lundi 21 septembre 2015



 






DÉDICACE


A ma mère Angeline,
si fidèles aux exigences maternelles,

A la Sœur Marie-Lucie COUTURIAUX,
si fidèles aux exigences de la vie consacrée,

A tous les miens.


  

AVANT-PROPOS


Nous voulons crier haut notre sentiment de redevance à l’endroit de ceux dont le concours a été manifeste dans notre vie et tout au long de notre formation sacerdotale.
Nos sincères remerciements s’adressent particulièrement à Son Excellence Mgr M.-E. MUNUNU, Pasteur de notre Eglise locale de Kikwit, pour sa sollicitude toute paternelle.
De manière exceptionnelle nous adressons notre vive reconnaissance à l’Abbé Bernard FANSAKA qui, par sa rigueur, a accepté la direction de ce travail. Avec lui, notre profonde considération va à l’adresse de tous nos formateurs de Saint Cyprien pour l’aumône de leur présence.
Nous sommes redevable à l’Abbé Cléophas BAKANGOLO, aux sœurs Monique François, Marie-Jeanne HALLEUX, Nadezda GOYEZ et Rose WAYA-WAYA qui ont font de nous le fruit de leur progéniture spirituelle tant par leur assistance spirituelle que par leur générosité.
Que les familles SUKAMI, YAMBA-YAMBA, LONDALA, NE, BUNGU, MASUNGI, MUSUNGU et MAWELE qui, avec beaucoup de patience et d’amour, nous aident à grandir et à parfaire notre personnalité humaine et nous comptent parmi les leurs croient au sentiment de notre profonde gratitude.
A notre oncle Octave KASONGO et à tous les nôtres pour leur soutien ; et à tous ceux qui sont pour nous des hommes de bien, nous disons simplement MERCI.



INTRODUCTION GÉNÉRALE

………………………………….....................................

                  La mission de Marie de Magdala[1] auprès des disciples dans le quatrième évangile ne va pas sans poser des problèmes de la part des exégètes et théologiens modernes. En effet, les récits synoptiques attribuent la première apparition du Ressuscité à un groupe des femmes bien que Mc 16,9 explicite que « Ressuscité le matin du premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie de Magdala, dont il avait chassé sept démons ». Pour sa part, Jean accorde une attention spéciale à Marie de Magdala à qui Jésus se manifeste après la résurrection et confie une mission dans une scène toute privilégiée.
En outre, cette révélation à Marie et la première annonce lui confiée semblent contrebalancer le rôle des apôtres, témoins officiels de la résurrection. Nous tenterons de résoudre ces apparentes contradictions dans notre réflexion.
                 Notons toutefois qu’au-delà de ces préoccupations littéraires, le vrai problème demeure théologique et christologique. Il tient à la résurrection de Jésus et au rôle représentatif que l’évangéliste accorde à cette femme. Ainsi donc, partant de Jn 20,11-18, nous voulons élucider le rôle apostolique joué par Marie de Magdala dans l’annonce de la résurrection. Elle réalise sur l’ordre du Ressuscité une mission qui fait d’elle l’Apôtre des apôtres. Mais cette mission n’a-t-elle pas un caractère ecclésial ? Lui donne-t-elle une position privilégiée sur les disciples ? Telles sont les questions d’ordre théologique qui débouchent sur le rôle missionnaire de Marie de Magdala.
            « Il n’est plus possible, écrit Monique HEBRARD, d’ignorer l’étonnante modernité de la Bible qui est un phare susceptible d’éclairer les hommes et les femmes du XXIè siècle dans ce défi qui leur est posé de vivre égaux et différents »[2].
Le diagnostic de cette fin XXe  siècle est  alarmant. Nous   vivons une crise généralisée marquée par l’impérialisme des valeurs masculines. Et l’Eglise n’est pas en son sein épargnée par cette crise. La manière dont elle considère la femme en est un témoignage éclairant. Des voies féminines qui ont éclaté dans le domaine public de l’Eglise depuis le  Concile Vatican II suscitent encore des questions troublantes. En effet, constante E. BEHR-SIGEL, alors que le discours officiel de l’Eglise dans la ligne de Jésus affirme l’égalité spirituelle et fondamentale de l’homme et de la femme, la participation des femmes au ministère de l’Eglise, à son apostolat est soumise à toutes sortes des règles restrictives et limitatives qui varient selon les époques et les cultures.[3]
Les  femmes sont alors à la recherche d’un nouveau paradigme qui leur permette de réaliser leur mission dans l’Eglise comme le déclare  si bien A. CARR : « Les femmes sont à la recherche d’une nouvelle parole, non pas d’un signe montrant leur soudaine utilité du fait de la pénurie d’hommes, mais d’un signe affirmant l’intégrité de leur personnalité et la nécessité réelle des ministères qu’elles remplissent dans l’Eglise ».[4] Car personne ne peut faire mieux que les femmes, l’expérience qui les situe dans la mission de l’Eglise, leur rôle et leur participation à l’édification du corps du Christ.

3. Méthode et division du travail

                 Eu égard à la nature du thème consignée dans notre péricope, nous recourons à la méthode historico-critique qui nous aidera à restituer notre texte dans son contexte en déterminant le sens des mots et des expressions. Nous nous servirons aussi de la méthode comparative pour notre partie consacrée à l’interpellation africaine.
                 Notre étude sera ordonnée autour de trois chapitres.
Le premier, consacré à l’analyse critico-littéraire, sera abordé en quatre points : l’unité littéraire, la critique textuelle, la critique littéraire et l’analyse structurale. 
Le second en tentera une interprétation théologique. Nous traiterons du contexte de la rencontre entre Jésus et Marie en insistant sur les conditions qui ont favorisé cette rencontre et sur la topographie qui a amené à la reconnaissance. Nous aborderons ensuite la question de l’apostolicité de Marie. Le troisième point sera consacré à la limite de la mission de Marie, à savoir la communauté des disciples. Enfin, l’actualité du message nous présentera le témoignage missionnaire de Marie et son rôle dans l’aujourd’hui de l’Eglise. Cette actualité débouchera sur la limite de l’apostolicité de la femme en rapport avec son accession au ministère ordonné.
Le troisième chapitre élargira notre réflexion à la pensée africaine dans une perspective féministe. Eclairée par l’appel de Paul VI à Kampala : «  Vous, Africains, vous êtes désormais vos propres missionnaires »[5], notre considération pastorale prendra Marie-Madeleine comme paradigme de la femme africaine en mission. Cette mission de la femme sera abordée dans la perspective de l’ecclésiologie de l’Eglise-Famille.
  

CHAPITRE  I : APPROCHE CRITICO-LITTERAIRE

                       ……………………………………………

           Le récit de l’apparition de Jésus à Marie de Magdala présente une genèse littéraire complexe. Loin de considérer cette péricope comme une autobiographie du Ressuscité, elle demeure un langage qui révèle la présence constante de Jésus parmi les siens et transmet la vérité de la résurrection.
                 Certains spécialistes comme M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE pensent que « l’évolution littéraire de ce récit divise encore les spécialistes »[6].  Cela explique cette complexité. Par ailleurs, on ne peut s’empêcher de remarquer que la péricope «  présente très nettement la triple dimension des récits classiques d’apparition : initiative, reconnaissance, mission »[7].
                 C’est en tenant compte de cette complexité d’une part et des indices classiques du texte d’apparition d’autre part que Jn 20,111-18 constitue que nous tenterons d’établir son unité littéraire.

I.1. UNITE LITTERAIRE DE Jn 20,11-18

I.1.1. Délimitation de la péricope

                 La question qui se pose à nous ici est de savoir si Jn 20,11-18 peut se défendre comme unité littéraire autonome. Si elle est considérée comme Univers sémantique, où commence-t-elle et où elle finit ?

I.1.1.1. Terminus a quo

                  La péricope de Jn 20,11-18 a un lien incontestable avec celle de Jn 20,1-10. C’est Marie de Magdala en effet qui la première vient au tombeau. C’est elle qui de sa propre initiative met les deux disciples en mouvement vers le tombeau. C’est elle également qui ouvre la deuxième scène : elle est placée au cœur de l’action. Elle est près du tombeau en pleurs.
                 Cependant ce lien ne peut empêcher d’affirmer l’existence de deux récits différents. Les vv 11-18 présentent certaines particularités qui les distinguent des deux péricopes qui l’entourent. Notre péricope s’ouvre par le v. 11 qui commence un nouveau récit. Les vv 9-10 sont considérés comme la conclusion de 20,1-10. En effet, les deux récits sont coupés par deux verbes : « ‘aphlqon : retournèrent » (v.10) et « eisthkei : est restée ou se tenait » (v.11a). le verbe « retourner » marque un mouvement contraire au mouvement normal. C’est que les disciples ne sont plus au tombeau. Ce verbe indique que la scène est achevée et la visite à l’intérieur du tombeau est finie. Il conclut ainsi l’ensemble du récit. Le verbe « rester dehors » précédé de la particule de indique un nouveau récit qui commence. Il insinue en même temps le contraste avec « entrer » des vv. 6 et 8. Voici comment Pierre BENOIT décrit ce nouveau commencement de la péricope : « Le v. 11a est un commencement neuf. Il est vain de se demander ce qu’est devenue Marie-Madeleine après sa commission à Pierre et à quel moment elle est revenue. Un nouveau récit(…) nous la montre près du tombeau, en larmes »[8]. Même si le texte ne montre pas quand elle est revenue au tombeau, il insinue qu’elle est revenue pour une seconde fois. Probablement avec les disciples parce qu’elle connaît le lieu où se trouve le tombeau (Jn 19,41).
                  Se situant sur le plan thématique, Fabien BLANQUART spécifie cette délimitation en ces termes : la première « scène s’achève avec la révélation que Jésus doit ressusciter des morts et le retour des disciples »[9]. Et « la seconde scène s’ouvre avec Marie de Magdala, près du tombeau apercevant deux anges puis Jésus »[10].
                 Certes, le style qui ouvre le v. 11, le thème traité, la continuité dans la narration, l’intérêt tourné vers Jésus sont autant d’éléments qui font dire à nombre des critiques qu’il s’agit d’un récit indépendant du précédent, bien qu’en relation l’un de l’autre. Notons également le changement des personnages. Alors que les vv. 1-10 mettaient l’accent sur Marie et les deux disciples, les vv. 11-18 s’ouvrent par Marie, les anges et Jésus qui est au centre de la scène.
                 Même si la topographie du v. 11 interfère avec celle des versets précédents, les personnages, le style narratif marqué par le dialogue entre Marie et les anges d’une part et Jésus et Marie de l’autre nous poussent à reconnaitre le v. 11 comme le début d’une unité littéraire dont la fin est le v. 18. Le v. 19 mettra en exergue l’apparition aux disciples.

I.1.1.2. Terminus ad quem

                Le v. 18 peut être considéré comme la fin de la péricope. Il met en scène le résultat du dialogue entre Jésus et Marie. Celle-ci va quitter définitivement le tombeau pour exécuter la mission reçue. Ce verset n’a pas de lien logique dans la narration avec le v. 19 de la péricope subséquente. Les acteurs ne sont plus les mêmes et leur rôle est différent. La topographie change du tombeau ou jardin au cénacle. La scène se caractérise par : « le signe des mains et du côté comme expression de la résurrection de Jésus (v. 19-20) » et « le signe du souffle traduit par l’envoi en mission des disciples et la rémission des péchés (v.21-32) »[11].
                Le v. 18 comporte un double aspect de la mission : la démarche de Marie d’un côté et la transmission du message de l’autre. Quels sont d’autres indices qui nous poussent à considérer Jn 20,11-18 comme une unité littéraire isolable ? Pour tenter d’y répondre, nous considérons ici le point de vue de F. BLANQUART pour qui « la scène peut être aisément divisée en trois parties. Une première évoque l’ignorance de Marie qui ne reconnaît absolument pas Jésus (v.14). Comme dans la troisième partie (v.18), c’est Marie qui est placée au cœur de l’action. Au centre de ces deux parties, un dialogue entre Jésus et Marie dont le début est un écho du dialogue entre les anges et notre messagère. Cette dernière va passer de l’ignorance à l’annonce grâce à l’initiative de Jésus qui entre en relation avec elle. C’est donc le dialogue avec Jésus qui va permettre à Marie de reconnaître le Rabbi et de découvrir qu’il est ressuscité »[12].
                Ces préalables réunis, il devient ainsi clair que Jn 20,11-18 forme une unité littéraire isolable consacrée à la conversation entre deux anges et Marie d’une part et entre Marie et Jésus de l’autre, en vue de la révélation du Ressuscité. La péricope antécédente met en exergue le tombeau retrouvé vide par Marie et l’épisode des deux disciples. La péricope subséquente, elle, se tourne vers la rencontre du Ressuscité avec les disciples, le don de l’Esprit et l’envoi en mission.
                Nous voulons à présent voir si l’agencement des différents vocabulaires et le style sont cohérents et dévoilent le propre du quatrième évangile, s’ils développent le même thème et révèlent le même message. 

