance
de ce qui s’est passé et croit qu’il montera vers celui qui l’a envoyé… il est
par conséquent immortel et divin. Le Fils de l’homme chez Jean est venu d’en
haut et désigne Dieu comme « celui qui m’a envoyé » (18,37). Et il
doit retourner à Dieu (13,3) parce qu’étant Un avec son Père (10,30)[35].
Ces quelques matériaux ont
servi à la rédaction de ce v.17. L’originalité de ce verset réside dans le fait
que nulle part ailleurs dans le N.T. Jésus dit explicitement « Je monte
vers mon Père et votre Père… ». En dépit de ces diverses influences
subies, la péricope de Jn 20,11-18 reste de rédaction johannique.
I.3.2. Le Sitz im
Leben
Quel est le leitmotiv qui a
occasionné ce passage ? Partons de l’événement central qu’est la
résurrection de Jésus. Dans l’Eglise primitive, elle est proclamée sous trois
grandes formes : les confessions de foi et les cantiques, la prédication
missionnaire ou « Kérygme » et la catéchèse. Le premier cri de
l’Eglise au matin de sa naissance est « Christ est
ressuscité ! » (Ac 2,32.36). C’est le langage que les Apôtres
utilisent pour exprimer leur foi au Ressuscité.
La christophanie à
Marie-Madeleine veut montrer que le Ressuscité est le même personnage que le
Jésus de Nazareth. L’évangéliste s’adresse à des chrétiens pour éveiller leur
foi et les met en garde contre les fausses doctrines qui nient soit la
résurrection du Christ soit sa messianité.
Le Judaïsme antique ne connaît
pas la résurrection comme événement historique. D’où la difficulté pour les
prédicateurs d’annoncer cet événement. Cela se remarque déjà dans la différence
qu’il y a entre les récits d’apparitions et l’antique confession de foi de 1Co
15,3-8. Il est difficile de dresser la liste des témoins de la Résurrection et
les endroits qui furent les théâtres des apparitions. Pour résoudre cette
énigme, J. JEREMIAS dégage trois grandes motivations qui ont inspiré ces
changements des personnes ou des lieux d’apparitions[36]. Ces motivations
confirment que « les motifs liturgiques et doctrinaux ont joué un grand
rôle dans la mise en œuvre des traditions qui par hypothèse (lorsqu’il s’agit
des apparitions) échappaient à la logique d’une chaîne temporelle
normale »[37].
Bien que l’évangéliste décrive
avec un art admirable la rencontre du Christ avec le croyant, il y réserve un
ton quelque peu polémique pour répondre à ses adversaires. Le contexte renvoie
à un problème christologique. Il révèle que la communauté johannique butte à
des hérésies gnostiques et docétistes issues de la théologie des dissidents.
Cette théologie affirme que celui qui est descendu d’en haut est si divin qu’il
n’est pas pleinement himain ; il n’appartient pas au monde. Ni sa vie sur
terre ni celle du croyant n’ont d’importance pour le salut. De là le
gnosticisme passera d’un Jésus préexistant à des croyants préexistants qui
descendaient aussi des régions célestes. Le docétisme lui passera d’un Jésus
non pleinement humain à une pure apparence d’humanité[38]. Il y a enfin des juifs
qui ont refusé de croire au messie envoyé par le Père. Cela se découvre dans le
passage que l’évangéliste met dans la bouche de Jésus au v. 17b :
« Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre
Dieu ».
Partant de l’examen du Sitz im
Leben, nous pouvons en conclure que la rédaction de cette péricope a été
influencée non seulement par des motifs liturgiques et doctrinaux, mais aussi
par le besoin d’illustrer les christophanies par le dialogue avec le Ressuscité
et par une raison apologétique.
I.3.3. Le genre
littéraire
L’étude du genre littéraire
occupe une place importante dans l’analyse d’un texte sacré. Dei Verbum en souligne la
pertinence : « Pour comprendre correctement ce que l’auteur
sacré a voulu affirmer par écrit, il faut soigneusement prendre garde à ces
façons de sentir, de dire ou de raconter, qui étaient habituelles dans le
milieu et à l’époque de l’hagiographe, et à celles qui étaient habituellement
en usage ça et là à cette époque, dans les relations entre les hommes »[39].
Notre unité littéraire est un
discours de forme kérygmatique ayant pour but d’expliquer et de présenter la
résurrection du Christ et son ascension au ciel, et la transmission de la foi
naissante dans l’Eglise primitive. Dans ce sens, X. LEON-DUFOUR affirme que les
récits d’apparitions « ne sont pas des récits de type historique (…), mais
des récits théologiques qui veulent montrer de quelle nature est la présence
nouvelle du Ressuscité et comment l’Eglise a été fondée, le tout pouvant se
situer dans un milieu cultuel »[40].
Ce faisant,
l’évangéliste s’inspire du genre des récits constitués sous la forme de la
narration historique. Les disciples racontent leur foi dans la liturgie au sein
de l’Eglise pour répondre aux besoins des communautés qui voulaient en savoir
plus sur le sens de l’événement pascal. Cette manière de parler est-elle une
originalité de l’évangéliste ou un emprunt à la culture du monde ambiant ?
Certes, le judaïsme antique ne
connait pas la résurrection comme événement de l’histoire. Car dans la foi
d’Israël, Yahvé a la primauté absolue ; il est le Dieu vivant qui se
manifeste dans l’histoire. Et l’homme ne peut entretenir le rapport avec lui
que dans l’histoire. Dès lors, la foi d’Israël en Yahvé est hermétiquement
séparée du domaine des morts. Elle refuse d’admettre une vie après la mort.
Mais petit à petit, Israël prendra conscience qu’il y a une percée à travers la
frontière de la mort. La représentation explicite de la résurrection se
rencontre en deux textes apocalyptiques : Is 26,7-21 et Dn 12,1-4[41].
Au temps de Jésus, les juifs
croyaient que les morts ressusciteront au dernier jour, tels qu’en témoignent
certains textes bibliques et
extrabibliques du judaïsme préchrétien palestinien. Cette résurrection est vue
de façon eschatologique.
Il est fort probant que le
langage de la résurrection utilisé par les premiers chrétiens soit un emprunt à
l’anthropologie juive qui, elle, est tributaire de l’anthropologie populaire ou
hellénistique. Alors que dans l’hellénisme d’antan la résurrection est une
réanimation d’un corps, dans l’anthropologie juive elle consiste dans l’accès
du défunt à la vie pleine, selon un mode nouveau d’existence et d’expression[42].
Disons enfin que même si le
contenu littéraire de ce texte a subi certaines modifications pour diverses
raisons, l’intention reste « celle de proclamer et de transmettre le
contenu du mystère de la Résurrection de Jésus de Nazareth »[43]. Et le genre littéraire
utilisé reste la narration historique ; cette manière d’exprimer la
réalité de la résurrection est un emprunt à l’anthropologie juive.
I.4. L’ANALYSE
STRUCTURALE
La structure de Jn 20, 11-18
est très discutée par les critiques et divise encore leurs points de vue. Nous
nous obligeons de jeter un regard sur ces différents modèles de structure avant
d’en proposer une.
I.4.1. Quelques
modèles de structure
I.4.1.1. X.
LEON-DUFOUR[44]
Il met en parallèle Jn 20 avec
Mt 28, 9-10 pour y dégager les trois dimensions caractéristiques de l’apparition :
v.
16a : Initiative : Jésus lui
dit : « Marie » (Cfr. Mt 28,9a)
vv.
16b-17a : Reconnaissance :
« Se retournant, elle lui dit : ‘Rabbouni’…vers le
Père »
v17b : Mission : Mais va vers les
frères et dis-leur : « Je monte …vers votre Dieu ».
Comme
on le voit, cette structure basée sur la christophanie omet l’angélophanie, et
elle ne montre pas l’évolution complète qui a conduit à cette reconnaissance et
cette mission.
I.4.1.2. F. BLANQUART[45]
Il présente une
structure bipartite :
- L’avant-scène
(vv. 11-13) : Marie aperçoit deux anges qui lui adressent la parole.
- La
scène (vv. 14-118) : Marie aperçoit Jésus qui lui adresse la
parole et l’envoie auprès des disciples.
La
scène est divisée en trois parties : v.
14 : De l’ignorance
vv.
15a-17 : à la découverte
v.
18 : et à l’annonce.
Cette
structure nous paraît assez complète et solide parce qu’elle contient les
éléments importants de la péricope.
I.4.2. Notre
proposition de structure
Nous procédons par une division
bipartite :
A. vv. 11-13 :
Angélophanie à Marie-Madeleine
a) v. 11 :
Introduction : Marie au tombeau pleurant
b) vv. 12-13 : Apparition des anges et leur
dialogue avec Marie
B. vv. 14-18 :
Christophanie et mission de Marie-Madeleine.
a) v. 14 :
L’ignorance de Marie à reconnaître Jésus
b) vv. 15-17a :
Initiative de Jésus et reconnaissance par Marie
c) v. 17b :
Marie reçoit la mission d’annoncer le Ressuscité
d) v. 18 :
Résultat de l’entretien : Marie exécute l’ordre reçu.
Brève explication de notre schéma
Tout en s’inspirant des
structures proposées par des spécialistes, nous avons surtout tenu compte des
mouvements internes du texte qui nous ont permis une telle proposition de
structure. Notre péricope présente des particularités vis-à-vis de celles qui
l’entourent, notamment les personnages-acteurs et le thème. Deux éléments
essentiels ont constitué l’articulation de notre structure :
l’angélophanie à Marie-Madeleine (vv. 11-13) et la christophanie à
Marie-Madeleine (vv. 14-18).
L’angélophanie comporte deux
parties :
1. Le v. 11
constitue une sorte d’introduction conjecturale.
Ce verset ouvre l’angélophanie par la présence de Marie au tombeau. Il la
montre non seulement en continuité avec la scène précédente (20, 1-10) mais
aussi au cœur de l’action. Elle joue un rôle important dans ce récit : sa
conversation avec les anges d’abord et avec Jésus ensuite.
2. Les vv. 12-13 se
rapportent à la conversation de Marie avec les deux anges. Cette angélophanie
accorde une grande place aux anges qui indiquent le lieu où reposait le corps
de Jésus. Elle prépare également l’entretien de Jésus avec Marie. Ce dialogue
nous fait passer du tombeau au lieu où Jésus se tenait debout.
3. Une petite inclusion englobe les vv. 14-18.
Elle est signalée par l’emploi du verbe dire au v. 14 et au v. 18. Ce verbe
exprime ici l’aspect historique de l’événement. Le v. 14 indique l’ignorance ou
l’incapacité de Marie à reconnaître Jésus étant donné qu’elle reste encore
attachée au passé. Marie est ici loin d’envisager une résurrection.