I.1.2. Cohérence littéraire

I.1.2.1. Vocabulaire de Jn 20,11-18

                Certains mots ou groupes de mots peuvent contribuer à montrer la cohérence de Jn 20,11-18.
                Au v.11a nous lisons… eisthkei pros tw mnhmeiw. La préposition pros        suivie du datif indique une localisation. Précédée du plus-que-parfait de isthmi, elle fait référence à la scène où Marie se tenait près de la croix en Jn 19,25. L’évangéliste veut montrer que l’entrée en scène de Marie n’est pas une nouveauté. Cette femme est un disciple lointain de Jésus. Elle est déjà présente au moment de la passion. Elle est également la première qui ouvre la dans les récits de la résurrection.
                Le participe présent klaiousa nous livre un état d’âme. Le souci de Marie est de retrouver celui que son cœur a aimé. Ceci fait référence à la quête que fait la bien-aimée du Cantique des Cantiques qui est à la recherche de celui qu’elle aime[13]. Le chagrin de Marie est émouvant. En Jn 11,33 nous avons l’usage du même participe. Ces deux participes peuvent laisser entendre que les deux Marie ont les mêmes raisons de se lamenter : la mise au tombeau d’un être cher. Mais alors qu’n Jn 11,33 les pleurs de Marie la sœur de Lazare précédaient l’ouverture du tombeau de son frère, ceux de Marie Madeleine en Jn 20,11 suivent l’ouverture du tombeau de Jésus[14]. Pleurer est pour Marie en 20,11 le signe de son amour pour Jésus. Elle s’attache encore ici au Jésus du passé.
- V.14 estrafh eis ta opzsw. L’indicatif aoriste[15] second passif de strej  (se tourner, se convertir) est un verbe qui implique le mouvement ou la direction. Il indique un changement de direction par rapport à la direction normale. Chez Jean, il est utilisé à double emploi. Il est alors juste de traduire aussi par « se convertir », « changer ». Nous avons pareil cas en Jn 12,40 avec l’onction de Béthanie. Et aussi en Jn 1,33 ; mais ici il indique simplement le mouvement contraire à la direction normale de Jésus. Mais en Mt 18,3 comme en Jn 20,14.16, il a le sens d’un retournement intérieur, d’une conversion. Appliqué à Marie, l’évangéliste veut décrire l’évolution intérieure ou le cheminement qui a conduit cette femme à la conversion ou/et à la reconnaissance. Marie change le style de vie. Cela est bien exprimé au v.16 par le participe aoriste second strajeisa qui aboutit à la reconnaissance. Ce passif signifie que l’initiative vient du Ressuscité lui-même. Mais le sens est actif.
- estwta  (hestôta). Ce participe aoriste de isthmi se traduit littéralement par « se tenant debout ». Il peut aussi se traduire par « Jésus debout ». La pointe du récit se trouve dans ce participe. Il exprime l’idée de la résurrection. Dire que Jésus est « debout » signifie qu’il est « ressuscité ». En français ce lien sémantique entre « debout » et « ressusciter » est difficilement perceptible. Le grec utilise le même verbe histanai pour signifier « être debout » et « ressusciter ». Pour dire ressusciter, il est précédé du préfixe an (a), de nouveau. Il a le sens de « se re-lever »[16].     
En dehors de Jn 20,14 qui utilise histanai au lieu du composé anistanai pour exprimer l’idée de résurrection, d’autre textes du N.T. notamment Ap 5,6 ;20,12 ; As 7,55-56…en sont des allusions parlant.             L’impératif  présent passif Mh mou aptou                                   au v.17dénote un sens équivoque et fait que le v.17 pose problème d’interprétation.  Pour LAGRANGE en effet, « l’impératif  présent  mh aptou signifie que Marie a déjà touché Jésus ; le mouvement le plus naturel en disant ‘Bon Maitre’ était de se jeter à ses pieds ou à ses genoux, de s’emparer de ses pieds pour les baiser »[17].  En ce sens, il paraît plus exacte de le traduire par « ne me retiens pas » plutôt que « ne me touche pas ». Ainsi pour C.H. DODD, une règle grammaticale suggère que « mh    suivi de l’impératif présent signifie ‘cesse de (faire)’ : mè mou haptou pourrait donc signifier : ‘cesse de me toucher’, ce qui implique que Marie avait déjà entrepris de le faire »[18].
L’impératif présent en grec ne signifie pas que la chose doit être faite, mais que l’action commencée se poursuive. Précédé d’une négation, il souligne non la défense de poser un acte mais de continuer une action déjà commencée[19]. Le rédacteur souligne ici le caractère physique de la résurrection ou l’humanité du Ressuscité. Mais le temps de cette humanité n’est plus lié au commerce du passé dont Marie voudrait faire durer ces retrouvailles[20]. Marie est invitée à un dépassement, à faire un progrès dans sa foi. Ainsi, « Jésus instaure avec Marie de Magdala cette nouvelle relation en ne lui permettant pas de le toucher comme autrefois. Ce n’est pas qu’il prend ses distances avec elle, qu’il l’éloigne ou encore moins la repousse : au contraire, à elle la première, il fait comprendre que ‘l’ancien a passé et que du nouveau s’est produit’ (2 Co 5,17), puis il lui demande d’en devenir le témoin »          [21].

-       L’impératif présent passif poreuou de poremai a un sens non négligeable. C’est ici que se situe la mission confiée à Marie. En tant que verbe de mouvement, il introduit l’envoi. Il « appartient à la narration évangélique (4,50 et 8,11) et à des contextes qui traduisent le passage de la mort à la vie, du péché à la réconciliation »[22]. Il montre un progrès : la révélation aboutit à la mission. Dans ce sens, Marie qui pleurait et voulait enfermer Jésus dans la mort est invitée à prendre la route qui mène à ses frères pour leur annoncer que le Seigneur vit. L’usage du passif indique que l’initiative de la mission vient de Jésus. Cette mission de Marie a pour terme les frères.

-       A ce premier impératif s’ajoute le second  eipe qui, lui, est à l’actif. Un envoyé est toujours porteur d’un message. C’est parce qu’on a reçu un message qu’on peut se dire envoyé (Ac 22,21). Marie donc devra transmettre ce qu’elle a reçu du Seigneur.
                 L’analyse des différents termes de notre péricope nous a permis de découvrir le rôle et l’activité missionnaire de Marie depuis son entrée en scène au tombeau jusqu’à l’annonce de la résurrection.
                 Chaque écrivain a son propre style par lequel il est reconnu comme tel. Jean se distingue lui aussi des autres écrits du N.T. par son style. A. ROBERT et A. FEUILLET en donnent quelques caractéristiques : « Le style johannique est sans prétention, d’une simplicité qui frise souvent la négligence et même la candeur (…) Jean aime le style direct (…) Il affectionne les liaisons par simple accrochage de mots (….) Il use fréquemment de toutes les formes de parallélisme : synonymique, antithétique, synthétique. Il use également de l’inclusion sémitique ou retour à la fin d’une péricope des mots qui l’ont ouverte »[23]. Notons en outre l’usage des répétitions, des chiasmes, l’emploi des mots à double signification, le sémitisme, l’aramaïsme ou l’hébraïsme, la glose…
                 Quant à notre péricope, nous ne retenons que deux de ces divergentes caractéristiques : la répétition et l’hébraïsme. Relevons deux cas de répétition et analysons-les l’un après l’autre. Au v. 13a on lit la question des anges : « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Cette question est un doublet de ce que sera la question de Jésus au v. 15a : « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Au v. 13b, la réponse de Marie aux anges : « parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis » est une reprise littérale du v. 2b. Elle est autrement formulée au v. 15b dans la réponse de Marie à Jésus. Mettons les deux textes en parallèle pour expliciter ce cas :
20,13b :Gunai, ti klaieis;
20, 15a : Gunai, ti klaieis;
20,13b :Hran ton kurion mou, kai ouk oida pou eqhkan auton
20,2b :Hran ton kurion ek tou mnhmeion kai ouk oidamen pou eqhkan auton.
20,15b :Kurie, ei su ebastasas auton,
eipe moi pou eqhkas auton...
                                
                 Une explication est donnée au v.16 qui constitue le cœur de l’entretien de Jésus avec Marie. On lit : « Se retournant, elle lui dit en hébreu : ‘Rabbouni !’- ce qui veut dire : ‘Maitre’ ». Le terme Rabbouni dénote l’usage de l’hébraïsme. Il s’agit d’une affirmation plus solennelle que Rabbi et souvent employée quand on s’adresse à Dieu (Cfr. Jn 20,16 note f de la BJ). Cet hébraïsme est précédé et suivi de deux gloses explicatives (« en hébreu » et « ce qui se dit : Maître ») dont Boismard et Lamouille confirment l’usage en ces termes : « Les expressions ‘en hébreu’ et ‘ce qui se dit : Maître’ ne sont qu’une explication du titre de ‘Rabbouni’ qui était incompréhensible pour des lecteurs ne connaissant pas l’hébreu »[24].
                 La simplicité stylistique de Jean laisse comprendre que chez lui la pensée prime sur les règles de style. Il concentre l’attention des lecteurs sur l’essentiel.

                 Ainsi, admis que Jn 20,11-18 présente une cohérence stylistique en thématique, recourons à présent à la critique textuelle pour vérifier si cette péricope nous est parvenue intacte ou si elle a subi certaines altérations.


                 Nous voulons ici restituer autant que se peut à notre texte sa forme originelle. Ceci nous permettra de dépister les altérations qui se sont produites depuis le récit primitif jusqu’à la rédaction finale. Quant à la méthode à suivre, nous accorderons la préférence aux critères internes « qui rendent telle leçon plus vraisemblable que telle autre ; ils sont fonction de la manière dont les scribes recopiaient les manuscrits »[25].
                 Notre péricope contient trois problèmes majeurs : exw klaiousa   (v.11a), didaskale (v. 16) et patera (v.17).
Procédons à l’examen de chaque cas.   
1)          exw klaiousa (v.11a)
a)    exw klaiousa*  Β  L  W  Χ  Δ   050 fl   33   565   Vg  Syrpal arm eth  geo    
                                             Ambrose, Augustine, Cyril. 
b)    klaiousa exw …  Κ Θ Π ᴪ f13  28   700  892   1009  1079   1195   1216 …
                                  ByZ   Lect l70m   itq   Syrh   Severus
c)    klaiousa …  *  A   ita,b,c,e,ff2,r1,v   Syr5,p    Diatessarona,s,t

La présentation du texte grec The Greek New Testament[26] fait suivre exw klaiousa                          par un petit chiffre au dessus. Cet indice est souligné aussi dans les deux autres termes énumérés ci-haut. Ce qui signifie que ce groupe de mots pose problème dans le texte. D’où la question : le exw klaiousa a-t-il existé dans le récit primitif ou pas ? Les réponses à cette question divisent encore l’assentiment des copistes. Pour les uns, exw a été ajouté. Pour d’autres, il existait dans le texte primitif. Ceci suggère que c’est exw qui posait problème. Voici comment B. METZGER le pose : “ The divided testimony concerning the position of exw, as well as its absence from several early witnesses (*  A  ita,b,c,ff2,v   Syr5,p   Diatessarona,s,t), would normally suggest that copyists added the word in the interest of providing descriptive detail. On the other hand, however, since reads en tw mnhmeiw, its testimony of the omission of exw is weakened”[27].
Mais comment justifier sa position dans certains manuscrits et son absence dans d’autres? Et comment pallier cette difficulté ? En prenant en compte l’argument relatif à l’omission, nous résolvons le problème avec METZGER qui affirme que dans ce cas « a majority of commititee prerred to follow the testimony of  c     Β  L  W  Χ  Δ   050   f l  33   565  to read  exw klaiousa»[28].
                 Ce faisant, deux raisons justifient notre préférence à admettre avec plus de probabilité que exw figurait dans le texte primitif.
1.    Le verbe eisthkeiexw (v.11a) est en contraste avec le verbe eishlqen (vv. 6 et 8). Les deux actions sont opposées par rapport à la même localisation. Le mouvement de Marie s’oppose à celui des deux disciples. En outre, il y a une évolution progressive de Marie en quête du Ressuscité. nous le découvrons dans l’emploi des trois verbes ci-après : apercevoir (v.1), se situer près de… dehors (v.11a) et se pencher vers l’intérieur (v.11b). le mouvement de Marie part de l’éloignement à la proximité du tombeau.
2.    Une deuxième raison est relative au primat du sens du texte. L’adverbe au-dehors donne une précision syntaxique qui oriente la suite du texte c’est-à-dire le v.11b. Et cela montre que Marie n’est pas entrée dans le tombeau. Et le sens du texte y est bien conservé.
Avec ces deux raisons, nous pensons que la leçon exw klaiousa a plus de chance d’avoir figuré dans le texte primitif.
didaskale (v.16)
a) didaskale .... *b   Α Β  Κ  L  W  Χ  Δ  Π  050  0250 fl   Byz  Lect  l70m   Vg  Syrp     
                      Copsa,bo  arm  geol
b) kurie ... ita,rl
c) kurie didaskale .... D  itd 
d) didaskale, kurie .... it(e),ff2
e) didaskale, kai prosedramen ayastai autou .... a   Θ  ᴪ  (fl3  ayesqai)   1195*   
                 1230   Syrs,h,pal  geo2   Cyril

                 Comme au v.11, didaskale confronte de nouveau les témoins lorsqu’il faut vérifier s’il figurait dans le récit primitif. Des manuscrits comme la Vulgate, le Peshitta, le Vaticanus, l’Alexandrinus et le Sinaïticus optent pour didaskale. Nous considérons la première leçon brève comme la plus plausible pour trois raisons :
1.    Des deux leçons brèves (a) et (b), la première paraît plus ancienne. Le vocabulaire qu’elle explique est un hébraïsme (sémitisme). didaskale        paraît proche de l’original ; il est fort probable que kurie soit une traduction. Cette expression exprime un geste d’attitude intérieure de Marie qui attend tout de son maître.
2.    Elle rassemble en son sein les meilleurs manuscrits, notamment la Vulgate et le Vaticanus.
3.    Dans la lecture, didaskale trahit dans une certaine mesure la seconde main ajoutée dans le but de comprendre ou de faire comprendre le texte original. Ceci se justifie par le fait qu’il est précédé de l’expression o legetai et la présence de la parenthèse.
Toutefois, hormis cette addition de didaskale, le v.16 reste compréhensible. Quel est alors le rôle de cette glose explicative ? Loin d’alourdir la compréhension, elle la précise et l’éclaire.
Patera (v.17)
a) … patera .... א   Β   D   W   itb,d,e   Syrpal   Irenaeus   Origen   Chrysostom   Maximus
b) … patera mou.... P66   Α   Κ   L   Χ   Δ   Π   ᴪ   050 fl   fl3  28   33   565   Byz   Vg  
     Syrs,p,l   Copsa,bo   arm   eth   geo   Tertullian   Origen   Eusebius   Gregory-  
     Nyssa   Epiphanius   Nonnus   Cyril   Theodoret   Severus.