4. Les vv. 15-17a
sont caractérisés par une découverte progressive du Ressuscité. grâce aux trois
interventions de Jésus qui ouvrent le dialogue, Marie va lentement accéder à la
reconnaissance de Jésus. Ce jeu de question-réponse lui permettra de découvrir
que Jésus est ressuscité.
5. Le v. 17b constitue le centre de notre interprétation.
Car c’est ici que s’inscrit l’ordre de mission de Marie. Le dialogue entrepris
depuis le v. 15 s’achève ici par la mission que le Ressuscité lui confie. Cette
mission est stigmatisée par l’emploi de deux impératifs poreuou et eipe.
Marie est appelée à accéder à une nouvelle présence du Ressuscité par la
mission qu’elle reçoit du Christ, mission qui fait d’elle l’apôtre des apôtres.
C’est la raison pour laquelle nous avons séparé le v. 117b d’avec le 17a et en
avons constitué un tout à part.
6. Le v. 18
indique le résultat de leur dialogue. Il réalise le sens du vœu du v. 17b. Sans
aucune réaction de sa part, elle exécute l’ordre reçu. Marie passe de
l’ignorance à l’annonce. Elle est en pleine activité missionnaire. Ce verset
serait la conséquence qui découlerait de la mission annoncée au v. 17b. D’où
l’importance fondamentale de aggellousa.
……………………………………..
De
notre premier chapitre consacré à l’étude critico-littéraire, nous retenons les
résultats des recherches exégétiques qui nous permettent d’amorcer une
interprétation théologique pour la foi du chrétien aujourd’hui.
Dans
ce deuxième chapitre, nous voulons montrer que Marie de Magdala est la première
femme qui a reçu la vérité de la résurrection et la mission de l’annoncer aux
disciples. Cette mission fait d’elle l’apôtre des Apôtres. De cette mission
limitée aux disciples, nous dégagerons un caractère ecclésial qui puisse encore
affecter l’Eglise aujourd’hui.
Nous parlerons successivement du contexte de la
rencontre, de Marie comme apôtre, de la limite de la mission de Marie et de
l’actualité du message.
Cette rencontre demeure la clé
d’interprétation de notre péricope. Car elle nous conduira à une meilleure
compréhension de l’apostolicité de Marie.
Quelques
questions méritent toutefois d’être posées. Pourquoi cette rencontre entre le
Ressuscité et Marie ? S’inscrit-elle dans la mission du Ressuscité ?
Que vise ce dernier en prenant une telle initiative ? Quelles sont les
conditions de possibilité favorisant cette rencontre ? Et quel rôle Marie
joue-t-elle dans cet entretien ? Seule une étude topographique et
théologique peut tenter d’y répondre.
Dans
la préface des récits d’apparition du Ressuscité, les quatre évangiles sont
unanimes dans la façon de rapporter les épisodes du tombeau ; ce sont des
femmes (excepté le récit johannique qui parle de Marie de Magdala seule) qui se
rendent au tombeau le premier jour de la semaine. Quelle est leur intention
exacte ? Est-ce pour compléter l’embaumement ou pour une simple
visite ? Les traditions marcienne et lucanienne affirment qu’il s’agit
d’une onction : oindre le corps de Jésus (Mc 16,1 ; Lc 24,1). Les
traditions matthéenne et johannique, pour leur part, mentionnent les
lamentations (Jn 20,1) ou une simple visite (Mt 28,1). Au dire de certains
experts comme DODD[46], la tradition de Mt et Jn
semble plus vraisemblable. Car le projet d’oindre le corps de Jésus
s’accorderait mal avec la mention des soins apportés par Joseph d’Arimathie et
Nicodème en Jn 19,39ss.
Ce qui fait dire à X. LEON-DUFOUR qu’ « en
attribuant aux femmes le projet d’aller embaumer le corps de Jésus, la
tradition veut marquer le lien avec les épisodes antérieurs ; elle montre
aussi que l’attention des femmes est encore exclusivement tournée vers le
passé, vers un cadavre »[47]. Cette affirmation de
Léon-Dufour nous fait comprendre que le mode d’ensevelissement de Jésus a
préoccupé la première communauté chrétienne et s’est expliqué de diverses
façons. Ainsi pour notre exégète, « la tradition la plus originelle
présentait tout simplement les femmes avec l’intention d’aller ‘voir’ le
tombeau (Mt) ; c’est-à-dire se ‘lamenter’ (Jn) sur Jésus »[48].
Les
pleurs de Marie dénotent d’un état psychologique de tristesse suite à la mort
de Jésus. Ce qui fait que le tombeau lui apparaît vide du Christ. Cet isolement
provoque en elle la perte de sa propre identité. Car, à en croire Jean BODSON,
« Ces jours sans le Christ dépouillent Marie de Magdala d’un Christ trop
encore captif des possessions et des souvenirs pour l’ouvrir, comme le tombeau,
à un amour et une présence universels »[49]. Dans la perspective
johannique, le motif de la visite de Marie n’est pas connu.
Cependant
du côté de Marie, le constat que la pierre est enlevée est la condition pour
comprendre la nouvelle situation de Jésus dans la foi. Car elle reste encore
trop tournée vers le passé de Jésus. Jésus lui fait comprendre que ce n’est pas
là le lieu de verser les larmes humaines. Elle devra passer de la mort à la
vie.
Jésus
a l’initiative de la rencontre même si Marie dit qu’elle l’a vu. Il l’invite à
entrer dans la foi, à comprendre l’état nouveau dans lequel il se trouve. Cet
état marque la présence permanente et efficace de Jésus auprès des siens. Mais
Marie est loin d’envisager une résurrection comme en Jn 11,23-24 avec Marthe.
En outre, ce Jésus ressuscité est le même que celui de l’histoire. Il y a un
progrès qui s’est opéré dans son existence, à savoir qu’il n’est plus
mortel ; il a transcendé la mort. C’est ce qui fait qu’il ne soit pas
reconnu de prime abord.
Par
ailleurs, en l’appelant par son nom, Marie « va comprendre qu’il ne faut
pas chercher du côté des morts. Elle ne trouvera pas Jésus de ce côté (…) Il
faut chercher du côté des vivants »[50]. Et réveillée par ce
message, elle peut ouvrir son cœur à la grâce et aller rassurer les frères,
leur annonçant la Bonne Nouvelle d’un Jésus vivant.
Si
pour Marie ce qui motive sa visite est la mort d’un être cher qu’elle désire
pleurer, l’initiative de Jésus a pour but de se révéler comme Maître de
l’histoire, Seigneur des vivants. Jésus l’invite non au passé mais à se tourner
vers l’avenir. Etant donné que la rencontre se passe dans un lieu précis,
examinons à présent la topographie qui la conditionne.
Le quatrième évangile est
précis quant à la topographie relative à cette apparition : il s’agit du
tombeau vide situé dans un jardin.
La
mention du jardinier (v. 15) par l’évangéliste n’est pas sans allusion
quelconque. Ceci insinue que Marie se trouve dans un jardin. Ce jardin est
celui de la crucifixion décrit par Jn 19,41. Nous trouvons encore la mention du
jardin dans Gn 2,8-9.15-16 ; 33,23-24 où Dieu place l’homme dans le jardin
d’Eden, le Paradis, pour une vie bienheureuse. Mais avec la chute, ce jardin
deviendra le lieu de la confrontation entre Dieu et l’homme perdu. Mais le
jardin en Jn 20,15 appartient à une perspective eschatologique différent de
celui de la Genèse : « Ainsi, au jardin d’Eden, à la brise du soir
Dieu, au commencement du monde, est sorti et a cherché et appelé l’homme
perdu : ‘Adam, où es-tu ?’ (Gn 3,8-9). Durant des millénaires, Dieu
et l’homme se sont poursuivis sans se rencontrer. En ce jardin de Jérusalem,
dans la lumière radieuse de l’aube, une femme elle aussi crie sa peine et
appelle son Seigneur. Et Dieu, en Jésus ressuscité, et l’humanité en
Marie-Madeleine, se reconnaissent enfin par leur nom et se rejoignent dans
l’amour. La boucle est bouclée et tout est enfin accompli ! Rien ni
personne ne pourra désormais séparer l’homme de Dieu »[51] .
En
utilisant le terme ‘Jardinier’, le
narrateur a probablement pensé à l’affrontement du début de la création. Et il
met le terme jardin en relation avec
celui de Jardinier qui convenait le
mieux à l’ensemble de la narration des chapitres 18-20 et au contexte
historique. Il est fort probable que l’évangéliste ait fait allusion à ce
jardin d’Eden.
L’évangéliste
Jean met aussi le jardin en rapport avec la croix, rapport que J. GOETTMANN a
bien explicité en ces termes : « Jean a soigneusement rythmé sa
présentation du jardin et de l’Arbre de
la croix : paysage qui unit le jardin de la Genèse, le Paradis, et le
jardin de la Nouvelle Genèse, l’Eglise. De l’un à l’autre le passage se fait de
nuit par le Jardin des Oliviers et le Jardin de Joseph d’Arimathie »[52]. Finalement, c’est Jésus
lui-même qui se fera voir à Marie sous la forme du Jardinier. Il va inaugurer
une nouvelle création, un nouveau paradis et va ouvrir le chemin vers une autre
vie.
Mais
quel sens théologique donne-t-il à ce jardin ? Le jardin peut symboliser
le lieu du combat et du repos dont le milieu est la croix, nouvel arbre de vie.
Il signifie aussi l’Eglise qui naît du souffle de Jésus ; c’est l’effusion
du souffle créateur de la nouvelle Genèse, l’Esprit
Saint. Le jardin est la maison de la prière et de l’amitié (Lc 22,40-42 ;
Mt 26,36 ; Jn 18,1)[53], du pardon et du don de
l’Esprit, de la communion et de l’envoi en mission (Jn 20,17). C’est aussi
l’aurore d’un matin sans déclin.
C’est
enfin dans le jardin que Marie se révèle en face de Jésus telle qu’elle dans
toute sa vie, comme une femme habitée par le feu de l’amour[54]. Elle fait des va et
vient dans le jardin puisque le tombeau lui paraît vide.
Les quatre évangélistes suivent
une donnée commune en ce qui concerne la découverte du tombeau vide. Mais
chacun présente différemment l’événement. En effet, la découverte du tombeau
vide par Marie est le point de départ des événements de Pâques chez Jean. Marie
est à l’avant-scène, certainement à cause du rôle qu’elle doit avoir joué dans
la communauté primitive. En Jn 20,1-10, son rôle consiste à annoncer le tombeau
vide. Et « après s’être penchée
vers le tombeau qui révèle la dimension eschatologique de la mort de Jésus,
elle s’est détournée d’un lieu qui ne lui apportait pas la réponse qu’elle
attendait, mais lui confirmait que le corps de Jésus n’était pas là »[55].