Ce qui précède au v.11 vaut également pour le v. 17. Nous sommes ici devant deux leçons. Nous optons pour la lectio brevior et l’antiquitas. Les manuscrits tels le Vaticanus et le Sinaïticus avons-nous dit caractérisent les textes anciens. Se référant à ce critère, Metzger affirme à propos de notre terme : « The reading patera is supported by excellent wittnesses representative of early text-types ( א   Β   D   W   itb,d,e al  ) »[29]. A notre avis, c’est d’abord le sens du texte qui prime ici.  Dans cette première partie du v.17, patera conserve mieux le sens du texte parce qu’il prépare le v.17b. En outre l’addition de  mou dans 17b (2 fois) dans certains manuscrits (Alexandrinus, Paris, Munich, St Gall, Athos…) est aussi naturelle et en accord avec les tendances des copistes, en l’occurrence Cyrille, Théodoret, Eusèbe, Grégoire de Nysse, Origène…
D’où le sens du texte étant conservé, nous pensons que les manuscrits P66 A  Κ  L Χ Δ  Π  ᴪ  050 f1   f13  28   33   Byz   Vg  et les autres copistes tels que Tertullien, Eusèbe, Grégoire de Nysse… qui soutiennent patera mou pèchent par l’excès de précision.

                 Notre péricope a posé trois grands problèmes de critique textuelle. Les raisons avancées ci-haut nous amènent à affirmer que Jn 20,11-18 est cohérent malgré les problèmes textuels. Après l’avoir ainsi rapproché, tentons à présent, dans la critique littéraire, de ressortir les sources qui ont servi à sa rédaction.

I.3. LA CRITIQUE LITTÉRAIRE

                 Notre péricope a-t-elle subi des influences ? Pour y répondre, un examen des matériaux environnant, du genre littéraire et Sitz im Leben dans le but de déterminer la signification du texte s’avère indispensable.

I.3.1. La composition

                 Par sa langue et sa doctrine, Jn 20,11-18 donne à première vue l’impression d’une unité profonde. Plus d’un critique toutefois en récuse encore le caractère composite après étude détaillée. Il n’est donc ni impossible ni exclu que Jn 20,11-18 se soit servi de plusieurs sources dans sa rédaction.
Ainsi, X. LEON-DUFOUR remonte au v.1 et distingue trois traditions diverses composées de deux visites au tombeau et d’une tradition d’apparition[30]. Quant à nous, nous préférons adopter la position de P. BENOIT[31] qui reconnaît en Jn 20,11-18 l’existence de deux traditions différentes composées l’une des vv. 11a. 14b-18 et l’autre des vv. 11b-14a. la première est très johannique et a son parallèle en Mt 28,9-10. Il s’agit d’une Christophanie à Marie-Madeleine. Le récit composé des vv. 11b-14a se rapproche étroitement des synoptiques et les éléments de différence sont empruntés à un contexte johannique immédiat. Il en conclut que cette section peu originale est une interpolation du rédacteur johannique qui utilise les anges comme organe témoin du récit synoptique.
                 Jn 20,11-18 a aussi certaines influences notamment du judaïsme rabbinique et de l’hermétisme. Prenons seulement le v.17. Les paroles de Jésus « je monte vers mon Père… » peuvent s’expliquer dans la perspective des textes de l’A.T. Le rédacteur a probablement fait allusion au Ps 89,27 qui est une prière du juste au Dieu fidèle qui le sauve. Lorsque Dieu fait alliance avec le juste en écrasant ses adversaires (vv.21-24), ce dernier le reconnaît comme son Père (v.27). Le monde biblique utilise l’expression « Dieu de un Tel » pour signifier « protecteur de ». Ce sens du Ps 89,27 met bien en relief la paternité de Dieu ou sa protection envers le juste. Ainsi « lorsque Jésus annonce qu’il monte vers son Père et vers son Dieu, il déclare donc qu’il va rejoindre celui qui vient de manifester envers lui sa protection souveraine en le ressuscitant des morts »[32]. La parole de Jésus en référence au Ps 89,27 évoque la victoire de Jésus sur la mort que « son Dieu » vient de lui accorder[33]. De même cette référence  au Ps 89,27 pourrait bien expliquer l’usage du terme « frères » au lieu de « disciples ». En effet, « parce que le juste (David) le reconnaît comme son Père et son Dieu, Dieu déclare : ‘J’en ferai l’aîné, le très-haut sur les rois de la terre (…) Jésus ressuscité est devenu l’aîné’ ; il est donc le chef de file d’une multitude des ‘frères’ »[34].
                 En outre, la déclaration « anabainw pros ton patera mou » que Jean met dans la bouche de Jésus dénote un certain hermétisme. En effet, dans cette pensée païenne, l’homme a part au principe divin d’intellect et de rationalité. Il s’identifie à l’intellect divin par le truchement duquel il connait Dieu de l’intérieur, vu que cet intellect procède de la substance de Dieu. L’expression comme ousiôdes antrhopos rappelle ce qui se dit de l’homme divin. C’est un envoyé de Dieu sur terre. Il a la connaissance de ce qui s’est passé et croit qu’il montera vers celui qui l’a envoyé… il est par conséquent immortel et divin. Le Fils de l’homme chez Jean est venu d’en haut et désigne Dieu comme « celui qui m’a envoyé » (18,37). Et il doit retourner à Dieu (13,3) parce qu’étant Un avec son Père (10,30)[35].
                 Ces quelques matériaux ont servi à la rédaction de ce v.17. L’originalité de ce verset réside dans le fait que nulle part ailleurs dans le N.T. Jésus dit explicitement « Je monte vers mon Père et votre Père… ». En dépit de ces diverses influences subies, la péricope de Jn 20,11-18 reste de rédaction johannique.

I.3.2. Le Sitz im Leben

                 Quel est le leitmotiv qui a occasionné ce passage ? Partons de l’événement central qu’est la résurrection de Jésus. Dans l’Eglise primitive, elle est proclamée sous trois grandes formes : les confessions de foi et les cantiques, la prédication missionnaire ou « Kérygme » et la catéchèse. Le premier cri de l’Eglise au matin de sa naissance est « Christ est ressuscité ! » (Ac 2,32.36). C’est le langage que les Apôtres utilisent pour exprimer leur foi au Ressuscité.
                 La christophanie à Marie-Madeleine veut montrer que le Ressuscité est le même personnage que le Jésus de Nazareth. L’évangéliste s’adresse à des chrétiens pour éveiller leur foi et les met en garde contre les fausses doctrines qui nient soit la résurrection du Christ soit sa messianité.
                 Le Judaïsme antique ne connaît pas la résurrection comme événement historique. D’où la difficulté pour les prédicateurs d’annoncer cet événement. Cela se remarque déjà dans la différence qu’il y a entre les récits d’apparitions et l’antique confession de foi de 1Co 15,3-8. Il est difficile de dresser la liste des témoins de la Résurrection et les endroits qui furent les théâtres des apparitions. Pour résoudre cette énigme, J. JEREMIAS dégage trois grandes motivations qui ont inspiré ces changements des personnes ou des lieux d’apparitions[36]. Ces motivations confirment que « les motifs liturgiques et doctrinaux ont joué un grand rôle dans la mise en œuvre des traditions qui par hypothèse (lorsqu’il s’agit des apparitions) échappaient à la logique d’une chaîne temporelle normale »[37].
                 Bien que l’évangéliste décrive avec un art admirable la rencontre du Christ avec le croyant, il y réserve un ton quelque peu polémique pour répondre à ses adversaires. Le contexte renvoie à un problème christologique. Il révèle que la communauté johannique butte à des hérésies gnostiques et docétistes issues de la théologie des dissidents. Cette théologie affirme que celui qui est descendu d’en haut est si divin qu’il n’est pas pleinement himain ; il n’appartient pas au monde. Ni sa vie sur terre ni celle du croyant n’ont d’importance pour le salut. De là le gnosticisme passera d’un Jésus préexistant à des croyants préexistants qui descendaient aussi des régions célestes. Le docétisme lui passera d’un Jésus non pleinement humain à une pure apparence d’humanité[38]. Il y a enfin des juifs qui ont refusé de croire au messie envoyé par le Père. Cela se découvre dans le passage que l’évangéliste met dans la bouche de Jésus au v. 17b : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ».
                 Partant de l’examen du Sitz im Leben, nous pouvons en conclure que la rédaction de cette péricope a été influencée non seulement par des motifs liturgiques et doctrinaux, mais aussi par le besoin d’illustrer les christophanies par le dialogue avec le Ressuscité et par une raison apologétique.

I.3.3. Le genre littéraire

                 L’étude du genre littéraire occupe une place importante dans l’analyse d’un texte sacré. Dei Verbum en souligne la pertinence : « Pour comprendre correctement ce que l’auteur sacré a voulu affirmer par écrit, il faut soigneusement prendre garde à ces façons de sentir, de dire ou de raconter, qui étaient habituelles dans le milieu et à l’époque de l’hagiographe, et à celles qui étaient habituellement en usage ça et là à cette époque, dans les relations entre les hommes »[39].
                 Notre unité littéraire est un discours de forme kérygmatique ayant pour but d’expliquer et de présenter la résurrection du Christ et son ascension au ciel, et la transmission de la foi naissante dans l’Eglise primitive. Dans ce sens, X. LEON-DUFOUR affirme que les récits d’apparitions « ne sont pas des récits de type historique (…), mais des récits théologiques qui veulent montrer de quelle nature est la présence nouvelle du Ressuscité et comment l’Eglise a été fondée, le tout pouvant se situer dans un milieu cultuel »[40].
Ce faisant, l’évangéliste s’inspire du genre des récits constitués sous la forme de la narration historique. Les disciples racontent leur foi dans la liturgie au sein de l’Eglise pour répondre aux besoins des communautés qui voulaient en savoir plus sur le sens de l’événement pascal. Cette manière de parler est-elle une originalité de l’évangéliste ou un emprunt à la culture du monde ambiant ?
                 Certes, le judaïsme antique ne connait pas la résurrection comme événement de l’histoire. Car dans la foi d’Israël, Yahvé a la primauté absolue ; il est le Dieu vivant qui se manifeste dans l’histoire. Et l’homme ne peut entretenir le rapport avec lui que dans l’histoire. Dès lors, la foi d’Israël en Yahvé est hermétiquement séparée du domaine des morts. Elle refuse d’admettre une vie après la mort. Mais petit à petit, Israël prendra conscience qu’il y a une percée à travers la frontière de la mort. La représentation explicite de la résurrection se rencontre en deux textes apocalyptiques : Is 26,7-21 et Dn 12,1-4[41].
                 Au temps de Jésus, les juifs croyaient que les morts ressusciteront au dernier jour, tels qu’en témoignent certains textes  bibliques et extrabibliques du judaïsme préchrétien palestinien. Cette résurrection est vue de façon eschatologique.
                 Il est fort probant que le langage de la résurrection utilisé par les premiers chrétiens soit un emprunt à l’anthropologie juive qui, elle, est tributaire de l’anthropologie populaire ou hellénistique. Alors que dans l’hellénisme d’antan la résurrection est une réanimation d’un corps, dans l’anthropologie juive elle consiste dans l’accès du défunt à la vie pleine, selon un mode nouveau d’existence et d’expression[42].     
                 Disons enfin que même si le contenu littéraire de ce texte a subi certaines modifications pour diverses raisons, l’intention reste « celle de proclamer et de transmettre le contenu du mystère de la Résurrection de Jésus de Nazareth »[43]. Et le genre littéraire utilisé reste la narration historique ; cette manière d’exprimer la réalité de la résurrection est un emprunt à l’anthropologie juive.

I.4. L’ANALYSE STRUCTURALE

                 La structure de Jn 20, 11-18 est très discutée par les critiques et divise encore leurs points de vue. Nous nous obligeons de jeter un regard sur ces différents modèles de structure avant d’en proposer une.

I.4.1. Quelques modèles de structure

I.4.1.1. X. LEON-DUFOUR[44]

                 Il met en parallèle Jn 20 avec Mt 28, 9-10 pour y dégager les trois dimensions caractéristiques de l’apparition :
v. 16a      : Initiative : Jésus lui dit : « Marie » (Cfr. Mt 28,9a)
vv. 16b-17a :  Reconnaissance : « Se retournant, elle lui dit : ‘Rabbouni’…vers le  
                 Père »
v17b               : Mission : Mais va vers les frères et dis-leur : « Je monte …vers votre Dieu ».
Comme on le voit, cette structure basée sur la christophanie omet l’angélophanie, et elle ne montre pas l’évolution complète qui a conduit à cette reconnaissance et cette mission.

I.4.1.2. F. BLANQUART[45]

Il présente une structure bipartite :
- L’avant-scène (vv. 11-13) : Marie aperçoit deux anges qui lui adressent la parole.
- La scène (vv. 14-118)    : Marie aperçoit Jésus qui lui adresse la parole et l’envoie auprès des disciples.
La scène est divisée en trois parties :     v. 14               : De l’ignorance
                                                                       vv. 15a-17     : à la découverte
                                                                       v. 18               : et à l’annonce.
Cette structure nous paraît assez complète et solide parce qu’elle contient les éléments importants de la péricope.

I.4.2. Notre proposition de structure

                 Nous procédons par une division bipartite :
A.   vv. 11-13                   : Angélophanie à Marie-Madeleine
a)  v. 11                      : Introduction : Marie au tombeau pleurant
b)  vv. 12-13               : Apparition des anges et leur dialogue avec Marie
B.   vv. 14-18                   : Christophanie et mission de Marie-Madeleine.
a)  v. 14                      : L’ignorance de Marie à reconnaître Jésus
b)  vv. 15-17a                        : Initiative de Jésus et reconnaissance par Marie
c)  v. 17b                    : Marie reçoit la mission d’annoncer le Ressuscité
d)  v. 18                      : Résultat de l’entretien : Marie exécute l’ordre reçu.

Brève explication de notre schéma
                 Tout en s’inspirant des structures proposées par des spécialistes, nous avons surtout tenu compte des mouvements internes du texte qui nous ont permis une telle proposition de structure. Notre péricope présente des particularités vis-à-vis de celles qui l’entourent, notamment les personnages-acteurs et le thème. Deux éléments essentiels ont constitué l’articulation de notre structure : l’angélophanie à Marie-Madeleine (vv. 11-13) et la christophanie à Marie-Madeleine (vv. 14-18).
                 L’angélophanie comporte deux parties :
1.    Le v. 11 constitue une sorte d’introduction conjecturale. Ce verset ouvre l’angélophanie par la présence de Marie au tombeau. Il la montre non seulement en continuité avec la scène précédente (20, 1-10) mais aussi au cœur de l’action. Elle joue un rôle important dans ce récit : sa conversation avec les anges d’abord et avec Jésus ensuite.
2.    Les vv. 12-13 se rapportent à la conversation de Marie avec les deux anges. Cette angélophanie accorde une grande place aux anges qui indiquent le lieu où reposait le corps de Jésus. Elle prépare également l’entretien de Jésus avec Marie. Ce dialogue nous fait passer du tombeau au lieu où Jésus se tenait debout.
3.    Une petite inclusion englobe les vv. 14-18. Elle est signalée par l’emploi du verbe dire au v. 14 et au v. 18. Ce verbe exprime ici l’aspect historique de l’événement. Le v. 14 indique l’ignorance ou l’incapacité de Marie à reconnaître Jésus étant donné qu’elle reste encore attachée au passé. Marie est ici loin d’envisager une résurrection.
4.    Les vv. 15-17a sont caractérisés par une découverte progressive du Ressuscité. grâce aux trois interventions de Jésus qui ouvrent le dialogue, Marie va lentement accéder à la reconnaissance de Jésus. Ce jeu de question-réponse lui permettra de découvrir que Jésus est ressuscité.
5.    Le v. 17b  constitue le centre de notre interprétation. Car c’est ici que s’inscrit l’ordre de mission de Marie. Le dialogue entrepris depuis le v. 15 s’achève ici par la mission que le Ressuscité lui confie. Cette mission est stigmatisée par l’emploi de deux impératifs poreuou et eipe. Marie est appelée à accéder à une nouvelle présence du Ressuscité par la mission qu’elle reçoit du Christ, mission qui fait d’elle l’apôtre des apôtres. C’est la raison pour laquelle nous avons séparé le v. 117b d’avec le 17a et en avons constitué un tout à part.
6.    Le v. 18 indique le résultat de leur dialogue. Il réalise le sens du vœu du v. 17b. Sans aucune réaction de sa part, elle exécute l’ordre reçu. Marie passe de l’ignorance à l’annonce. Elle est en pleine activité missionnaire. Ce verset serait la conséquence qui découlerait de la mission annoncée au v. 17b. D’où l’importance fondamentale de aggellousa.

                                               ……………………………………..
                
                 De notre premier chapitre consacré à l’étude critico-littéraire, nous retenons les résultats des recherches exégétiques qui nous permettent d’amorcer une interprétation théologique pour la foi du chrétien aujourd’hui.
                 Dans ce deuxième chapitre, nous voulons montrer que Marie de Magdala est la première femme qui a reçu la vérité de la résurrection et la mission de l’annoncer aux disciples. Cette mission fait d’elle l’apôtre des Apôtres. De cette mission limitée aux disciples, nous dégagerons un caractère ecclésial qui puisse encore affecter l’Eglise aujourd’hui.
Nous parlerons successivement du contexte de la rencontre, de Marie comme apôtre, de la limite de la mission de Marie et de l’actualité du message.
                
                 Cette rencontre demeure la clé d’interprétation de notre péricope. Car elle nous conduira à une meilleure compréhension de l’apostolicité de Marie.
Quelques questions méritent toutefois d’être posées. Pourquoi cette rencontre entre le Ressuscité et Marie ? S’inscrit-elle dans la mission du Ressuscité ? Que vise ce dernier en prenant une telle initiative ? Quelles sont les conditions de possibilité favorisant cette rencontre ? Et quel rôle Marie joue-t-elle dans cet entretien ? Seule une étude topographique et théologique peut tenter d’y répondre.

                 Dans la préface des récits d’apparition du Ressuscité, les quatre évangiles sont unanimes dans la façon de rapporter les épisodes du tombeau ; ce sont des femmes (excepté le récit johannique qui parle de Marie de Magdala seule) qui se rendent au tombeau le premier jour de la semaine. Quelle est leur intention exacte ? Est-ce pour compléter l’embaumement ou pour une simple visite ? Les traditions marcienne et lucanienne affirment qu’il s’agit d’une onction : oindre le corps de Jésus (Mc 16,1 ; Lc 24,1). Les traditions matthéenne et johannique, pour leur part, mentionnent les lamentations (Jn 20,1) ou une simple visite (Mt 28,1). Au dire de certains experts comme DODD[46], la tradition de Mt et Jn semble plus vraisemblable. Car le projet d’oindre le corps de Jésus s’accorderait mal avec la mention des soins apportés par Joseph d’Arimathie et Nicodème en Jn 19,39ss.
Ce qui fait dire à X. LEON-DUFOUR qu’ « en attribuant aux femmes le projet d’aller embaumer le corps de Jésus, la tradition veut marquer le lien avec les épisodes antérieurs ; elle montre aussi que l’attention des femmes est encore exclusivement tournée vers le passé, vers un cadavre »[47]. Cette affirmation de Léon-Dufour nous fait comprendre que le mode d’ensevelissement de Jésus a préoccupé la première communauté chrétienne et s’est expliqué de diverses façons. Ainsi pour notre exégète, « la tradition la plus originelle présentait tout simplement les femmes avec l’intention d’aller ‘voir’ le tombeau (Mt) ; c’est-à-dire se ‘lamenter’ (Jn) sur Jésus »[48].
                 Les pleurs de Marie dénotent d’un état psychologique de tristesse suite à la mort de Jésus. Ce qui fait que le tombeau lui apparaît vide du Christ. Cet isolement provoque en elle la perte de sa propre identité. Car, à en croire Jean BODSON, « Ces jours sans le Christ dépouillent Marie de Magdala d’un Christ trop encore captif des possessions et des souvenirs pour l’ouvrir, comme le tombeau, à un amour et une présence universels »[49]. Dans la perspective johannique, le motif de la visite de Marie n’est pas connu.
                 Cependant du côté de Marie, le constat que la pierre est enlevée est la condition pour comprendre la nouvelle situation de Jésus dans la foi. Car elle reste encore trop tournée vers le passé de Jésus. Jésus lui fait comprendre que ce n’est pas là le lieu de verser les larmes humaines. Elle devra passer de la mort à la vie.
                 Jésus a l’initiative de la rencontre même si Marie dit qu’elle l’a vu. Il l’invite à entrer dans la foi, à comprendre l’état nouveau dans lequel il se trouve. Cet état marque la présence permanente et efficace de Jésus auprès des siens. Mais Marie est loin d’envisager une résurrection comme en Jn 11,23-24 avec Marthe. En outre, ce Jésus ressuscité est le même que celui de l’histoire. Il y a un progrès qui s’est opéré dans son existence, à savoir qu’il n’est plus mortel ; il a transcendé la mort. C’est ce qui fait qu’il ne soit pas reconnu de prime abord.
                 Par ailleurs, en l’appelant par son nom, Marie « va comprendre qu’il ne faut pas chercher du côté des morts. Elle ne trouvera pas Jésus de ce côté (…) Il faut chercher du côté des vivants »[50]. Et réveillée par ce message, elle peut ouvrir son cœur à la grâce et aller rassurer les frères, leur annonçant la Bonne Nouvelle d’un Jésus vivant.
                 Si pour Marie ce qui motive sa visite est la mort d’un être cher qu’elle désire pleurer, l’initiative de Jésus a pour but de se révéler comme Maître de l’histoire, Seigneur des vivants. Jésus l’invite non au passé mais à se tourner vers l’avenir. Etant donné que la rencontre se passe dans un lieu précis, examinons à présent la topographie qui la conditionne.
                 Le quatrième évangile est précis quant à la topographie relative à cette apparition : il s’agit du tombeau vide situé dans un jardin.

                 La mention du jardinier (v. 15) par l’évangéliste n’est pas sans allusion quelconque. Ceci insinue que Marie se trouve dans un jardin. Ce jardin est celui de la crucifixion décrit par Jn 19,41. Nous trouvons encore la mention du jardin dans Gn 2,8-9.15-16 ; 33,23-24 où Dieu place l’homme dans le jardin d’Eden, le Paradis, pour une vie bienheureuse. Mais avec la chute, ce jardin deviendra le lieu de la confrontation entre Dieu et l’homme perdu. Mais le jardin en Jn 20,15 appartient à une perspective eschatologique différent de celui de la Genèse : « Ainsi, au jardin d’Eden, à la brise du soir Dieu, au commencement du monde, est sorti et a cherché et appelé l’homme perdu : ‘Adam, où es-tu ?’ (Gn 3,8-9). Durant des millénaires, Dieu et l’homme se sont poursuivis sans se rencontrer. En ce jardin de Jérusalem, dans la lumière radieuse de l’aube, une femme elle aussi crie sa peine et appelle son Seigneur. Et Dieu, en Jésus ressuscité, et l’humanité en Marie-Madeleine, se reconnaissent enfin par leur nom et se rejoignent dans l’amour. La boucle est bouclée et tout est enfin accompli ! Rien ni personne ne pourra désormais séparer l’homme de Dieu »[51]          .
                 En utilisant le terme ‘Jardinier’, le narrateur a probablement pensé à l’affrontement du début de la création. Et il met le terme jardin en relation avec celui de Jardinier qui convenait le mieux à l’ensemble de la narration des chapitres 18-20 et au contexte historique. Il est fort probable que l’évangéliste ait fait allusion à ce jardin d’Eden.
                 L’évangéliste Jean met aussi le jardin en rapport avec la croix, rapport que J. GOETTMANN a bien explicité en ces termes : « Jean a soigneusement rythmé sa présentation du jardin et de  l’Arbre de la croix : paysage qui unit le jardin de la Genèse, le Paradis, et le jardin de la Nouvelle Genèse, l’Eglise. De l’un à l’autre le passage se fait de nuit par le Jardin des Oliviers et le Jardin de Joseph d’Arimathie »[52]. Finalement, c’est Jésus lui-même qui se fera voir à Marie sous la forme du Jardinier. Il va inaugurer une nouvelle création, un nouveau paradis et va ouvrir le chemin vers une autre vie.
                 Mais quel sens théologique donne-t-il à ce jardin ? Le jardin peut symboliser le lieu du combat et du repos dont le milieu est la croix, nouvel arbre de vie. Il signifie aussi l’Eglise qui naît du souffle de Jésus ; c’est l’effusion du souffle créateur de la nouvelle Genèse,            l’Esprit Saint. Le jardin est la maison de la prière et de l’amitié (Lc 22,40-42 ; Mt 26,36 ; Jn 18,1)[53], du pardon et du don de l’Esprit, de la communion et de l’envoi en mission (Jn 20,17). C’est aussi l’aurore d’un matin sans déclin.
                 C’est enfin dans le jardin que Marie se révèle en face de Jésus telle qu’elle dans toute sa vie, comme une femme habitée par le feu de l’amour[54]. Elle fait des va et vient dans le jardin puisque le tombeau lui paraît vide.
                 Les quatre évangélistes suivent une donnée commune en ce qui concerne la découverte du tombeau vide. Mais chacun présente différemment l’événement. En effet, la découverte du tombeau vide par Marie est le point de départ des événements de Pâques chez Jean. Marie est à l’avant-scène, certainement à cause du rôle qu’elle doit avoir joué dans la communauté primitive. En Jn 20,1-10, son rôle consiste à annoncer le tombeau     vide. Et « après s’être penchée vers le tombeau qui révèle la dimension eschatologique de la mort de Jésus, elle s’est détournée d’un lieu qui ne lui apportait pas la réponse qu’elle attendait, mais lui confirmait que le corps de Jésus n’était pas là »[55].
Le tombeau met aussi en continuité le récit de la résurrection d’avec celui de la passion. Il sert de mot-crochet entre la scène de la sépulture (19,42) et celle de la découverte du tombeau (20,1). On peut bien affirmer qu’en se rendant au tombeau, Marie est revenue sur le lieu de la crucifixion de Jésus (19,41).
                 En somme, la découverte du tombeau vide en Jean n’a pas pour but de prouver la réalité de la résurrection du Christ. Elle veut plutôt proclamer la réalité de ce mystère et préparer le croyant à entendre le message pascal délivré par les récits des apparitions. Dans le même sens Jean DELROME admet que « le souvenir d’un fait, la venue au tombeau des femmes qui n’ont pas retrouvé le corps de Jésus, a été éclairé par la foi née des apparitions, puis stylisé dans un récit adapté à la proclamation et à la méditation, au tombeau de Jésus, du mystère de sa résurrection »[56].
                 La topographie nous a permis de comprendre que la reconnaissance du Ressuscité est un long cheminement partant de la découverte du tombeau vide dans le jardin à la confusion que fait Marie entre le Ressuscité et le jardinier.          