Le tombeau met aussi
en continuité le récit de la résurrection d’avec celui de la passion. Il sert
de mot-crochet entre la scène de la sépulture (19,42) et celle de la découverte
du tombeau (20,1). On peut bien affirmer qu’en se rendant au tombeau, Marie est
revenue sur le lieu de la crucifixion de Jésus (19,41).
En
somme, la découverte du tombeau vide en Jean n’a pas pour but de prouver la
réalité de la résurrection du Christ. Elle veut plutôt proclamer la réalité de
ce mystère et préparer le croyant à entendre le message pascal délivré par les
récits des apparitions. Dans le même sens Jean DELROME admet que « le
souvenir d’un fait, la venue au tombeau des femmes qui n’ont pas retrouvé le corps
de Jésus, a été éclairé par la foi née des apparitions, puis stylisé dans un
récit adapté à la proclamation et à la méditation, au tombeau de Jésus, du
mystère de sa résurrection »[56].
La topographie nous a permis de
comprendre que la reconnaissance du Ressuscité est un long cheminement partant
de la découverte du tombeau vide dans le jardin à la confusion que fait Marie
entre le Ressuscité et le jardinier.
La reconnaissance du Ressuscité
par Marie s’ouvre par la désolation de celle-ci, suivie de l’interrogation des
anges. Elle s’opère grâce aux trois interrogations de Jésus, malgré
l’incapacité totale de Marie à le reconnaître (vv. 14-15). C’est grâce au
dialogue que Jésus noue avec elle et à l’appel par son nom que Marie réalisera
brusquement la présence de celui qu’elle aime avec passion.
Le
thème de la reconnaissance est une des grandes caractéristiques des récits de
la résurrection. Ce mode de reconnaissance est progressif. Pour le cas de
Marie, ce que le terme « gunai » (vv. 13.15) n’a pas opéré se réalisera dans le nom
propre de « miriam » (v. 16). Dans cette même optique de notre
argumentation, D. MOLLAT affirme : « C’est en l’appelant par son
nom que Jésus se fait reconnaitre de Marie de Magdala. Ce que le nom commun de
femme (gynai) n’avait pu opérer, le nom de l’intimité personnelle ‘Marie’ le
réalise d’un seul coup. Marie se découvre interpelée. Son nom dans la bouche de
cet homme recrée la communion avec le Seigneur vivant. Ses yeux s’ouvrent. Sa
foi naît dans ce cri : ‘Rabbouni’ »[57]. Certes, aux yeux de
Mollat, le moment de la reconnaissance constitue l’événement majeur. Il est
l’œuvre de Jésus. Car non seulement il fait le premier pas, mais il fait tout.
C’est Jésus qui ouvre le dialogue et le ferme ; qui, de fait, appelle
Marie par son nom et se fait reconnaître d’elle. Par le cri Rabbouni, Marie
fait sa profession de foi à Jésus, profession qui précède sa mission.
De
plus, l’interpellation de Jésus : « Miriam » évoque le bon
pasteur qui appelle ses brebis par leur nom et les connaît (Jn 10,3.14). Jésus
ne l’appelle qu’une seule fois. Cet appel éveille en elle le souvenir du passé,
une certaine intimité entre les deux personnages.
Quelle
serait la nécessité théologique qui a conditionné cette rencontre ? Cet
épisode a pour but de décrire la nature véritable de la foi pascale, d’en
indiquer les bases essentielles et la relation à l’œuvre de Jésus[58]. Car ici « la foi
pascale apparaît comme passage de l’absence à la présence, de la désolation de
Jésus perdu à l’allégresse de Jésus retrouvé. Le monde divin de la Résurrection
ne se révèle plus par le langage indirect des choses (…) Jésus vient en
personne à la rencontre de la femme éplorée qui le cherche mort »[59]. La foi pascale devient
alors le dialogue renoué avec Jésus vivant au-delà de la mort. Et donc la foi
de Marie doit radicalement se renouveler et tendre à l’état nouveau de Jésus.
En
outre, cette foi doit être vécue et partagée. Après avoir fait l’expérience
relationnelle avec Jésus, Marie devra faire savoir aux la bonne nouvelle. Elle
posséder a totalement le Christ à
travers ce partage. La révélation aboutit à la mission. Cette mission fait
d’elle l’apôtre de la résurrection.
En partant de la situation de
la femme dans le contexte juif et de la position de Jésus vis-à-vis de la
femme, nous établirons les critères de l’apostolicité et les appliquerons à
Marie de Magdala.
Le
judaïsme a une conception ambiguë de la femme. La Bible présente une extrême
variété sur le statut social de la femme si bien que l’on ne peut pas d’un
trait affirmer – comme le prétendent certains – que la femme est très méprisée
par la société juive d’antan. La vision de la femme apparaît complexe et
nuancée comme affirme J. HOURCADE : « Les écrits classiques du
judaïsme (…) dépeignent une multitude des points de vue sur les femmes. Les
opinions dépendaient des différents des différentes structures culturelles et
sociales, des modèles spécifiques qui prévalaient à une époque donnée, et des
expériences personnelles et des tempéraments individuels des maîtres juifs. Certains
textes relèvent d’une misogynie tenace, tandis que d’autres célèbrent les
femmes »[60].
Deux
tendances se dessinent à l’intérieur de la littérature relative à la femme.
D’un côté les textes qui exaltent la femme la présentent comme source de vie.
Elle est exaltée parce qu’elle donne la vie et garantit la fidélité à la loi.
Elle est d’abord considérée dans sa maternité. Ces tâches maternelles et sa
présence au foyer l’excluent de la vie prophétique. Toutefois, certaines
d’entre elles ont joué un rôle particulier au salut d’Israël et ont été
exaltées comme prophétesses. C’est le cas de Déborah (Jg 4,4-5 ; 55,7-12),
Houlda ou Hulda (2R 22,14-20), Esther et Judith, Myriam la sœur de Moïse (Ex
15,20ss), Anne (1S2)…
D’autres textes par contre soutiennent l’infériorité
féminine. Ils s’appuient principalement sur Gn 2,18-25. Les partisans de cette
tendance attribuent à la femme tout ce qui engage l’impureté, le péché, la
séduction, la malédiction… Pour montrer cette misogynie, on évoque la
bénédiction que les rabbins enseignaient aux hommes ; leur demandant de
louer Dieu pour les avoir créés hommes et non femmes[61]. Parmi les tenants de ce
groupe figurent les esséniens qui, d’ailleurs pour la plupart, ne prennent pas
femme.
Quoiqu’il
en soit, il faut reconnaître qu’en général la femme juive vit dans une
condition d’infériorité. Elle est toujours celle qui subit l’homme. A. JAUBERT
affirme que la femme est respectée comme mère et épouse. Sur le plan social et
juridique, elle est considérée comme une mineure : « Son
témoignage n’était pas reçu devant les tribunaux (…) Le mari pouvait annuler
les vœux de sa femme (Nb 30,13). C’est lui qui disposait des biens de sa femme
et devait en contre partie assurer sa subsistance »[62].
Ce
statut d’infériorité se manifeste surtout dans la vie religieuse et culturelle
où elle n’avait presque pas d’obligation religieuse. Mais en contre partie,
elle pouvait se consoler de son absence du Temple et de la Synagogue. Car elle
préside au culte familial qui est la cellule fondamentale du peuple de Dieu. Le
foyer reste pour Israël le premier et le dernier des sanctuaires[63].
Remarquons
qu’il y a ici un paradoxe frappant. On accordait à la vie féminine de
nombreuses impuretés : les menstruations, les écoulements après la couche,
après une naissance elle devait se purifier… Et en même temps lorsqu’elle
observe les règles déterminant la pureté rituelle, elle est considérée comme
étant en état de sainteté. C’est la femme qui prépare le repas conformément aux
interdits ; même le repas pascal qui est le sacrifice biblique par
excellence[64].
Alors qu’on la déclare impure, elle participe à ce qui est ou doit être
sanctifié.
Le christianisme à la suite du judaïsme sera aussi
marqué par cette conception misogyne ; conception contre laquelle s’est
insurgé Jésus.
Jésus
adopte une attitude de compassion, de respect et de sympathie à l’égard de la
femme. Jésus vient alléger à la femme le lourd fardeau lui imposé par la
société. Il se montre libérateur vis-à-vis de la femme (Mt 15,21-28 ; Lc
7,36-49 ; Jn 44,5-42 ; 8,1-11 ; 12,1-8 ; 20,11-18). Jésus
vient renverser les valeurs sociales juives en ouvrant à la femme un espace de
liberté qui lui permet de devenir elle-même. Ainsi, à la femme adultère, il
dira : « Moi non plus je ne te condamne pas…»(Jn8,11).
Jésus décèle les gauchissements
humains qui pervertissent le dessein de Dieu. Il prend distance de la loi là où
elle devient une lettre qui tue. Il abolit en même temps les tabous sexuels et
dépasse les souillures légales (Mt 9,22). Et il n’exclut personne à sa suite.
Il a accepté des disciples femmes comme collaboratrices à la propagation de la
Bonne Nouvelle. Tel est le cas de Marie-Madeleine dans l’annonce de la
résurrection, annonce qui lui confère le titre d’apôtre.
La notion de l’apostolicité
pose problème dans sa signification et dans son ampleur. Elle présente beaucoup
d’écueils. Toutefois elle peut se préciser lorsque l’on réclame des
justifications à ce propos. Nous nous attelons ici à l’étymologie et aux
critères d’apostolicité que nous appliquerons à Marie.
Il
est vrai que dans le N.T. de nombreux personnages reçoivent le titre d’apôtres.
Mais qu’entend-on par ce terme ? Du substantif grec apostolos, et du verbe apostellein, apôtre signifie envoyé,
chargé de mission. En langage chrétien il signifie simplement missionnaire.
Dans l’Eglise primitive, ce terme est appliqué au membre de la communauté
chargé de l’évangélisation[65].
Dans
l’A.T., le titre apostolos désignait un émissaire ou dignitaire chargé d’enseigner
la Loi (2 Ch. 17,7). Après l’an 70, le judaïsme l’emploie exclusivement pour
désigner les Rabbins envoyés aux juifs de la diaspora pour organiser leurs
communautés. Mais les prophètes et les juifs prosélytes ne reçoivent pas ce
titre[66].