                 La reconnaissance du Ressuscité par Marie s’ouvre par la désolation de celle-ci, suivie de l’interrogation des anges. Elle s’opère grâce aux trois interrogations de Jésus, malgré l’incapacité totale de Marie à le reconnaître (vv. 14-15). C’est grâce au dialogue que Jésus noue avec elle et à l’appel par son nom que Marie réalisera brusquement la présence de celui qu’elle aime avec passion.
                 Le thème de la reconnaissance est une des grandes caractéristiques des récits de la résurrection. Ce mode de reconnaissance est progressif. Pour le cas de Marie, ce que le terme « gunai » (vv. 13.15) n’a pas opéré se réalisera dans le nom propre de « miriam » (v. 16). Dans cette même optique de notre argumentation, D. MOLLAT affirme : « C’est en l’appelant par son nom que Jésus se fait reconnaitre de Marie de Magdala. Ce que le nom commun de femme (gynai) n’avait pu opérer, le nom de l’intimité personnelle ‘Marie’ le réalise d’un seul coup. Marie se découvre interpelée. Son nom dans la bouche de cet homme recrée la communion avec le Seigneur vivant. Ses yeux s’ouvrent. Sa foi naît dans ce cri : ‘Rabbouni’ »[57]. Certes, aux yeux de Mollat, le moment de la reconnaissance constitue l’événement majeur. Il est l’œuvre de Jésus. Car non seulement il fait le premier pas, mais il fait tout. C’est Jésus qui ouvre le dialogue et le ferme ; qui, de fait, appelle Marie par son nom et se fait reconnaître d’elle. Par le cri Rabbouni, Marie fait sa profession de foi à Jésus, profession qui précède sa mission.
                 De plus, l’interpellation de Jésus : « Miriam » évoque le bon pasteur qui appelle ses brebis par leur nom et les connaît (Jn 10,3.14). Jésus ne l’appelle qu’une seule fois. Cet appel éveille en elle le souvenir du passé, une certaine intimité entre les deux personnages.
                 Quelle serait la nécessité théologique qui a conditionné cette rencontre ? Cet épisode a pour but de décrire la nature véritable de la foi pascale, d’en indiquer les bases essentielles et la relation à l’œuvre de Jésus[58]. Car ici « la foi pascale apparaît comme passage de l’absence à la présence, de la désolation de Jésus perdu à l’allégresse de Jésus retrouvé. Le monde divin de la Résurrection ne se révèle plus par le langage indirect des choses (…) Jésus vient en personne à la rencontre de la femme éplorée qui le cherche mort »[59]. La foi pascale devient alors le dialogue renoué avec Jésus vivant au-delà de la mort. Et donc la foi de Marie doit radicalement se renouveler et tendre à l’état nouveau de Jésus.
                 En outre, cette foi doit être vécue et partagée. Après avoir fait l’expérience relationnelle avec Jésus, Marie devra faire savoir aux la bonne nouvelle. Elle posséder       a totalement le Christ à travers ce partage. La révélation aboutit à la mission. Cette mission fait d’elle l’apôtre de la résurrection.
                 En partant de la situation de la femme dans le contexte juif et de la position de Jésus vis-à-vis de la femme, nous établirons les critères de l’apostolicité et les appliquerons à Marie de Magdala.

                 Le judaïsme a une conception ambiguë de la femme. La Bible présente une extrême variété sur le statut social de la femme si bien que l’on ne peut pas d’un trait affirmer – comme le prétendent certains – que la femme est très méprisée par la société juive d’antan. La vision de la femme apparaît complexe et nuancée comme affirme J. HOURCADE : « Les écrits classiques du judaïsme (…) dépeignent une multitude des points de vue sur les femmes. Les opinions dépendaient des différents des différentes structures culturelles et sociales, des modèles spécifiques qui prévalaient à une époque donnée, et des expériences personnelles et des tempéraments individuels des maîtres juifs. Certains textes relèvent d’une misogynie tenace, tandis que d’autres célèbrent les femmes »[60].
                 Deux tendances se dessinent à l’intérieur de la littérature relative à la femme. D’un côté les textes qui exaltent la femme la présentent comme source de vie. Elle est exaltée parce qu’elle donne la vie et garantit la fidélité à la loi. Elle est d’abord considérée dans sa maternité. Ces tâches maternelles et sa présence au foyer l’excluent de la vie prophétique. Toutefois, certaines d’entre elles ont joué un rôle particulier au salut d’Israël et ont été exaltées comme prophétesses. C’est le cas de Déborah (Jg 4,4-5 ; 55,7-12), Houlda ou Hulda (2R 22,14-20), Esther et Judith, Myriam la sœur de Moïse (Ex 15,20ss), Anne (1S2)…
D’autres textes par contre soutiennent l’infériorité féminine. Ils s’appuient principalement sur Gn 2,18-25. Les partisans de cette tendance attribuent à la femme tout ce qui engage l’impureté, le péché, la séduction, la malédiction… Pour montrer cette misogynie, on évoque la bénédiction que les rabbins enseignaient aux hommes ; leur demandant de louer Dieu pour les avoir créés hommes et non femmes[61]. Parmi les tenants de ce groupe figurent les esséniens qui, d’ailleurs pour la plupart, ne prennent pas femme.
                 Quoiqu’il en soit, il faut reconnaître qu’en général la femme juive vit dans une condition d’infériorité. Elle est toujours celle qui subit l’homme. A. JAUBERT affirme que la femme est respectée comme mère et épouse. Sur le plan social et juridique, elle est considérée comme une mineure : « Son témoignage n’était pas reçu devant les tribunaux (…) Le mari pouvait annuler les vœux de sa femme (Nb 30,13). C’est lui qui disposait des biens de sa femme et devait en contre partie assurer sa subsistance »[62].
                 Ce statut d’infériorité se manifeste surtout dans la vie religieuse et culturelle où elle n’avait presque pas d’obligation religieuse. Mais en contre partie, elle pouvait se consoler de son absence du Temple et de la Synagogue. Car elle préside au culte familial qui est la cellule fondamentale du peuple de Dieu. Le foyer reste pour Israël le premier et le dernier des sanctuaires[63].
                 Remarquons qu’il y a ici un paradoxe frappant. On accordait à la vie féminine de nombreuses impuretés : les menstruations, les écoulements après la couche, après une naissance elle devait se purifier… Et en même temps lorsqu’elle observe les règles déterminant la pureté rituelle, elle est considérée comme étant en état de sainteté. C’est la femme qui prépare le repas conformément aux interdits ; même le repas pascal qui est le sacrifice biblique par excellence[64]. Alors qu’on la déclare impure, elle participe à ce qui est ou doit être sanctifié.
Le christianisme à la suite du judaïsme sera aussi marqué par cette conception misogyne ; conception contre laquelle s’est insurgé Jésus.
                 Jésus adopte une attitude de compassion, de respect et de sympathie à l’égard de la femme. Jésus vient alléger à la femme le lourd fardeau lui imposé par la société. Il se montre libérateur vis-à-vis de la femme (Mt 15,21-28 ; Lc 7,36-49 ; Jn 44,5-42 ; 8,1-11 ; 12,1-8 ; 20,11-18). Jésus vient renverser les valeurs sociales juives en ouvrant à la femme un espace de liberté qui lui permet de devenir elle-même. Ainsi, à la femme adultère, il dira : « Moi non plus je ne te condamne pas…»(Jn8,11).
                 Jésus décèle les gauchissements humains qui pervertissent le dessein de Dieu. Il prend distance de la loi là où elle devient une lettre qui tue. Il abolit en même temps les tabous sexuels et dépasse les souillures légales (Mt 9,22). Et il n’exclut personne à sa suite. Il a accepté des disciples femmes comme collaboratrices à la propagation de la Bonne Nouvelle. Tel est le cas de Marie-Madeleine dans l’annonce de la résurrection, annonce qui lui confère le titre d’apôtre.
                 La notion de l’apostolicité pose problème dans sa signification et dans son ampleur. Elle présente beaucoup d’écueils. Toutefois elle peut se préciser lorsque l’on réclame des justifications à ce propos. Nous nous attelons ici à l’étymologie et aux critères d’apostolicité que nous appliquerons à Marie.