Dans le N.T., le terme apôtre
comporte deux sens. Stricto sensu, il s’applique aux seuls Douze appelés par le
Christ (Mt 10,2-4 ; Mc 3,16-18 ; Lc 6,13-16 ; Ac 1,13). Au sens
large il désigne les missionnaires itinérants de la communauté primitive (22 Co
8,25 ; Ph 2,25 ; 1 Co 9,5). Son sens paulinien lui confère deux
critères : avoir vu le Ressuscité (Ga 1,11-16) et avoir été envoyé en
mission par le Christ (1 Th 2,7 ; Ga 1,1)[67].
Outre ces critères
pauliniens, nous distinguons trois critères d’apostolicité : Etre envoyé
par Dieu d’abord au sens d’Hb 3,1 et Jn 17,18a ; ensuite par le Christ (Mt
28,19) ; et enfin par l’Eglise (Ac 13,2-3).
Ainsi établi, peut être appelé
apôtre un serviteur et témoin envoyé par Dieu, le Christ ou l’Eglise dont il
reçoit la mission. Appliqués à Marie de Magdala, ces critères ne lui
confèrent-ils pas ce titre d’apôtre. C’est ce que nous allons tenter de
démontrer à présent.
Certains théologiens préfèrent
coller à Marie-Madeleine l’épithète de disciple
féminin de Jésus, réservant le qualificatif apôtre au collège des Douze choisis par Jésus. Nous pensons quant à
nous que cette conception de l’apostolicité débouche sur deux impasses
lorsqu’on se situe dans les perspectives paulinienne et johannique.
En effet, Paul réclame à tout moment le titre d’Apôtre
et déclare avoir été envoyé par le Christ. Et pourtant il ne fait pas membre du
collège de Douze. Et le quatrième évangile n’utilise nulle part l’expression
apôtre au sens technique. Jean parle de disciple pour désigner aussi bien le
cercle des Douze que tous ceux qui ont suivi Jésus, qui ont cru en lui et qui
ont obéi à sa parole.
Jean
utilise le verbe apostellein envoyer
pour désigner l’envoi en mission. Il n’y a ici aucune restriction. Or les
femmes peuvent aussi être comprises dans une mission. Dans le chapitre 20,
l’évangéliste attribue à une femme un rôle quasi apostolique de façon très
remarquable. C’est à une femme, Marie-Madeleine, que Jésus apparaît d’abord et
l’envoie annoncer à ses frères (les disciples) qu’il monte vers le Père[68]. Et nous savons que le
mouvement de Pierre et du disciple que Jésus aimait s’enracine sur les paroles
de Marie.
Partant
alors de nos critères énumérés ci-haut, il devient indéniable que par l’annonce
type de la résurrection, Jésus fait de Marie-Madeleine l’apôtre et
« l’évangélisatrice de l’Alliance Nouvelle et de la Résurrection »[69].
Ainsi,
devenue le « symbole de l’Eglise qui, dans la lumière de Pâques, a la
révélation du Seigneur, Marie-Madeleine est non seulement le modèle de la foi,
mais elle devient l’apôtre des apôtres, la première messagère de
l’Evangile »[70] . Car elle fut la première à rendre témoignage du Christ
devant les Apôtres. Comme on peut le voir, Marie n’est pas loin de vérifier les
conditions de base exigées selon Paul pour être apôtre. Car c’est elle et non
Pierre qui est la première à voir Jésus ressuscité[71].
Remarquons
que l’évangéliste attribue à une femme un rôle traditionnellement accordé à
Pierre (1 Co 15,5 ; Mt 16,16-19). Cette substitution, aussi délibérée
soit-elle, ne veut pas dénigrer Pierre ni lui dénier un rôle de l’autorité
ecclésiastique lui conféré en Jn 21,15-17. L’évangéliste veut simplement
suggérer que l’autorité ecclésiastique n’est pas le seul critère pour juger de
l’importance relative de ceux qui suivent Jésus[72]. Et la transmission de la
vérité divine par le Christ se fait sur pied d’égalité aussi bien pour les
hommes que pour les femmes.
Après
avoir dégagé les critères d’apostolicité et établi le fondement
biblico-théologique de l’apostolicité de Marie, nous voulons à présent indiquer
la limite de sa mission.
Toutes
les démarches que Marie a eues à faire avaient comme aboutissement la
responsabilité que Jésus lui avait confiée en l’envoyant vers ses disciples. Si
la mission de Jésus a pour terme le Père (« Je monte vers mon
Père… »), celle de Marie a pour finalité les frères (« Pour toi, va
trouver mes frères… »). Par le Pour
toi, Jésus fait connaître à Marie qu’il faut aller partager sa foi, son
amour avec les autres.
Remarquons par
ailleurs que la mission de Marie n’est pas destinée au monde entier. Elle a un caractère
que nous nommons intra-ecclésial.
Car elle est destinée à une communauté précise : la famille des disciples.
Marie ne reçoit pas comme les apôtres l’ordre d’annoncer l’évangile à toute la
création. Le message qu’elle apporte, roc de la foi chrétienne, ne pourra
atteindre le monde entier que par les apôtres qui en sont les témoins officiels
(Mt 28,19). Ceci laisse entendre que l’énigme des apparitions oblige à des
résolutions inattendues. Ce qui amène Fr. GENUYT à affirmer que « les
signes de la résurrection ne sont pas donnés à constater, ils opèrent une
transformation des acteurs »[73].
La mission de Marie de Magdala
s’achève chez les disciples ; celle de ces derniers commence. Marie
prépare les disciples à accueillir la manifestation de Jésus et les dispose
indirectement à une mission autre que la sienne. Les disciples vont définir le
champ de la mission de Marie sous leur propre responsabilité. Ceci justifie le
sens de l’apparition aux disciples (Jn 20,19-23). Dans la même ligne Fr GENUYT
affirme : « Si la venue du Seigneur dans la maison où sont reclus les
Apôtres chasse la crainte et apporte la paix du pardon, le bénéfice de
l’apparition consiste, non pas dans la reconstitution d’une équipe, mais dans
la réception de l’Esprit et l’envoi au dehors, là où ils auront à dire à tout
homme, en l’absence du Maître et sous leur propre responsabilité, la rémission
ou la rétention des péchés »[74].
Bien que Marie soit la première
à annoncer la Résurrection, la Bonne Nouvelle de Pâques repose sur la foi des
Apôtres quoique seconde par rapport à la foi de Marie. C’est peut-être la
raison pour laquelle, sur le plan ecclésiologique, le rédacteur fait précéder
l’apparition à Marie de Magdala de la foi du disciple bien aimé en la
résurrection de Jésus (Jn 20,8).
Alors que l’annonce de Marie ne
vise que les disciples, l’apparition aux disciples a un caractère universel en
ce qui concerne la mission. En effet la mission des disciples s’enracine dans
l’ensemble de la mission de Jésus (17,17-19) et vise un univers plus vaste.
C’est ce que semble insinuer le verbe pempw (envoyer) employé ici dans un
sens absolu et sans complément, bien que Jésus n’indique ni l’objet ni le terme
de cette mission. Partant d’autres textes (Mt 28,19 ; Jn 17,18), on peut
dire que l’objet de la mission est le monde. Les disciples devront poursuivre
l’œuvre du Père et accomplir comme Jésus sa volonté (Jn 3,35 ; 5,20 ;
6,38-40 ; 13,3 ; 17,2-4)[75].
Cette mission a un
lien étroit avec le don de l’Esprit. L’Esprit est la puissance de salut qui
opère chez les disciples, en communion avec Jésus, une création nouvelle. A.
JAUBERT perçoit bien ce lien lorsqu’elle affirme que l’Esprit de Jésus jette sa
lumière sur les ténèbres du monde et peut donner la vie (Jn 6,63 ;
8,12) : « cet Esprit qui donne vie est à la racine de la mission et
de la nouvelle création que sont les croyants »[76]. Et D. MOLLAT
d’enchaîner : « par la puissance de l’Esprit issu du Christ
ressuscité, un monde nouveau commence ; un nouvel Israël s’inaugure par la
mission de ses disciples dans le monde »[77].
A
présent, nous dégageons l’impact de la mission de Marie sur la vie du croyant
et de l’Eglise aujourd’hui.
Plusieurs thèmes peuvent
ressortit de la lecture de cette péricope. Notre curiosité repose plus sur une
lecture de la mission vue dans une perspective féministe. Ce sera l’objet
principal de notre troisième chapitre dont l’application débouchera sur la
mission de la femme africaine.
Par la première annonce de la
résurrection confiée à Marie, Jésus lui révèle que la finalité de sa mission
c’est les frères. Mais qui sont ces derniers ? Ce mot frères apparaît ici
pour la première fois. Il s’agit certainement des disciples comme nous le
confirme le v.18. Il est possible que le narrateur ait aussi envisagé ceux qui
par les disciples recevraient le message pascal[78]. Car non seulement cette
appellation frères marque le sommet de sa mission, mais en appelant ses
disciples frères, Jésus inaugure une nouvelle parenté : la parenté
spirituelle. Celle-ci dépasse la parenté naturelle ou sanguine comme l’exprime
savamment le professeur ATAL : « à la parenté naturelle, Jésus
impose un contenu NOUVEAU qui en fait éclater toute limitation ancienne. Les
liens de sang ne l’emportent pas sur ceux de la parenté spirituelle. Bien plus,
celle-ci acquiert, de ce fait, et renforce son degré de profondeur »[79].
Mais cette mission qui, certes,
n’est pas destinée au monde entier ne revêt-elle pas un caractère
ecclésial ? bien que n’étant pas témoin officiel, le témoignage de Marie
sur la résurrection précède celui des apôtres. C’est Marie qui les introduit au
cœur du mystère de la résurrection. Et les frères ou disciples constituent déjà
le premier noyau du christianisme. Ce noyau forme l’Eglise, l’Eglise
apostolique naissante. L’annonce de Marie comporte un caractère ecclésial parce
qu’elle vise une communauté. Mais quelle est la compréhension actuelle de la
signification universelle d’une histoire individuelle comme celle de
Marie ?
L’histoire
individuelle de Marie a une signification universelle pour la foi de l’Eglise.
Car la proximité de Jésus Sauveur du monde confère aux personnages de
l’Evangile une valeur d’universalité. A travers le rôle de figure accompli par
ses contemporains, l’enseignement de Jésus s’adresse également à nous. Ce
faisant, le témoignage de Marie s’inscrit dans le cadre de la mission que
chacun découvre pour son existence propre, à travers une longue maturation et
une certaine expérience de la maturité sur le plan humain et sur le plan de la
foi[80]. EN Marie ?
l’humanité est recréée ; elle devient une sœur pour l’humanité : elle
donne aux hommes la Bonne Nouvelle qui les renouvelle. Elle manifeste la
liberté de salut qui réside dans l’ouverture à autrui.
En outre, affirme
X.LEON-DUFOUR, c’est à partir d’un témoignage que l’on vient à la foi, même
s’il est rendu par une femme dépourvue d’autorité… La foi de l’Eglise continue
à se transformer par cette voie. Ce témoignage qui provient d’une rencontre
personnelle avec Jésus conduit l’auditeur à entendre la Parole afin
d’approfondir la foi Qui s’est ainsi éveillée[81]. C’est dire encore que la
femme aussi joue un rôle essentiel dans la transmission de la foi en
concordance avec son charisme du don de la vie pour parler J. HHOURCADE[82]. Cependant cette mission
devient limitée quand on aborde le domaine du ministère ordonné.
Depuis
le Concile Vatican II, la femme a toujours tenu une grande place dans la vie de
l’Eglise. Mais sa mission devient une pierre d’achoppement quant à son
accession au ministère ordonné. A cet effet, l’Eglise apparaît à certains
penseurs dont Monique HEBRARD comme une société misogyne : « Depuis
Vatican II, elles y ont pris des responsabilités très importantes, mais elles
ne peuvent pas être prêtres, ce qui vaut à l’Eglise catholique, pour bon nombre
de nos contemporains, d’être jugée comme l’un des ‘derniers bastions de la
misogynie’ »[83].
L’Eglise catholique vénère le
féminin : elle se présente comme l’épouse du Christ. Elle a un grand
respect pour la femme. Dans son message final, le Concile Vatican II s’est
adressé aux femmes en ces termes : « L’Eglise est fière, vous le
savez, d’avoir magnifié et libéré la femme, d’avoir fait resplendir au cours
des siècles, dans la diversité des caractères, son égalité foncière avec
l’homme. Mais l’heure vient, l’heure est venue où la vocation de la femme
s’accomplit en plénitude, l’heure où la femme acquiert dans la cité une
influence, un rayonnement, un pouvoir jamais atteints jusqu’ici »[84]. C’est dire que le
Concile reconnaît la femme égale à l’homme. Mais dans la réalité des faits,
l’Eglise ne réserve le ministère ordonné qu’exclusivement aux hommes. Comment
expliquer cette restriction ? Serait-elle due à une incapacité de la femme
d’exercer ce ministère ?
Pour comprendre ce refus de
l’ordination des femmes, il faut remonter plus loin dans les tabous d’antan. Ce
n’est pas pour nous le lieu de le faire. Notre propos se veut seulement
présenter le problème tel qu’il se pose actuellement dans l’Eglise. Précisons
d’abord à la suite de J. Hourcade que « L’Eglise n’a jamais dit que la
femme fût incapable d’être prêtre mais qu’il y a à cela des raisons
théologiques, symboliques, des raisons anthropologiques (…) et surtout des
raisons de tradition »[85].
Nombre des théologiens dont
Hervé LEGRAND jugent insuffisantes les raisons évoquées par l’Eglise sur la
non-ordination des femmes. H. Legrand s’insurge contre le document Inter insigniores qui affirme entre
autre que dans la représentation, le rôle du ministre qui agit in persona christi ne peut être exercé
que par un homme parce que le Christ est homme. Et l’Eglise ne peut changer
cette pratique qui relève de la Tradition biblique et apostolique. Pour H.
Legrand, « le prêtre n’agit pas in persona christi de façon immédiate dans
l’eucharistie. Pour être in persona christi il lui faut être in persona
ecclesiae. Il lui faut être ordonné et exercer la charge de représenter la foi
et la communion de l’Eglise »[86]. C’est donc en agissant
in persona ecclesiae que le prêtre agit in persona christi. D’où une femme
ordonnée qui a la charge pastorale de la communion de l’Eglise et qui
représente la foi de l’Eglise l’exercerait en bonne et due forme. La
représentation n’a aucune valeur symbolique. Dans la présidence de
l’eucharistie, l’action se situe dans le mystère, c’est-à-dire dans le
sacrement et non dans la représentation. Il en conclut que la non-ordination
des femmes est un fait historique et non une Tradition au sens fort.
En dépit de ces objections des
théologiens, la discipline de l’Eglise en cette matière reste stricte. La
pensée de l’Eglise se trouve consignée dans des documents comme Inter insigniores du 20 février 1977[87], Mulieris dignitatem de 1988[88] et la lettre apostolique
sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes du 30 mars 1994[89].
Quoiqu’il en soit, cette
question qui relève de la seule compétence du Magistère retient encore son
attention. Il n’est pas impossible qu’avec le temps, le Législateur en décide
autrement. Toutefois nous pensons que le jugement de l’Eglise à propos de cette
question doit faire appel à un esprit de finesse. L’Eglise doit éviter de
tomber au piège de la logique d’un modernisme exagéré si elle veut rester
fidèle à sa Tradition. Fidèle à l’enseignement et à la position actuelle du
Magistère, nous nous accordons à l’idée que le ministère ordonné reste encore
exclusivement réservé aux hommes.
…………………………………..………...
Les conclusions théologiques
tirées du second chapitre sur la mission de Marie-Madeleine orientent nos
réflexions sur la mission de la femme africaine. Nous abordons le présent
chapitre dans le cadre de la conception de l’Eglise-Famille prônée par l’exhortation
apostolique post-synodale Ecclesia in
Africa. En ouvrant cette perspective à la théologie africaine, nous
recommandons à l’Eglise locale d’associer la femme à l’œuvre de l’apostolat
dans le processus de la nouvelle évangélisation de l’Afrique à l’orée de l’an
2000.
La mission de Marie auprès des
disciples suggère à la femme africaine aujourd’hui une manière d’être
missionnaire. Car la semence qu’elle a jetée et la moisson apostolique qu’elle
a préparée donnent à la femme africaine la conscience que c’est en Eglise que
son témoignage prend toute sa force d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut pour
tous les hommes et toutes les femmes au milieu desquels elle vit.
Dans cet effort
d’interprétation en vue de l’interpellation africaine, notre chapitre traitera
des points ci-après : la dimension prophétique de la vie féminine ;
la femme africaine en mission ; la responsabilité de la femme devant sa
mission ; Marie-Madeleine, paradigme de la femme africaine en mission.
La femme moderne cherche
d’abord le sens de sa vie et comment la bâtir. Jésus donne la clé de vie
féminine et dévoile que cette vie est porteuse du mystère de la sagesse
multiple de Dieu. A ce propos, G. BLAQUIERE affirme : « Si la
femme est faite, comme l’homme, à l’image de Dieu, sa vie, si ordinaire qu’elle
soit, a quelque chose à nous dire du mystère de Dieu. Elle est tout entière
parabole et prophétie et plus rien n’est insignifiant à qui sait lire les
signes »[90].
L’existence d’un prophétisme
féminin dans l’Ecriture est attestée. Dans l’A.T. en effet, Israël comme peuple
de l’Alliance est souvent signifié par la femme, partenaire d’une longue et
difficile histoire d’amour avec son Dieu[91] (Cfr. Is 54,6-8 ;
62,5 ; Os 2,15 ; Ez 36,17 ; Jr 2,2). Les prophètes comme Osée,
Isaïe, Jérémie et Ezéchiel utilisent la symbolique des noces pour signifier
cette alliance de Dieu avec Israël (Ez 16,4) malgré l’infidélité de ce dernier
(Os 2,7 ; Is 54,6).
En
outre, bien que la femme juive ne soit souvent considérée que dans sa
maternité, certaines d’entre elles ont retenue la mémoire du peuple pour avoir
joué un rôle prophétique dans le salut d’Israël.
Dans le N.T., l’Eglise est
appelée à vivre ce mystère de l’alliance renouvelée par Jésus-Christ. Elle
devient l’épouse du Christ (Ep 5,21-33). Paul découvre dans ce texte une
préfiguration prophétique de l’union du Christ et de l’Eglise à partir de Gn
2,24. Et ce sont les femmes qui sont les prophètes de cette alliance. Dans la
parabole des dix jeunes filles (Mt 25,1-13), elles symbolisent l’Eglise,
fiancée à l’attente de Dieu. Dans l’espérance de la fête, la jeune fille vierge
attend l’amour dans la réserve de son corps et de son cœur. Elle accueillera
ainsi son fiancé comme un don de Dieu (Ac 5,2 ; 8,6). Elle devient la figure
de l’Eglise offerte à l’amour de Dieu et à qui Dieu se donne dans l’amour[92].
Dans 1 Co 11,4-5, Paul met le
prophétisme de la femme sur le même
plan que celui de l’homme. Le mot proseucomenos a le même sens pour
l’un et l’autre. Selon Jean DANIELOU, « le prophète, au sens du N.T.,
n’est pas seulement un inspiré, c’est quelqu’un qui exerce une fonction à
l’intérieur de la communauté »[93]. Ce texte comme bon
nombre d’autres montre que la fonction du prophète s’exerce dans l’assemblée
chrétienne. Par ailleurs 1 Co 14,34-35 conteste pour les femmes le droit
d’intervenir dans l’assemblée. Pour résoudre cette contradiction, J. Danielou
affirme que Paul interdit directement la prédication de la parole à l’assemblée
désignée par le mot lalein. Et partant de 1 Tim 2,11-12, Danielou soutient que
« la femme ne saurait appartenir à la hiérarchie proprement dite, dont les
prérogatives sont la présidence de l’assemblée, l’enseignement ayant autorité,
l’offrande de l’eucharistie »[94]. Car le rôle du prophète
n’est pas d’abord d’enseigner, mais essentiellement de prier. Et donc si on
interdit à la femme l’enseignement, on ne peut lui défendre de prier à haute
voix dans l’assemblée. Actuellement l’Eglise catholique autorise à une femme de
présider une assemblée (cas de l’ADAP) étant donné que cette présidence ne
relève pas d’un pouvoir ordinaire. Cette conception paulinienne est en quelque
peu tombée en désuétude.
La dimension prophétique de la
femme se réalise à chaque étape de la révélation. Marie apprendra la première
que les temps sont accomplis et que le salut de Dieu est venu dans le monde.
Elisabeth criera de joie la présence cachée de Dieu parmi les hommes. La
profession publique de foi de Marie (Jn 11,25-27) révélera que Jésus est le
Maître de la vie et de la mort. En Marie-Madeleine, Jésus va se révéler comme
le Ressuscité.
Ce
témoignage prophétique fait de la femme un signe du mystère de l’Eglise en
mission. C’est dans cette dynamique de la dimension prophétique que s’enracine
la mission de la femme africaine, culturellement interpellée par la mission de
Marie de Magdala auprès des disciples (Jn 20,11-18).
La lecture de notre péricope
nous autorise une interprétation africaine. Nous l’abordons dans le cadre de
l’ecclésiologie africaine de l’Eglis-Famille. Il sied avant tout de préciser la
situation sociale de la femme africaine, comme celle de la femme juive[95], avant d’analyser sa
mission dans l’Eglise-Famille.