                 Il est vrai que dans le N.T. de nombreux personnages reçoivent le titre d’apôtres. Mais qu’entend-on par ce terme ? Du substantif grec apostolos, et du verbe apostellein, apôtre signifie envoyé, chargé de mission. En langage chrétien il signifie simplement missionnaire. Dans l’Eglise primitive, ce terme est appliqué au membre de la communauté chargé de l’évangélisation[65].
                 Dans l’A.T., le titre  apostolos désignait un émissaire ou dignitaire chargé d’enseigner la Loi (2 Ch. 17,7). Après l’an 70, le judaïsme l’emploie exclusivement pour désigner les Rabbins envoyés aux juifs de la diaspora pour organiser leurs communautés. Mais les prophètes et les juifs prosélytes ne reçoivent pas ce titre[66].
                 Dans le N.T., le terme apôtre comporte deux sens. Stricto sensu, il s’applique aux seuls Douze appelés par le Christ (Mt 10,2-4 ; Mc 3,16-18 ; Lc 6,13-16 ; Ac 1,13). Au sens large il désigne les missionnaires itinérants de la communauté primitive (22 Co 8,25 ; Ph 2,25 ; 1 Co 9,5). Son sens paulinien lui confère deux critères : avoir vu le Ressuscité (Ga 1,11-16) et avoir été envoyé en mission par le Christ (1 Th 2,7 ; Ga 1,1)[67].
Outre ces critères pauliniens, nous distinguons trois critères d’apostolicité : Etre envoyé par Dieu d’abord au sens d’Hb 3,1 et Jn 17,18a ; ensuite par le Christ (Mt 28,19) ; et enfin par l’Eglise (Ac 13,2-3).
                 Ainsi établi, peut être appelé apôtre un serviteur et témoin envoyé par Dieu, le Christ ou l’Eglise dont il reçoit la mission. Appliqués à Marie de Magdala, ces critères ne lui confèrent-ils pas ce titre d’apôtre. C’est ce que nous allons tenter de démontrer à présent.
                 Certains théologiens préfèrent coller à Marie-Madeleine l’épithète de disciple féminin de Jésus, réservant le qualificatif apôtre au collège des Douze choisis par Jésus. Nous pensons quant à nous que cette conception de l’apostolicité débouche sur deux impasses lorsqu’on se situe dans les perspectives paulinienne et johannique.
En effet, Paul réclame à tout moment le titre d’Apôtre et déclare avoir été envoyé par le Christ. Et pourtant il ne fait pas membre du collège de Douze. Et le quatrième évangile n’utilise nulle part l’expression apôtre au sens technique. Jean parle de disciple pour désigner aussi bien le cercle des Douze que tous ceux qui ont suivi Jésus, qui ont cru en lui et qui ont obéi à sa parole.
                 Jean utilise le verbe apostellein envoyer pour désigner l’envoi en mission. Il n’y a ici aucune restriction. Or les femmes peuvent aussi être comprises dans une mission. Dans le chapitre 20, l’évangéliste attribue à une femme un rôle quasi apostolique de façon très remarquable. C’est à une femme, Marie-Madeleine, que Jésus apparaît d’abord et l’envoie annoncer à ses frères (les disciples) qu’il monte vers le Père[68]. Et nous savons que le mouvement de Pierre et du disciple que Jésus aimait s’enracine sur les paroles de Marie.
                 Partant alors de nos critères énumérés ci-haut, il devient indéniable que par l’annonce type de la résurrection, Jésus fait de Marie-Madeleine l’apôtre et « l’évangélisatrice de l’Alliance Nouvelle et de la Résurrection »[69].
                 Ainsi, devenue le « symbole de l’Eglise qui, dans la lumière de Pâques, a la révélation du Seigneur, Marie-Madeleine est non seulement le modèle de la foi, mais elle devient l’apôtre des apôtres, la première messagère de l’Evangile »[70]           . Car elle fut la première à rendre témoignage du Christ devant les Apôtres. Comme on peut le voir, Marie n’est pas loin de vérifier les conditions de base exigées selon Paul pour être apôtre. Car c’est elle et non Pierre qui est la première à voir Jésus ressuscité[71].
                 Remarquons que l’évangéliste attribue à une femme un rôle traditionnellement accordé à Pierre (1 Co 15,5 ; Mt 16,16-19). Cette substitution, aussi délibérée soit-elle, ne veut pas dénigrer Pierre ni lui dénier un rôle de l’autorité ecclésiastique lui conféré en Jn 21,15-17. L’évangéliste veut simplement suggérer que l’autorité ecclésiastique n’est pas le seul critère pour juger de l’importance relative de ceux qui suivent Jésus[72]. Et la transmission de la vérité divine par le Christ se fait sur pied d’égalité aussi bien pour les hommes que pour les femmes.
                 Après avoir dégagé les critères d’apostolicité et établi le fondement biblico-théologique de l’apostolicité de Marie, nous voulons à présent indiquer la limite de sa mission.
                 Toutes les démarches que Marie a eues à faire avaient comme aboutissement la responsabilité que Jésus lui avait confiée en l’envoyant vers ses disciples. Si la mission de Jésus a pour terme le Père (« Je monte vers mon Père… »), celle de Marie a pour finalité les frères (« Pour toi, va trouver mes frères… »). Par le Pour toi, Jésus fait connaître à Marie qu’il faut aller partager sa foi, son amour avec les autres.
Remarquons par ailleurs que la mission de Marie n’est pas destinée au monde entier. Elle a un caractère que nous nommons intra-ecclésial. Car elle est destinée à une communauté précise : la famille des disciples. Marie ne reçoit pas comme les apôtres l’ordre d’annoncer l’évangile à toute la création. Le message qu’elle apporte, roc de la foi chrétienne, ne pourra atteindre le monde entier que par les apôtres qui en sont les témoins officiels (Mt 28,19). Ceci laisse entendre que l’énigme des apparitions oblige à des résolutions inattendues. Ce qui amène Fr. GENUYT à affirmer que « les signes de la résurrection ne sont pas donnés à constater, ils opèrent une transformation des acteurs »[73].
                 La mission de Marie de Magdala s’achève chez les disciples ; celle de ces derniers commence. Marie prépare les disciples à accueillir la manifestation de Jésus et les dispose indirectement à une mission autre que la sienne. Les disciples vont définir le champ de la mission de Marie sous leur propre responsabilité. Ceci justifie le sens de l’apparition aux disciples (Jn 20,19-23). Dans la même ligne Fr GENUYT affirme : « Si la venue du Seigneur dans la maison où sont reclus les Apôtres chasse la crainte et apporte la paix du pardon, le bénéfice de l’apparition consiste, non pas dans la reconstitution d’une équipe, mais dans la réception de l’Esprit et l’envoi au dehors, là où ils auront à dire à tout homme, en l’absence du Maître et sous leur propre responsabilité, la rémission ou la rétention des péchés »[74].
                 Bien que Marie soit la première à annoncer la Résurrection, la Bonne Nouvelle de Pâques repose sur la foi des Apôtres quoique seconde par rapport à la foi de Marie. C’est peut-être la raison pour laquelle, sur le plan ecclésiologique, le rédacteur fait précéder l’apparition à Marie de Magdala de la foi du disciple bien aimé en la résurrection de Jésus (Jn 20,8).
                 Alors que l’annonce de Marie ne vise que les disciples, l’apparition aux disciples a un caractère universel en ce qui concerne la mission. En effet la mission des disciples s’enracine dans l’ensemble de la mission de Jésus (17,17-19) et vise un univers plus vaste. C’est ce que semble insinuer le verbe pempw (envoyer) employé ici dans un sens absolu et sans complément, bien que Jésus n’indique ni l’objet ni le terme de cette mission. Partant d’autres textes (Mt 28,19 ; Jn 17,18), on peut dire que l’objet de la mission est le monde. Les disciples devront poursuivre l’œuvre du Père et accomplir comme Jésus sa volonté (Jn 3,35 ; 5,20 ; 6,38-40 ; 13,3 ; 17,2-4)[75].
Cette mission a un lien étroit avec le don de l’Esprit. L’Esprit est la puissance de salut qui opère chez les disciples, en communion avec Jésus, une création nouvelle. A. JAUBERT perçoit bien ce lien lorsqu’elle affirme que l’Esprit de Jésus jette sa lumière sur les ténèbres du monde et peut donner la vie (Jn 6,63 ; 8,12) : « cet Esprit qui donne vie est à la racine de la mission et de la nouvelle création que sont les croyants »[76]. Et D. MOLLAT d’enchaîner : « par la puissance de l’Esprit issu du Christ ressuscité, un monde nouveau commence ; un nouvel Israël s’inaugure par la mission de ses disciples dans le monde »[77].
                 A présent, nous dégageons l’impact de la mission de Marie sur la vie du croyant et de l’Eglise aujourd’hui.
                 Plusieurs thèmes peuvent ressortit de la lecture de cette péricope. Notre curiosité repose plus sur une lecture de la mission vue dans une perspective féministe. Ce sera l’objet principal de notre troisième chapitre dont l’application débouchera sur la mission de la femme africaine.
                 Par la première annonce de la résurrection confiée à Marie, Jésus lui révèle que la finalité de sa mission c’est les frères. Mais qui sont ces derniers ? Ce mot frères apparaît ici pour la première fois. Il s’agit certainement des disciples comme nous le confirme le v.18. Il est possible que le narrateur ait aussi envisagé ceux qui par les disciples recevraient le message pascal[78]. Car non seulement cette appellation frères marque le sommet de sa mission, mais en appelant ses disciples frères, Jésus inaugure une nouvelle parenté : la parenté spirituelle. Celle-ci dépasse la parenté naturelle ou sanguine comme l’exprime savamment le professeur ATAL : « à la parenté naturelle, Jésus impose un contenu NOUVEAU qui en fait éclater toute limitation ancienne. Les liens de sang ne l’emportent pas sur ceux de la parenté spirituelle. Bien plus, celle-ci acquiert, de ce fait, et renforce son degré de profondeur »[79].
                 Mais cette mission qui, certes, n’est pas destinée au monde entier ne revêt-elle pas un caractère ecclésial ? bien que n’étant pas témoin officiel, le témoignage de Marie sur la résurrection précède celui des apôtres. C’est Marie qui les introduit au cœur du mystère de la résurrection. Et les frères ou disciples constituent déjà le premier noyau du christianisme. Ce noyau forme l’Eglise, l’Eglise apostolique naissante. L’annonce de Marie comporte un caractère ecclésial parce qu’elle vise une communauté. Mais quelle est la compréhension actuelle de la signification universelle d’une histoire individuelle comme celle de Marie ?
                 L’histoire individuelle de Marie a une signification universelle pour la foi de l’Eglise. Car la proximité de Jésus Sauveur du monde confère aux personnages de l’Evangile une valeur d’universalité. A travers le rôle de figure accompli par ses contemporains, l’enseignement de Jésus s’adresse également à nous. Ce faisant, le témoignage de Marie s’inscrit dans le cadre de la mission que chacun découvre pour son existence propre, à travers une longue maturation et une certaine expérience de la maturité sur le plan humain et sur le plan de la foi[80]. EN Marie ? l’humanité est recréée ; elle devient une sœur pour l’humanité : elle donne aux hommes la Bonne Nouvelle qui les renouvelle. Elle manifeste la liberté de salut qui réside dans l’ouverture à autrui.
                 En outre, affirme X.LEON-DUFOUR, c’est à partir d’un témoignage que l’on vient à la foi, même s’il est rendu par une femme dépourvue d’autorité… La foi de l’Eglise continue à se transformer par cette voie. Ce témoignage qui provient d’une rencontre personnelle avec Jésus conduit l’auditeur à entendre la Parole afin d’approfondir la foi Qui s’est ainsi éveillée[81]. C’est dire encore que la femme aussi joue un rôle essentiel dans la transmission de la foi en concordance avec son charisme du don de la vie pour parler J. HHOURCADE[82]. Cependant cette mission devient limitée quand on aborde le domaine du ministère ordonné.
                 Depuis le Concile Vatican II, la femme a toujours tenu une grande place dans la vie de l’Eglise. Mais sa mission devient une pierre d’achoppement quant à son accession au ministère ordonné. A cet effet, l’Eglise apparaît à certains penseurs dont Monique HEBRARD comme une société misogyne : « Depuis Vatican II, elles y ont pris des responsabilités très importantes, mais elles ne peuvent pas être prêtres, ce qui vaut à l’Eglise catholique, pour bon nombre de nos contemporains, d’être jugée comme l’un des ‘derniers bastions de la misogynie’ »[83].
                 L’Eglise catholique vénère le féminin : elle se présente comme l’épouse du Christ. Elle a un grand respect pour la femme. Dans son message final, le Concile Vatican II s’est adressé aux femmes en ces termes : « L’Eglise est fière, vous le savez, d’avoir magnifié et libéré la femme, d’avoir fait resplendir au cours des siècles, dans la diversité des caractères, son égalité foncière avec l’homme. Mais l’heure vient, l’heure est venue où la vocation de la femme s’accomplit en plénitude, l’heure où la femme acquiert dans la cité une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais atteints jusqu’ici »[84]. C’est dire que le Concile reconnaît la femme égale à l’homme. Mais dans la réalité des faits, l’Eglise ne réserve le ministère ordonné qu’exclusivement aux hommes. Comment expliquer cette restriction ? Serait-elle due à une incapacité de la femme d’exercer ce ministère ?

                 Pour comprendre ce refus de l’ordination des femmes, il faut remonter plus loin dans les tabous d’antan. Ce n’est pas pour nous le lieu de le faire. Notre propos se veut seulement présenter le problème tel qu’il se pose actuellement dans l’Eglise. Précisons d’abord à la suite de J. Hourcade que « L’Eglise n’a jamais dit que la femme fût incapable d’être prêtre mais qu’il y a à cela des raisons théologiques, symboliques, des raisons anthropologiques (…) et surtout des raisons de tradition »[85].
                 Nombre des théologiens dont Hervé LEGRAND jugent insuffisantes les raisons évoquées par l’Eglise sur la non-ordination des femmes. H. Legrand s’insurge contre le document Inter insigniores qui affirme entre autre que dans la représentation, le rôle du ministre qui agit in persona christi ne peut être exercé que par un homme parce que le Christ est homme. Et l’Eglise ne peut changer cette pratique qui relève de la Tradition biblique et apostolique. Pour H. Legrand, « le prêtre n’agit pas in persona christi de façon immédiate dans l’eucharistie. Pour être in persona christi il lui faut être in persona ecclesiae. Il lui faut être ordonné et exercer la charge de représenter la foi et la communion de l’Eglise »[86]. C’est donc en agissant in persona ecclesiae que le prêtre agit in persona christi. D’où une femme ordonnée qui a la charge pastorale de la communion de l’Eglise et qui représente la foi de l’Eglise l’exercerait en bonne et due forme. La représentation n’a aucune valeur symbolique. Dans la présidence de l’eucharistie, l’action se situe dans le mystère, c’est-à-dire dans le sacrement et non dans la représentation. Il en conclut que la non-ordination des femmes est un fait historique et non une Tradition au sens fort.
                 En dépit de ces objections des théologiens, la discipline de l’Eglise en cette matière reste stricte. La pensée de l’Eglise se trouve consignée dans des documents comme Inter insigniores du 20 février 1977[87], Mulieris dignitatem de 1988[88] et la lettre apostolique sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes du 30 mars 1994[89].
                 Quoiqu’il en soit, cette question qui relève de la seule compétence du Magistère retient encore son attention. Il n’est pas impossible qu’avec le temps, le Législateur en décide autrement. Toutefois nous pensons que le jugement de l’Eglise à propos de cette question doit faire appel à un esprit de finesse. L’Eglise doit éviter de tomber au piège de la logique d’un modernisme exagéré si elle veut rester fidèle à sa Tradition. Fidèle à l’enseignement et à la position actuelle du Magistère, nous nous accordons à l’idée que le ministère ordonné reste encore exclusivement réservé aux hommes.

                                                      …………………………………..………...
                 Les conclusions théologiques tirées du second chapitre sur la mission de Marie-Madeleine orientent nos réflexions sur la mission de la femme africaine. Nous abordons le présent chapitre dans le cadre de la conception de l’Eglise-Famille prônée par l’exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa. En ouvrant cette perspective à la théologie africaine, nous recommandons à l’Eglise locale d’associer la femme à l’œuvre de l’apostolat dans le processus de la nouvelle évangélisation de l’Afrique à l’orée de l’an 2000.
                 La mission de Marie auprès des disciples suggère à la femme africaine aujourd’hui une manière d’être missionnaire. Car la semence qu’elle a jetée et la moisson apostolique qu’elle a préparée donnent à la femme africaine la conscience que c’est en Eglise que son témoignage prend toute sa force d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut pour tous les hommes et toutes les femmes au milieu desquels elle vit.
Dans cet effort d’interprétation en vue de l’interpellation africaine, notre chapitre traitera des points ci-après : la dimension prophétique de la vie féminine ; la femme africaine en mission ; la responsabilité de la femme devant sa mission ; Marie-Madeleine, paradigme de la femme africaine en mission.