Comme Marie-Madeleine, la femme
(ou la fille) africaine est une fille de son temps et de sa culture, vivant
toutes sortes de discriminations, pourtant elle seule est appelée à témoigner
de Jésus-Christ à l’instar de la juive ou de la samaritaine (Jn 4,28-30).
La femme africaine est
profondément diminuée, blessée dans son être profond. Cette situation sociale
est, pour elle, un préalable nécessaire pour son engagement missionnaire.
L’article de la Sœur
BWANGA sur la femme africaine et l’évangélisation de l’Afrique[96] en fait grand écho. Cette
situation sociale dans laquelle vivent la fille et la femme africaines doit
orienter leur agir et engagement missionnaires. Car « c’est cette femme
africaine blessée et démissionnaire que le Christ vient rencontrer pour lui
faire retrouver les valeurs profondes de sa féminité africaine à mettre en
compte dans sa participation à la mission de l’Eglise au milieu de son
peuple »[97].
L’épisode de la Pentecôte
synthétise le caractère ministériel de la prédication apostolique au sein d’une
Eglise missionnaire (Ac 2,14-42). Par ailleurs, Lc 8,1-3 note une présence
féminine autour de Jésus dans ses tournées apostoliques. Dans les communautés
primitives, les femmes sont au cœur de la mission, parfois avec un zèle et une
influence sur le climat spirituel de la
communauté de loin supérieurs à ceux des hommes. Rm 16,1-16 cite plusieurs
femmes dont quatre (Marie, Tryphène, Tryphose, Persis) « se sont fatiguées
pour le Seigneur ». Paul utilisait déjà
cette expression pour ses propres fatigues apostoliques[98]. Ces témoignages
apportent une configuration à la participation des femmes à l’évangélisation
aux temps apostoliques.
En Jn 20,17-18, Jésus couronne
la mission de la femme en envoyant Marie de Magdala annoncer la résurrection.
Le Ressuscité revalorise ainsi la femme et fait d’elle missionnaire par
excellence. En outre, « en envoyant Marie annoncer aux disciples eux-mêmes
sa résurrection d’entre les morts et le sens de cet événement, Jésus signifie
que les apôtres ont toujours quelque chose à apprendre de ceux et celles qui
s’abreuvent en permanence à la source d’eau vive »[99]. Dieu confie la mission à
qui il veut.
Comme Marie, Jésus rencontre la
femme africaine aujourd’hui dans son contexte social et l’envoie en mission. Il
vient de même lui rendre la dignité de sa féminité et les richesses de sa belle
humanité au service de l’Eglise et de l’Evangile. Jésus la délie et la libère
(Lc 8,2). Tel est son dessein libérateur inscrit en Lc 4,18-19.
La femme africaine est un
véritable agent de l’évangélisation. Sa présence n’est pas de moindre
importance dans l’évangélisation en profondeur de l’Afrique. Elle évangélise
par l’annonce de la parole et le témoignage de vie. Elle rayonne dans une
participation active à la prière liturgique, dans les CEB, la catéchèse, la
préparation des adultes et des enfants aux sacrements, dans divers mouvements
spirituels et d’action catholique. D’autre part, le témoignage de vie
chrétienne authentique livrée à Dieu et donné au prochain est pour elle un
moyen efficace d’évangélisation. Le pape Paul VI affirmait à ce propos :
« l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres
(…) ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont témoins »[100] . A titre d’exemples citons le secours et la visite des
malades, l’assistance matérielle aux pauvres et aux handicapés, la consolation
des personnes éprouvées…
Bref, disons à la
suite de la Sr MBUYI que « la femme d’Afrique est consciente de la
présence de Dieu qui l’habite et elle veut en rendre témoignage comme
Marie-Madeleine, la Samaritaine et tant de saintes femmes au cours de
l’histoire[101].
Car la nouvelle évangélisation reste impensable sans une présence active et
renouvelée des femmes.
L’ecclésiologie synodale a
appliqué, à la suite de Vatican II, pour l’évangélisation de l’Afrique,
l’idée-force de l’Eglise-Famille de Dieu. Cette image met l’accent sur
l’attention à l’autre, la solidarité, la chaleur des relations, l’accueil, le
dialogue et la confiance. Ce modèle d’Eglise a pour prototype la sainte famille
dont Nazareth est « l’école de l’Evangile » pour parler Paul VI. Quel
lien peut-on établir entre le concept Eglise-Famille et la mission de Marie de
Magdala ? De la lecture de notre péricope ou d’autres textes faisant
allusion à Marie, nous ne trouvons aucune précision sur son identité
matrimoniale. Nous en venons ainsi à la conclusion selon laquelle la vedette de
la résurrection n’était pas mariée.
Par ailleurs, Marie annonce la
résurrection dans un cadre précis : la famille des Apôtres et/ou disciples
à Jérusalem (Jn 20,11-18 ; Lc 24,47). Notre lecture africaine de cette
péricope nous permet d’identifier quelque peu cette famille à l’Eglise-Famille.
Cependant nous précisons à la
suite du Professeur MUGARUKA que partant d’un examen lexicographique, le binôme
Eglise famille ou l’expression
Eglise, famille de Dieu ne sont nulle part attestés dans le Nouveau testament[102]. Toutefois, nous
attribuons à notre expression le sens paulinien d’Eglise domestique (ai th kat’oikon sou ekklesia )
(Phm 2) quoique soit encore visé ici le lieu de l’assemblée. Car
« lorsqu’il s’agit de parler de la famille dans le sens strict de
‘personnes liées par la consanguinité’ à quelque degré de parenté que ce soit,
le Nouveau Testament recourt à l’expression plus explicite de ‘père, mère,
épouse, enfant, frère et sœur’ (Lc 14,26) ou ‘père, mère, fils ou fille’ (Mt
10,37) »[103].
Quant à nous, nous lui attribuons les deux occurrences stricte et élargie.
Cette précision exégétique nous
aide à souligner que dans l’Eglise-famille, la femme (mariée) est d’abord
appelée à être missionnaire de son mari et de ses propres enfants. Car bien que
l’adhésion à la foi relève de la conviction et ne participe en rien au
patrimoine génétique, il faut reconnaitre que dans le christianisme, la foi
s’est transmise d’une génération à l’autre, notamment par la famille qui en
constitue le lien originaire et irremplaçable. Chaque génération reçoit de par
sa filiation la croyance de la génération qui la précède, cela par l’entremise
des parents : « la transmission de la foi par le milieu parental
fait intervenir une relation linéaire triple : Dieu – les parents –
l’enfant, au sein de laquelle les parents sont en situation de médiateurs
(‘tans’) entre Dieu et l’enfant »[104]. Le décret sur
l’apostolat des laïcs souligne avec force la responsabilité des parents dans
l’éducation et la transmission de la foi de leurs
enfants : « Les époux chrétiens sont l’un pour l’autre, pour
leurs enfants et les autres membres de leur famille les coopérateurs de la
grâce et les témoins de la foi. Ils sont les premiers à transmettre la foi à
leurs enfants et à en être auprès d’eux les éducateurs »[105].
Mettre à l’avant-plan
le rôle des époux dans l’éducation chrétienne des enfants c’est affirmer avec
le Professeur KIBANGA que « la véritable identité de la famille chrétienne
comme Eglise domestique est fondée sur la réalité du mariage chrétien comme un
véritable sacrement de l’Eglise »[106].
Comme toute femme, la femme
africaine est appelée à sauvegarder les valeurs traditionnelles dont elle est
le symbole : l’accueil, le don de soi, l’amour, la générosité, le
dévouement, la patience, la protection, le silence sur soi… En les assumant,
elle répond à sa vocation et à sa mission propres.
Elle a un rôle éducatif très
actif de par sa nature parce que maternelle. Nous savons combien en Afrique les
enfants restent plus attachés à leurs mères qu’aux pères. La mère est
l’intercesseuse de l’enfant auprès du père. Et d’ailleurs une faille dans
l’éducation de l’enfant suffit pour que le papa clame tout haut à sa
femme : « c’est ton fils, ta fille ! », « quelle
éducation tu donnes à ces enfants ! », « c’est toi qui es à
la base de ce désordre ! ». L’éducation apparaît ici presque
exclusivement comme un domaine réservé à la femme seule. C’est à bon droit que
le pape Jean-Paul II affirme que la mère donne à l’enfant le sentiment de
sécurité et de confiance à cause du lien particulier qui attache celui-ci à
elle dès les premières années de sa vie. Sans ce lien l’enfant ne peut pas
développer correctement son identité personnelle et ses relations avec les
autres. Cette relation originelle a une valeur éducative toute particulière sur
le plan religieux parce qu’elle permet d’orienter vers Dieu l’esprit et le cœur
de l’enfant avant le commencement de l’éducation religieuse organisée[107]. Ainsi exhortons-nous la
femme africaine à prendre avec foi cette tâche combien difficile. Qu’elle
l’exerce dans un esprit de responsabilité et de liberté afin de guider les
enfants à une plus grande maturité d’esprit ; leur apprenant l’amour de la
vérité et de la justice, le sens de la liberté responsable, l’estime et le
respect de l’autre, l’amour du bien commun, le sens du service et du sacrifice,
l’amour de Dieu et des valeurs spirituelles, le respect du sacré…
Comme Marie-Madeleine, la
religieuse africaine a pour mission de manifester et communiquer la vie du
Christ ressuscité aux membres de sa famille religieuse. Sorti du tombeau, Jésus
a répondu à la fidélité des femmes dans l’épreuve du calvaire en leur
attribuant un rôle important dans la diffusion de la foi. Ainsi, « en
chargeant Marie-Madeleine de porter son premier message aux apôtres, il mettait
en lumière une mission accordée par priorité à la femme consacrée d’annoncer
dans la joie la vérité de la résurrection »[108].
Revêtue doublement du caractère
sacré en tant que femme africaine et consacrée, la religieuse porte une énorme
responsabilité morale sur notre société et sur notre Eglise. Sa présence –
appel à la sainteté et témoignage de vie fraternelle dans la communauté – est
une valeur et un héritage dont elle doit sauvegarder l’image. Le professeur F.
KABASELE est mu par cette préoccupation lorsqu’il affirme : « Sauvegarder
la femme africaine en vous, religieuses, c’est accentuer en vous la dimension
du sacré… »[109].
Dans la même optique,
l’exhortation post-synodale ecclesia in
africa souligne l’urgence de promouvoir les vocations religieuses de vie
contemplative et active choisies avec un grand discernement. Elle leur exige
également une solide formation humaine, spirituelle et doctrinale, apostolique
et missionnaire, biblique et théologique[110]. De la sorte, la femme
africaine deviendra à l’instar de Marie de Magdala, responsable de la mission
que le Christ lui confie.