                 La femme moderne cherche d’abord le sens de sa vie et comment la bâtir. Jésus donne la clé de vie féminine et dévoile que cette vie est porteuse du mystère de la sagesse multiple de Dieu. A ce propos, G. BLAQUIERE affirme : « Si la femme est faite, comme l’homme, à l’image de Dieu, sa vie, si ordinaire qu’elle soit, a quelque chose à nous dire du mystère de Dieu. Elle est tout entière parabole et prophétie et plus rien n’est insignifiant à qui sait lire les signes »[90].
                 L’existence d’un prophétisme féminin dans l’Ecriture est attestée. Dans l’A.T. en effet, Israël comme peuple de l’Alliance est souvent signifié par la femme, partenaire d’une longue et difficile histoire d’amour avec son Dieu[91] (Cfr. Is 54,6-8 ; 62,5 ; Os 2,15 ; Ez 36,17 ; Jr 2,2). Les prophètes comme Osée, Isaïe, Jérémie et Ezéchiel utilisent la symbolique des noces pour signifier cette alliance de Dieu avec Israël (Ez 16,4) malgré l’infidélité de ce dernier (Os 2,7 ; Is 54,6).
En outre, bien que la femme juive ne soit souvent considérée que dans sa maternité, certaines d’entre elles ont retenue la mémoire du peuple pour avoir joué un rôle prophétique dans le salut d’Israël.
                 Dans le N.T., l’Eglise est appelée à vivre ce mystère de l’alliance renouvelée par Jésus-Christ. Elle devient l’épouse du Christ (Ep 5,21-33). Paul découvre dans ce texte une préfiguration prophétique de l’union du Christ et de l’Eglise à partir de Gn 2,24. Et ce sont les femmes qui sont les prophètes de cette alliance. Dans la parabole des dix jeunes filles (Mt 25,1-13), elles symbolisent l’Eglise, fiancée à l’attente de Dieu. Dans l’espérance de la fête, la jeune fille vierge attend l’amour dans la réserve de son corps et de son cœur. Elle accueillera ainsi son fiancé comme un don de Dieu (Ac 5,2 ; 8,6). Elle devient la figure de l’Eglise offerte à l’amour de Dieu et à qui Dieu se donne dans l’amour[92].
                 Dans 1 Co 11,4-5, Paul met le prophétisme de la   femme sur le même plan que celui de l’homme. Le mot proseucomenos a le même sens pour l’un et l’autre. Selon Jean DANIELOU, « le prophète, au sens du N.T., n’est pas seulement un inspiré, c’est quelqu’un qui exerce une fonction à l’intérieur de la communauté »[93]. Ce texte comme bon nombre d’autres montre que la fonction du prophète s’exerce dans l’assemblée chrétienne. Par ailleurs 1 Co 14,34-35 conteste pour les femmes le droit d’intervenir dans l’assemblée. Pour résoudre cette contradiction, J. Danielou affirme que Paul interdit directement la prédication de la parole à l’assemblée désignée par le mot lalein. Et partant de 1 Tim 2,11-12, Danielou soutient que « la femme ne saurait appartenir à la hiérarchie proprement dite, dont les prérogatives sont la présidence de l’assemblée, l’enseignement ayant autorité, l’offrande de l’eucharistie »[94]. Car le rôle du prophète n’est pas d’abord d’enseigner, mais essentiellement de prier. Et donc si on interdit à la femme l’enseignement, on ne peut lui défendre de prier à haute voix dans l’assemblée. Actuellement l’Eglise catholique autorise à une femme de présider une assemblée (cas de l’ADAP) étant donné que cette présidence ne relève pas d’un pouvoir ordinaire. Cette conception paulinienne est en quelque peu tombée en désuétude.

                 La dimension prophétique de la femme se réalise à chaque étape de la révélation. Marie apprendra la première que les temps sont accomplis et que le salut de Dieu est venu dans le monde. Elisabeth criera de joie la présence cachée de Dieu parmi les hommes. La profession publique de foi de Marie (Jn 11,25-27) révélera que Jésus est le Maître de la vie et de la mort. En Marie-Madeleine, Jésus va se révéler comme le Ressuscité.
Ce témoignage prophétique fait de la femme un signe du mystère de l’Eglise en mission. C’est dans cette dynamique de la dimension prophétique que s’enracine la mission de la femme africaine, culturellement interpellée par la mission de Marie de Magdala auprès des disciples (Jn 20,11-18).

                 La lecture de notre péricope nous autorise une interprétation africaine. Nous l’abordons dans le cadre de l’ecclésiologie africaine de l’Eglis-Famille. Il sied avant tout de préciser la situation sociale de la femme africaine, comme celle de la femme juive[95], avant d’analyser sa mission dans l’Eglise-Famille.

                 Comme Marie-Madeleine, la femme (ou la fille) africaine est une fille de son temps et de sa culture, vivant toutes sortes de discriminations, pourtant elle seule est appelée à témoigner de Jésus-Christ à l’instar de la juive ou de la samaritaine (Jn 4,28-30).
                 La femme africaine est profondément diminuée, blessée dans son être profond. Cette situation sociale est, pour elle, un préalable nécessaire pour son engagement missionnaire.
L’article de la Sœur BWANGA sur la femme africaine et l’évangélisation de l’Afrique[96] en fait grand écho. Cette situation sociale dans laquelle vivent la fille et la femme africaines doit orienter leur agir et engagement missionnaires. Car « c’est cette femme africaine blessée et démissionnaire que le Christ vient rencontrer pour lui faire retrouver les valeurs profondes de sa féminité africaine à mettre en compte dans sa participation à la mission de l’Eglise au milieu de son peuple »[97].

                 L’épisode de la Pentecôte synthétise le caractère ministériel de la prédication apostolique au sein d’une Eglise missionnaire (Ac 2,14-42). Par ailleurs, Lc 8,1-3 note une présence féminine autour de Jésus dans ses tournées apostoliques. Dans les communautés primitives, les femmes sont au cœur de la mission, parfois avec un zèle et une influence sur  le climat spirituel de la communauté de loin supérieurs à ceux des hommes. Rm 16,1-16 cite plusieurs femmes dont quatre (Marie, Tryphène, Tryphose, Persis) « se sont fatiguées pour le Seigneur ». Paul utilisait déjà cette expression pour ses propres fatigues apostoliques[98]. Ces témoignages apportent une configuration à la participation des femmes à l’évangélisation aux temps apostoliques.
                 En Jn 20,17-18, Jésus couronne la mission de la femme en envoyant Marie de Magdala annoncer la résurrection. Le Ressuscité revalorise ainsi la femme et fait d’elle missionnaire par excellence. En outre, « en envoyant Marie annoncer aux disciples eux-mêmes sa résurrection d’entre les morts et le sens de cet événement, Jésus signifie que les apôtres ont toujours quelque chose à apprendre de ceux et celles qui s’abreuvent en permanence à la source d’eau vive »[99]. Dieu confie la mission à qui il veut.
                 Comme Marie, Jésus rencontre la femme africaine aujourd’hui dans son contexte social et l’envoie en mission. Il vient de même lui rendre la dignité de sa féminité et les richesses de sa belle humanité au service de l’Eglise et de l’Evangile. Jésus la délie et la libère (Lc 8,2). Tel est son dessein libérateur inscrit en Lc 4,18-19.
                 La femme africaine est un véritable agent de l’évangélisation. Sa présence n’est pas de moindre importance dans l’évangélisation en profondeur de l’Afrique. Elle évangélise par l’annonce de la parole et le témoignage de vie. Elle rayonne dans une participation active à la prière liturgique, dans les CEB, la catéchèse, la préparation des adultes et des enfants aux sacrements, dans divers mouvements spirituels et d’action catholique. D’autre part, le témoignage de vie chrétienne authentique livrée à Dieu et donné au prochain est pour elle un moyen efficace d’évangélisation. Le pape Paul VI affirmait à ce propos : « l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres (…) ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont témoins »[100]          . A titre d’exemples citons le secours et la visite des malades, l’assistance matérielle aux pauvres et aux handicapés, la consolation des personnes éprouvées…
Bref, disons à la suite de la Sr MBUYI que « la femme d’Afrique est consciente de la présence de Dieu qui l’habite et elle veut en rendre témoignage comme Marie-Madeleine, la Samaritaine et tant de saintes femmes au cours de l’histoire[101]. Car la nouvelle évangélisation reste impensable sans une présence active et renouvelée des femmes.

                 L’ecclésiologie synodale a appliqué, à la suite de Vatican II, pour l’évangélisation de l’Afrique, l’idée-force de l’Eglise-Famille de Dieu. Cette image met l’accent sur l’attention à l’autre, la solidarité, la chaleur des relations, l’accueil, le dialogue et la confiance. Ce modèle d’Eglise a pour prototype la sainte famille dont Nazareth est « l’école de l’Evangile » pour parler Paul VI. Quel lien peut-on établir entre le concept Eglise-Famille et la mission de Marie de Magdala ? De la lecture de notre péricope ou d’autres textes faisant allusion à Marie, nous ne trouvons aucune précision sur son identité matrimoniale. Nous en venons ainsi à la conclusion selon laquelle la vedette de la résurrection n’était pas mariée.
                 Par ailleurs, Marie annonce la résurrection dans un cadre précis : la famille des Apôtres et/ou disciples à Jérusalem (Jn 20,11-18 ; Lc 24,47). Notre lecture africaine de cette péricope nous permet d’identifier quelque peu cette famille à l’Eglise-Famille.
                 Cependant nous précisons à la suite du Professeur MUGARUKA que partant d’un examen lexicographique, le binôme Eglise famille ou l’expression Eglise, famille de Dieu ne sont nulle part attestés dans le Nouveau testament[102]. Toutefois, nous attribuons à notre expression le sens paulinien d’Eglise domestique (ai th katoikon sou ekklesia ) (Phm 2) quoique soit encore visé ici le lieu de l’assemblée. Car « lorsqu’il s’agit de parler de la famille dans le sens strict de ‘personnes liées par la consanguinité’ à quelque degré de parenté que ce soit, le Nouveau Testament recourt à l’expression plus explicite de ‘père, mère, épouse, enfant, frère et sœur’ (Lc 14,26) ou ‘père, mère, fils ou fille’ (Mt 10,37) »[103]. Quant à nous, nous lui attribuons les deux occurrences stricte et élargie.
                 Cette précision exégétique nous aide à souligner que dans l’Eglise-famille, la femme (mariée) est d’abord appelée à être missionnaire de son mari et de ses propres enfants. Car bien que l’adhésion à la foi relève de la conviction et ne participe en rien au patrimoine génétique, il faut reconnaitre que dans le christianisme, la foi s’est transmise d’une génération à l’autre, notamment par la famille qui en constitue le lien originaire et irremplaçable. Chaque génération reçoit de par sa filiation la croyance de la génération qui la précède, cela par l’entremise des parents : « la transmission de la foi par le milieu parental fait intervenir une relation linéaire triple : Dieu – les parents – l’enfant, au sein de laquelle les parents sont en situation de médiateurs (‘tans’) entre Dieu et l’enfant »[104]. Le décret sur l’apostolat des laïcs souligne avec force la responsabilité des parents dans l’éducation et la transmission de la foi de leurs enfants : « Les époux chrétiens sont l’un pour l’autre, pour leurs enfants et les autres membres de leur famille les coopérateurs de la grâce et les témoins de la foi. Ils sont les premiers à transmettre la foi à leurs enfants et à en être auprès d’eux les éducateurs »[105].
Mettre à l’avant-plan le rôle des époux dans l’éducation chrétienne des enfants c’est affirmer avec le Professeur KIBANGA que « la véritable identité de la famille chrétienne comme Eglise domestique est fondée sur la réalité du mariage chrétien comme un véritable sacrement de l’Eglise »[106].
                 Comme toute femme, la femme africaine est appelée à sauvegarder les valeurs traditionnelles dont elle est le symbole : l’accueil, le don de soi, l’amour, la générosité, le dévouement, la patience, la protection, le silence sur soi… En les assumant, elle répond à sa vocation et à sa mission propres.
                 Elle a un rôle éducatif très actif de par sa nature parce que maternelle. Nous savons combien en Afrique les enfants restent plus attachés à leurs mères qu’aux pères. La mère est l’intercesseuse de l’enfant auprès du père. Et d’ailleurs une faille dans l’éducation de l’enfant suffit pour que le papa clame tout haut à sa femme : « c’est ton fils, ta fille ! », « quelle éducation tu donnes à ces enfants ! », « c’est toi qui es à la base de ce désordre ! ». L’éducation apparaît ici presque exclusivement comme un domaine réservé à la femme seule. C’est à bon droit que le pape Jean-Paul II affirme que la mère donne à l’enfant le sentiment de sécurité et de confiance à cause du lien particulier qui attache celui-ci à elle dès les premières années de sa vie. Sans ce lien l’enfant ne peut pas développer correctement son identité personnelle et ses relations avec les autres. Cette relation originelle a une valeur éducative toute particulière sur le plan religieux parce qu’elle permet d’orienter vers Dieu l’esprit et le cœur de l’enfant avant le commencement de l’éducation religieuse organisée[107]. Ainsi exhortons-nous la femme africaine à prendre avec foi cette tâche combien difficile. Qu’elle l’exerce dans un esprit de responsabilité et de liberté afin de guider les enfants à une plus grande maturité d’esprit ; leur apprenant l’amour de la vérité et de la justice, le sens de la liberté responsable, l’estime et le respect de l’autre, l’amour du bien commun, le sens du service et du sacrifice, l’amour de Dieu et des valeurs spirituelles, le respect du sacré…

                 Comme Marie-Madeleine, la religieuse africaine a pour mission de manifester et communiquer la vie du Christ ressuscité aux membres de sa famille religieuse. Sorti du tombeau, Jésus a répondu à la fidélité des femmes dans l’épreuve du calvaire en leur attribuant un rôle important dans la diffusion de la foi. Ainsi, « en chargeant Marie-Madeleine de porter son premier message aux apôtres, il mettait en lumière une mission accordée par priorité à la femme consacrée d’annoncer dans la joie la vérité de la résurrection »[108].
                 Revêtue doublement du caractère sacré en tant que femme africaine et consacrée, la religieuse porte une énorme responsabilité morale sur notre société et sur notre Eglise. Sa présence – appel à la sainteté et témoignage de vie fraternelle dans la communauté – est une valeur et un héritage dont elle doit sauvegarder l’image. Le professeur F. KABASELE est mu par cette préoccupation lorsqu’il affirme : « Sauvegarder la femme africaine en vous, religieuses, c’est accentuer en vous la dimension du sacré… »[109].
Dans la même optique, l’exhortation post-synodale ecclesia in africa souligne l’urgence de promouvoir les vocations religieuses de vie contemplative et active choisies avec un grand discernement. Elle leur exige également une solide formation humaine, spirituelle et doctrinale, apostolique et missionnaire, biblique et théologique[110]. De la sorte, la femme africaine deviendra à l’instar de Marie de Magdala, responsable de la mission que le Christ lui confie.