L’écho de la responsabilité
missionnaire de Marie-Madeleine se trouve stigmatisée au v. 18 de notre
péricope d’étude. En effet, sur l’ordre du Ressuscité (‘Pour toi, va trouver
mes frères…’ v.17), Marie court annoncer un Jésus vivant (‘J’ai vu le
Seigneur…’ v.18). Marie assume seule cette responsabilité, courant ainsi le
risque de se faire refuser par ses auditeurs (Lc 24,11 ; Mc 16,11). De
surcroît l’objet de l’annonce n’est pas d’abord une répétition (‘Je monte vers
mon Père…’) mais une responsabilité : « J’ai vu le Seigneur… ».
MOITEL exprime cette idée de responsabilité en ces termes : « l’attachement
possessif de Marie pour celui qu’elle appelle ‘mon Seigneur’, ‘mon Maître’ se
transforme en responsabilité : ‘J’ai vu le Seigneur…’ et il m’a dit de
vous dire… »[111]. Marie n’est pas
seulement le témoin mais aussi le responsable du message qu’elle annonce.
Cet agir missionnaire de Marie
doit inspirer la femme africaine d’aujourd’hui. Elle doit éviter la passivité
et l’infantilisme dans la mission, attendant une motivation et un ordre
extérieurs. Elle doit être le principal acteur dans la prise des décisions qui
l’engagent particulièrement. Elle ne laissera pas toujours à l’homme de décider
à sa place. Dans cette optique, P. LEFEBVRE plaide pour une présence féminine
dans le développement d’une Eglise-Famille de Dieu en ces termes :
« l’avenir des communautés de type familial ne peut dépendre des décisions
uniquement masculines qui relèguent les femmes parmi ceux ‘qui n’ont pas à
décider’, ceci étant réservé aux hommes »[112]. Mais aussi son
engagement ecclésial devra rester fidèle à l’enseignement et aux directives du
Magistère. Car c’est dans la communauté des disciples que Marie a exercé sa
mission.
Toutefois, cela exige de la
part des hommes une conversion des mentalités et un dépassement des
considérations antiféministes. En laissant aux femmes les décisions qui les concernent,
l’Eglise et les hommes découvriront dans l’expérience des femmes une grâce, un
don de l’Esprit pour la croissance de l’humanité entière.
Dans la réalité, quelle parole
l’expérience des femmes africaines a-t-elle à transmettre à l’Eglise ?
Qu’est-ce que le message évangélique de l’Eglise offre à la femme
africaine ? La reconnaissance de la femme nous apparaît comme un signe du
travail charismatique de l’Esprit dans l’Eglise. Ainsi la responsabilité
missionnaire de la femme africaine consiste-t-elle à revendiquer pour elle
« une dignité d’acteur autonome et responsable qui réagit librement au
message chrétien de la foi »[113].
Affirmer que Marie-Madeleine
est le symbole de la responsabilité missionnaire, c’est en faire l’archétype du
parfait missionnaire dont doit s’inspirer la femme africaine dans son agir
missionnaire.
Marie a annoncé courageusement
la nouvelle de la résurrection du Christ. On la voit en marche vers les
disciples (20,18) avec toute la transparence prophétique d’un témoin féminin
partager sa foi. C’est dire que la foi en Jésus est faite pour rayonner comme
la lumière. Et Marie en a donné la base indestructible en prolongeant l’action
de Jésus pour l’étendre aux dimensions de l’humanité ; l’exercice de sa
mission fait d’elle une sœur pour l’humanité. Elle devient le parfait
missionnaire qui interpelle aujourd’hui la femme africaine. Car les acteurs qui
entrent en scène dans les événements de la vie du Seigneur ne sont plus de
simples comparses mais semblent incarner en quelque sorte les catégories
mentales de la vie religieuse[114] pour notre temps.
Comme Marie, la femme africaine
est appelée, sans mettre de délai, à annoncer le Christ par la prédication et
le témoignage de vie. Cette mission est un don (Jn 15,16) et elle n’est pas
uniforme dans l’Eglise. Chacun y participe selon sa condition. Mais cette mission
suppose au préalable une expérience relationnelle avec Jésus et un
approfondissement de la foi en lui[115]. Tel doit être le profil
de la femme africaine qui se veut disciple du Christ et sœur de
Marie-Madeleine. Ainsi elle pourra annoncer aux autres : « j’ai vu le
Seigneur » (Jn 20,18).
De même que les femmes de
l’Evangile, après avoir reçu le message de la Résurrection, l’ont transmis
courageusement et humblement aux apôtres[116], ainsi la femme
africaine doit-elle exercer sa mission en collaboration avec l’homme. C’est
ensemble qu’ils doivent préparer et construire le monde avenir, dans la
fidélité à la vocation inscrite en eux par le Créateur, car l’humanité en
marche vers Dieu se réalise comme homme et comme femme.
………………………………..
L’objet principal poursuivi
dans notre réflexion était de saisir la nature du rôle apostolique que
Marie-Madeleine a joué auprès des disciples dans l’annonce de la résurrection. Ce
faisant, nous voulions apporter notre contribution, aussi modeste soit-elle, à
la façon de repenser le rôle, la place et la mission de la femme dans l’Eglise
en général et dans l’Eglise africaine en particulier. Cette mission de la
femme, chemin de la véritable humanisation et du nouvel âge, reste lié à la
conception de l’ecclésiologie africaine de l’Eglise-Famille. Comment l’Eglise
doit-elle repenser la mission de la femme pour l’intégrer profondément dans sa
mission évangélisatrice ?
Voici le parcours de notre
approche féministe en trois sections : le premier chapitre portant sur
l’analyse critico-littéraire a été développé en quatre points : l’unité
littéraire, la critique textuelle, la critique littéraire et l’analyse structurale
de la péricope johannique de Jn 20,11-18. Nous avons cherché à résoudre les
différents problèmes littéraires que soulève notre péricope. Cette étude nous a
convaincu que Jn 20,11-18 est une unité littéraire isolable et accuse une
certaine originalité quant à son unité doctrinale et à sa visée théologique.
Quatre points ont fait l’objet
du deuxième chapitre.. le premier a été consacré au contexte de la rencontre.
Nous avons tracé l’évolution de cette rencontre en partant d’une étude
topographique jusqu’à la scène de la reconnaissance. Dans le deuxième point
nous avons corroboré la thèse selon laquelle Marie de Magdala a été l’apôtre de
la résurrection auprès des disciples. En actualisant le message, nous avons
montré le rôle typique et le témoignage missionnaire de Marie dans l’histoire
universelle du salut. Nous avons enfin précisé la limite de la mission de Marie
en rapport avec la question de l’accession de la femme au ministère ordonné.
Elargissant notre réflexion sur
une interprétation africaine de la péricope, le troisième chapitre nous a
ouvert à une considération pastorale. Nous l’avons développé en quatre points.
Le premier point a
abordé la dimension prophétique de la femme comme une dynamique dans laquelle
s’insère la mission de la femme. Nous avons ensuite ressorti une interpellation
africaine de la péricope en définissant le champ apostolique de la femme
africaine dans la perspective de l’Eglise-Famille. Ce qui nous a permis, à un
troisième moment, de dégager la responsabilité de la femme africaine devant sa
mission, à l’instar de Marie-Madeleine. Le quatrième point a eu pour objet de
montrer que Marie, la vedette de la résurrection, est le modèle du parfait
missionnaire. Elle devient un paradigme pour la femme africaine qui se veut
disciple du Christ.
Quelques questions et pistes de
réflexion méritent d’être soulevées. A quelle mission Jésus destine-t-il la
femme et quelle espérance fonde-t-il sur elle ? a l’aube de ce troisième
millénaire chrétien, les africains seraient-ils prêts à vivre une Eglise-Famille
en solidarité avec les femmes ? l’Eglise locale est donc invitée à
intégrer la femme dans son activité apostolique et « à lui ouvrir toutes
les carrières sociales dont la société traditionnelle ou moderne tend à
l’exclure sans raison »[117]. Car « l’avenir
même de la nouvelle évangélisation, comme du reste de toutes les autres formes
d’action missionnaire, est impensable sans une contribution renouvelée des
femmes (…) »[118].
Marie-Madeleine a préparé la
moisson apostolique. Mais à l’instar des disciples dans l’entretien de Jésus
avec la samaritaine, les filles et fils d’Afrique pourront encore demander à
Jésus : « Qu’attends-tu d’une femme ? (Jn 4,27) »[119]. Et comment
répondront-ils à la requête de Jésus : « Qu’as-tu fait de la femme
que je t’ai donnée ? ». La femme apporte un sang neuf dans nos
communautés ecclésiales. Elle enrichit le tissu de l’Eglise. Quand sa parole
est prise en compte, c’est toute une vie qui est prise en compte. Car sa
présence dans l’Eglise d’Afrique est le fruit du don charismatique de l’Esprit.
Dans cette optique, accepter la femme avec toute la richesse de sa féminité
c’est proclamer avec le synode africain : « tant vaudra la
femme, consacrée ou mère de famille, tant vaudra l’Eglise-Famille »[120].
Cette Eglise-Famille
à laquelle aspire la femme africaine devra se baser sur une véritable
fraternité de non exclusion où hommes et femmes portent ensemble le destin de
l’humanité.
SIGLES
A.T. : Ancien Testament
C.E.Z. : Conférence Episcopale
du Zaïre
D.B.U. :
Dictionnaire Biblique Universel
D.C. : Documentation
Catholique
D.D.B. : Desclée de
Brouwer
D.E.C.A. : Dictionnaire
Encyclopédique du Christianisme Ancien
F.C.K. : Facultés Catholiques
de Kinshasa
N.R.T. : Nouvelle Revue
Théologique
N.T. : Nouveau Testament
I.
TEXTES ET VERSIONS
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(corrected), Stuttgart, United Bible Societies, 1983.
2. CARREZ, M. – MOREL, P. et GALY, L., Nouveau Testament interlinéaire Grec/Français.
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3. La Bible de
Jérusalem. Paris, Cerf, 1988.
4. La Bible.
Traduction œcuménique. Edition intégrale.
Paris, Cerf – Société Biblique Française, 1988.
II.
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du Synode. Message des Evêques participant à l’Assemblée spéciale du Synode des
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C.E.Z., 1994.
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Montréal-Paris, 1967.
7.
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(Apostolicam Actuositatem). Montréal-Paris, 1967.
8. Id., Message aux femmes. Montréal-Paris,
1967.
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des femmes au sacerdoce ministériel Inter insigniores, dans D.C. 1714 (1977), p. 158-175.
10. JEAN-PAUL II, Exhortation
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12. Id., La femme éducatrice de la paix. Message pour
la célébration de la journée mondiale de la paix. Kinshasa, Médiaspaul,
1995.
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14. Id., Lettre
apostolique sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes,
dans D.C. 2096 (1994).
15. Id., L’importance
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16. PAUL VI, Discours
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catholiques internationales 343 (1969), p. 28-30.
17. Id., Exhortation apostolique L’évangélisation des hommes de notre temps (« Evangelii
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III.
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Montparnasse et Raspail, 1928.
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Encyclopédique du Christianisme ancien. t.
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27. BODSON, J., Lecture
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28. Id., Regards sur l’Evangile de Saint Jean.
Paris, Beauchesne, 1976.
29. BOISMARD, M.-E., Approche
du mystère trinitaire par le biais du IVè évangile, dans AMPHOUX,, C.B. –
BERNARD, J. – BOISMARD, M.-E., e.a., origine
et postérité de l’évangile de Jean. (Lectio divina 143). Paris, Cerf, 1990.
30. BROWN, R.-E., La
communauté du disciple bien-aimé. (Lectio divina 115). Paris, Cerf, 1990.
31. DOOD, C.H., La
tradition historique du quatrième évangile. (Lectio divina 128). Paris,
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du quatrième évangile. (Lectio divina 82). Paris, Cerf, 1975.
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Paris, Cerf, 1979.
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(Lire la Bible bis 6). Paris, Cerf, 1966-1985.
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vie familiale comme lieu d’émergence de l’Eglise-Famille, dans Eglise-Famille ; Eglise-Fraternité. Perspectives
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du quatrième évangile, dans NRT 76 (1954), p. 339-468.
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Lumière & Vie 205 (1991), p. 87-101.
74. MBUYI, B., Faire
la théologie dans la perspective des femmes africaines, dans Théologie africaine. Bilan et perspectives.
Actes de la Dix-septième Semaine Théologique de Kinshasa, Kinshasa, F.C.K., 1989, p. 257- 272.
75. MOITEL, P., De
longs récits d’Evangile. Construction et lecture, dans Cahiers Evangile 98 (1997).
76. MUGARUKA, M., « Eglise-Famille
de Dieu » dans le Nouveau Testament. approche lexicographique, dans Eglise-Famille ; Eglise-Fraternité.
Perspectives post-synodales. Actes de la XXè Semaine Théologique de Kinshasa du
26 novembre au 2 décembre 1995, Kinshasa, F.C.K., 1997, p. 161-168.
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIÈRES
[1] Nous attirons l’attention de notre lecteur sur le fait que nous
utilisons trois différentes appellations (Marie de
Magdala, Marie et Mariam è magdalènè, littéralement Marie-Madeleine) pour
désigner la même
personne.
[5] PAUL VI, Discours aux Evêques du Symposium (Kampala,
1969), dans Informations catholique internationales 343(1969), p.29.
[6] M.-E. BOISMARD
et A. LAMOUILLE, Synopse des quatre
évangiles, t.III. L’évangile de Jean, Paris, Cerf, 1977, p.459.
[10] Ibid.,
p.47.
[11] F. BLANQUART, o.c., p. 77-78.
[15] Voir P. AUGE (s.d), Larousse du XXè siècle en 6 volumes, t. I, Montparnasse et Raspail, 1928, p.270.
L’aoriste est le temps de la conjugaison grecque qui
indique une action passée, mais sans marquer si son effet subsiste ou non au
moment où l’on parle.
Cf. aussi G.LURQUIN, Enchiridion, Anvers, 1962, p.182.
[23] A. ROBERT et
A. FEUILLET, Introduction à la Bible,
t. II, Nouveau Testament, Paris,
Desclée & Cie, 1959, p. 620-621.
[26] Nous
recourons au texte de K. ALAND, M. BLACK, C. MARTINI e.a., The Greek New Testament, Stuttgart, 1983, p 410.
[27] B.M. METZGER, A
textual commentary on the Greek New Testament, London-New York, United Bible Societies,
1975, p.254-255.
[29]
B.M. METZGER, o.c., p.255.
[30]
Cfr X.LEON-DUFOUR, o.c., p. 224.
[31]
Cfr ; P. BENOIT, o.c., p.
273-281.
[32] M.-E. BOISMARD, Approche du mystère trinitaire par le biais
du IVè évangile, dans C.-B. AMPHOUX - J.
BERNARD - M.-E. BOISMARD, e.a., Origine et postérité de l’évangile de Jean,
Paris, Cerf, 1990, p. 133.
Paris,
Cerf, 1980, p. 377-379 :
-
« Dès le temps le plus reculé, on a éprouvé le
besoin d’illustrer les récits des christophanies par des paroles du Ressuscité
et par des dialogues avec lui. Les propos du Ressuscité se limitent, à
l’origine, à l’interpellation par Jésus, citant le nom de l’interpellé (‘Saul’,
‘Marie !’…) lié avec une question brève (‘Pourquoi me
persécutes-tu ?’, ‘Pourquoi pleures-tu ?’, ‘Qui cherches-tu ?’…)
et à une courte instruction ; mais bientôt les paroles et les dialogues
s’allongent ».
-
« l’apologétique ; celle-ci a été la
réaction de la communauté chrétienne en butte au doute et à la moquerie (Ac
17,18) suscités partout par le message de la Résurrection. Face aux
interlocuteurs juifs, on produisait des arguments scripturaires… ».
-
La mention du docétisme fait pressentir la troisième
motivation : « le développement interne de l’Eglise. Il suffira, pour
comprendre cette nouvelle influence, d’évoquer quelques données
essentielles : le formulaire ecclésial (Mt 28,10), le calendrier
ecclésiastique (Jn 20,26 ; Ac 2,1ss) et avant tout le devoir missionnaire
de l’Eglise (Mt 28,16-20 ; Lc 24,44-49 ; Ac 1,4-8) jouèrent en cela
un rôle ».
[37] A.
JAUBERT, a.c., p.70.
[38]
Cfr. BROWN, o.c., p. 183.
[41] Cfr. P. EIRCHE (Sous la direction de), Nouveau dictionnaire de Théologie,
Paris, Cerf, 1996, p.860.
[42] Cfr
X.LEON-DUFOUR, o.c., p. 44-48.
[44] Cfr X.LEON-DUFOUR,
o.c., p. 127.
[45] Cfr.
BLANQUART, o.c., p. 49-50.
[50] J. BODSON, Lecture suivie de l’évangile selon Saint
Jean, Belgique, ad modum manuscripti, 1972,
p. 270.
1982,
p. 254.
[54] J.
GOETTMANN, o.c., p. 261.
moderne, Paris, Cerf,
1969, p. 143. Cité par X. LEON-DUFOUR, a.c.,
p. 605.
[57] D. MOLLAT, Etudes johanniques, Paris, Seuil, 1979,
p. 172.
[59] D.
MOLLAT, o.c., p.171.
[60] J. HOURCADE, Des femmes prêtres ?, Paris, Mame,
1993, p. 103.
[61] J.
HOURCADE, o.c., p. 109.
[62] A. JAUBERT, Les femmes dans l’Ecriture, Paris,Cerf,
1992, p.48.
Cerf, p. 92ss.
Voir aussi
R.-E. BROWN, La communauté du disciple
bien aimé, Paris, Cerf, 1983, p. 207.
[68]
Cfr. R.-E. BROWN, o.c., p.207.
D.D.B., 1983, p. 262.
Cfr aussi JEAN-PAUL II, L’importance de la femme dans la vie du prêtre, Kinshasa,
Médiaspaul, 1995,
p. 14.
Id., Mulieris
dignitatem, 16.
[73] F. GENUYT, L’économie des signes, dans Lumière et vie 209 (1992), p. 34.
[74] Ibid., p. 34-35.
[75]
Cfr D. MOLLAT, o.c., p. 156.
[79] ATAL Sa
Angang, La fraternité dans le Nouveau
Testament, dans Eglise-Famille,
Eglise-Fraternité, Kinshasa,
F.C.K., 1997, p. 192.
[80] P. AVRIL, o.c., p. 123.
[81] Cfr. X.
LEON-DUFOUR, Lecture de l’Evangile selon
Saint Jean, t.I, Paris, Seuil, 1987, p. 392.
[82] Cfr. J.
HOURCADE, Dans la tradition et
aujourd’hui, dans Spiritus 137
(1994), p. 431.
[83] M. HEBRARD, Les femmes dans l’Eglise catholique depuis
Vatican II, dans La Pensée 304 (1995), p. 41.
[85] J.
HOURCADE, a.c., p. 429.
[86][86] H. LEGRAND, Traditio perpetuo servata, La non-ordination
des femmes : Tradition ou simple fait historique ? dans Rituels, Mélanges offerts au Père Gy,
Paris, Cerf, 1990, p. 410.
[91] Cfr. G.
BLAQUIERE, o.c., p. 109.
[92] Cfr.
Ibid., p. 117.
[93] J. DANIELOU, Le ministère des femmes dans l’Eglise
ancienne, dans La Maison-Dieu 61 (1960), p. 72.
[96] A. BWANGA, La femme africaine et l’évangélisation de
l’Afrique, dans Revue Africaine des
Sciences de la Mission 1 (1994/1). Pour plus des
précisions lire les pages 382-384.
[101] B. MBUYI, Faire la Théologie dans la perspective des
femmes africaines, dans Théologie
africaine. Bilan et perspectives, Kinshasa,
F.C.K., 1989, p. 257-258.
[102] Cfr MUGARUKA
Mugarukira, « Eglise, Famille de
Dieu » dans le Nouveau Testament. Approche lexicographique, dans Eglise-FamilPerspectives post-synodales, F.C.K., 1997, p..167.
[104] M.
MARTIN-GRUNENWALD, Etre en mission auprès
de ses propres enfants, dans Lumière
& vie 205 (1991), p. 89.
[105] CONCILE
VATICAN II, Décret sur l’Apostolat des
laïcs (Apostolicam Actuositatem)
11.
[106] KIBANGA Muhilh,
La vie familiale comme lieu d’émergence
de l’Eglise-Famille, dans Eglise-Famille,
Eglise-Fraternité, p. 339.
[107] Cfr. JEAN-PAUL
II, La femme éducatrice de la paix.
Message pour la célébration de la journée mondiale de
la paix 6.
[108] J. GALOT, Consécration et mission des religieux de vie
active, dans Omnis terra 339
(1998), p. 13.
[111] P. MOITEL, De longs récits d’Evangile. Construction et
lecture, dans Cahiers Evangile 98 (1997), p. 11.
Kinshasa,
l’Epiphanie, 1997, p. 80-81.
[115] Cfr. P.
AVRIL, o.c., p. 123
[116]
Cfr. G. BLAQUIERE, o.c., p. 173.
[119]
R.-E. BROWN, o.c., p. 217.