                 L’écho de la responsabilité missionnaire de Marie-Madeleine se trouve stigmatisée au v. 18 de notre péricope d’étude. En effet, sur l’ordre du Ressuscité (‘Pour toi, va trouver mes frères…’ v.17), Marie court annoncer un Jésus vivant (‘J’ai vu le Seigneur…’ v.18). Marie assume seule cette responsabilité, courant ainsi le risque de se faire refuser par ses auditeurs (Lc 24,11 ; Mc 16,11). De surcroît l’objet de l’annonce n’est pas d’abord une répétition (‘Je monte vers mon Père…’) mais une responsabilité : « J’ai vu le Seigneur… ». MOITEL exprime cette idée de responsabilité en ces termes : « l’attachement possessif de Marie pour celui qu’elle appelle ‘mon Seigneur’, ‘mon Maître’ se transforme en responsabilité : ‘J’ai vu le Seigneur…’ et il m’a dit de vous dire… »[111]. Marie n’est pas seulement le témoin mais aussi le responsable du message qu’elle annonce.
                 Cet agir missionnaire de Marie doit inspirer la femme africaine d’aujourd’hui. Elle doit éviter la passivité et l’infantilisme dans la mission, attendant une motivation et un ordre extérieurs. Elle doit être le principal acteur dans la prise des décisions qui l’engagent particulièrement. Elle ne laissera pas toujours à l’homme de décider à sa place. Dans cette optique, P. LEFEBVRE plaide pour une présence féminine dans le développement d’une Eglise-Famille de Dieu en ces termes : « l’avenir des communautés de type familial ne peut dépendre des décisions uniquement masculines qui relèguent les femmes parmi ceux ‘qui n’ont pas à décider’, ceci étant réservé aux hommes »[112]. Mais aussi son engagement ecclésial devra rester fidèle à l’enseignement et aux directives du Magistère. Car c’est dans la communauté des disciples que Marie a exercé sa mission.
                 Toutefois, cela exige de la part des hommes une conversion des mentalités et un dépassement des considérations antiféministes. En laissant aux femmes les décisions qui les concernent, l’Eglise et les hommes découvriront dans l’expérience des femmes une grâce, un don de l’Esprit pour la croissance de l’humanité entière.
                 Dans la réalité, quelle parole l’expérience des femmes africaines a-t-elle à transmettre à l’Eglise ? Qu’est-ce que le message évangélique de l’Eglise offre à la femme africaine ? La reconnaissance de la femme nous apparaît comme un signe du travail charismatique de l’Esprit dans l’Eglise. Ainsi la responsabilité missionnaire de la femme africaine consiste-t-elle à revendiquer pour elle « une dignité d’acteur autonome et responsable qui réagit librement au message chrétien de la foi »[113].
                 Affirmer que Marie-Madeleine est le symbole de la responsabilité missionnaire, c’est en faire l’archétype du parfait missionnaire dont doit s’inspirer la femme africaine dans son agir missionnaire.

                 Marie a annoncé courageusement la nouvelle de la résurrection du Christ. On la voit en marche vers les disciples (20,18) avec toute la transparence prophétique d’un témoin féminin partager sa foi. C’est dire que la foi en Jésus est faite pour rayonner comme la lumière. Et Marie en a donné la base indestructible en prolongeant l’action de Jésus pour l’étendre aux dimensions de l’humanité ; l’exercice de sa mission fait d’elle une sœur pour l’humanité. Elle devient le parfait missionnaire qui interpelle aujourd’hui la femme africaine. Car les acteurs qui entrent en scène dans les événements de la vie du Seigneur ne sont plus de simples comparses mais semblent incarner en quelque sorte les catégories mentales de la vie religieuse[114] pour notre temps.
                 Comme Marie, la femme africaine est appelée, sans mettre de délai, à annoncer le Christ par la prédication et le témoignage de vie. Cette mission est un don (Jn 15,16) et elle n’est pas uniforme dans l’Eglise. Chacun y participe selon sa condition. Mais cette mission suppose au préalable une expérience relationnelle avec Jésus et un approfondissement de la foi en lui[115]. Tel doit être le profil de la femme africaine qui se veut disciple du Christ et sœur de Marie-Madeleine. Ainsi elle pourra annoncer aux autres : « j’ai vu le Seigneur » (Jn 20,18).
                 De même que les femmes de l’Evangile, après avoir reçu le message de la Résurrection, l’ont transmis courageusement et humblement aux apôtres[116], ainsi la femme africaine doit-elle exercer sa mission en collaboration avec l’homme. C’est ensemble qu’ils doivent préparer et construire le monde avenir, dans la fidélité à la vocation inscrite en eux par le Créateur, car l’humanité en marche vers Dieu se réalise comme homme et comme femme.



………………………………..
                 L’objet principal poursuivi dans notre réflexion était de saisir la nature du rôle apostolique que Marie-Madeleine a joué auprès des disciples dans l’annonce de la résurrection. Ce faisant, nous voulions apporter notre contribution, aussi modeste soit-elle, à la façon de repenser le rôle, la place et la mission de la femme dans l’Eglise en général et dans l’Eglise africaine en particulier. Cette mission de la femme, chemin de la véritable humanisation et du nouvel âge, reste lié à la conception de l’ecclésiologie africaine de l’Eglise-Famille. Comment l’Eglise doit-elle repenser la mission de la femme pour l’intégrer profondément dans sa mission évangélisatrice ?
                 Voici le parcours de notre approche féministe en trois sections : le premier chapitre portant sur l’analyse critico-littéraire a été développé en quatre points : l’unité littéraire, la critique textuelle, la critique littéraire et l’analyse structurale de la péricope johannique de Jn 20,11-18. Nous avons cherché à résoudre les différents problèmes littéraires que soulève notre péricope. Cette étude nous a convaincu que Jn 20,11-18 est une unité littéraire isolable et accuse une certaine originalité quant à son unité doctrinale et à sa visée théologique.
                 Quatre points ont fait l’objet du deuxième chapitre.. le premier a été consacré au contexte de la rencontre. Nous avons tracé l’évolution de cette rencontre en partant d’une étude topographique jusqu’à la scène de la reconnaissance. Dans le deuxième point nous avons corroboré la thèse selon laquelle Marie de Magdala a été l’apôtre de la résurrection auprès des disciples. En actualisant le message, nous avons montré le rôle typique et le témoignage missionnaire de Marie dans l’histoire universelle du salut. Nous avons enfin précisé la limite de la mission de Marie en rapport avec la question de l’accession de la femme au ministère ordonné.
                 Elargissant notre réflexion sur une interprétation africaine de la péricope, le troisième chapitre nous a ouvert à une considération pastorale. Nous l’avons développé en quatre points.
Le premier point a abordé la dimension prophétique de la femme comme une dynamique dans laquelle s’insère la mission de la femme. Nous avons ensuite ressorti une interpellation africaine de la péricope en définissant le champ apostolique de la femme africaine dans la perspective de l’Eglise-Famille. Ce qui nous a permis, à un troisième moment, de dégager la responsabilité de la femme africaine devant sa mission, à l’instar de Marie-Madeleine. Le quatrième point a eu pour objet de montrer que Marie, la vedette de la résurrection, est le modèle du parfait missionnaire. Elle devient un paradigme pour la femme africaine qui se veut disciple du Christ.
                 Quelques questions et pistes de réflexion méritent d’être soulevées. A quelle mission Jésus destine-t-il la femme et quelle espérance fonde-t-il sur elle ? a l’aube de ce troisième millénaire chrétien, les africains seraient-ils prêts à vivre une Eglise-Famille en solidarité avec les femmes ? l’Eglise locale est donc invitée à intégrer la femme dans son activité apostolique et « à lui ouvrir toutes les carrières sociales dont la société traditionnelle ou moderne tend à l’exclure sans raison »[117]. Car « l’avenir même de la nouvelle évangélisation, comme du reste de toutes les autres formes d’action missionnaire, est impensable sans une contribution renouvelée des femmes (…) »[118].
                 Marie-Madeleine a préparé la moisson apostolique. Mais à l’instar des disciples dans l’entretien de Jésus avec la samaritaine, les filles et fils d’Afrique pourront encore demander à Jésus : « Qu’attends-tu d’une femme ? (Jn 4,27) »[119]. Et comment répondront-ils à la requête de Jésus : « Qu’as-tu fait de la femme que je t’ai donnée ? ». La femme apporte un sang neuf dans nos communautés ecclésiales. Elle enrichit le tissu de l’Eglise. Quand sa parole est prise en compte, c’est toute une vie qui est prise en compte. Car sa présence dans l’Eglise d’Afrique est le fruit du don charismatique de l’Esprit. Dans cette optique, accepter la femme avec toute la richesse de sa féminité c’est proclamer avec le synode africain : « tant vaudra la femme, consacrée ou mère de famille, tant vaudra l’Eglise-Famille »[120].
Cette Eglise-Famille à laquelle aspire la femme africaine devra se baser sur une véritable fraternité de non exclusion où hommes et femmes portent ensemble le destin de l’humanité.
   

SIGLES

 A.T.                            : Ancien Testament
C.E.Z.                        : Conférence Episcopale du Zaïre
D.B.U.                        : Dictionnaire Biblique Universel
D.C.                           : Documentation Catholique
D.D.B.                        : Desclée de Brouwer
D.E.C.A.                    : Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme Ancien
F.C.K.                        : Facultés Catholiques de Kinshasa
N.R.T.                        : Nouvelle Revue Théologique
N.T.                            : Nouveau Testament



I.       TEXTES ET VERSIONS

1.  ALAND, K. – BLACK, M. – MARITINI, C.M., e.a., The Greek New Testament. Third Edition (corrected), Stuttgart, United Bible Societies, 1983.
2.  CARREZ, M. – MOREL, P. et GALY, L., Nouveau Testament interlinéaire Grec/Français. Alliance Biblique Universelle, 1994.
3.  La Bible de Jérusalem. Paris, Cerf, 1988.
4.  La Bible. Traduction œcuménique. Edition intégrale. Paris, Cerf – Société Biblique Française, 1988.
II.   DOCUMENTS DU MAGISTERE
5.  C.E.Z., Message du Synode. Message des Evêques participant à l’Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique. Kinshasa, Editions du Secrétariat Général de la C.E.Z., 1994.
6.  CONCILE VATICAN II, Constitution dogmatique sur la révélation divine (Dei Verbum). Montréal-Paris, 1967.
7.       Id.,                Décret sur l’apostolat des laïcs (Apostolicam Actuositatem). Montréal-Paris, 1967.
8.           Id.,            Message aux femmes. Montréal-Paris, 1967.
9.  CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel Inter insigniores, dans D.C. 1714 (1977), p. 158-175.
10.  JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale ecclesia in africa sur l’Eglise en Afrique et sa mission évangélisatrice vers l’an 2000. Kinshasa, Médiaspaul, 1995.
11.          Id.,           Exhortation apostolique post-synodale La vie consacrée (« Vita consecrata »). Kinshasa, 1996.
12.          Id.,           La femme éducatrice de la paix. Message pour la célébration de la journée mondiale de la paix. Kinshasa, Médiaspaul, 1995.
13.          Id.,           Lettre apostolique Mulieris dignitatem sur la dignité et la vocation de la femme. Kinshasa, Saint Paul Afrique, 1988.
14.          Id.,           Lettre apostolique sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, dans D.C. 2096 (1994).
15.          Id.,           L’importance de la femme dans la vie du prêtre. Kinshasa, Médiaspaul, 1995.
16.  PAUL VI, Discours aux Evêques du Symposium, dans Informations catholiques internationales 343 (1969), p. 28-30.
17.    Id.,                 Exhortation apostolique L’évangélisation des hommes de notre temps (« Evangelii nuntiandi »). Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, 1975.  

III. DICTIONNAIRES, ENCYCLOPEDIES ET SYNOPSE
18.      AUGE, P., Larousse du XXè s en 6volumes. t. I, Montparnasse et Raspail, 1928.
19.      BOISMARD, M.-E. – LAMOUILLE, A., Synopse des quatre évangiles, t.III : L’Evangile de Jean. Paris, Cerf, 1997.
20.      Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme ancien. t. I., Paris, Cerf, 1990.
21.      EICHER, P. (sous la direction de), Nouveau dictionnaire de Théologie. Paris, Cerf, 1996.
22.      METZGER, B.M., A textual commentary on the Greek New Testament. London-New York, United Bible Societies, 1975.
23.      MONLOUBOU, L. – DUBUIT, F.-M., Dictionnaire Biblique Universel. Paris, Desclée, 1984.
24.      Nouvelle Encyclopédie Catholique. Théo. Paris, Fayard, 1989.
IV.ETUDES SUR SAINT JEAN
25.      BARLET, L., Le quatrième témoin. L’évangile selon Saint Jean. Paris, Droguet- Ardent – Desclée de Brouwer, 1983.
26.      BLANQUART, F., Le premier jour. Etude sur Jean 20. (Lectio divina 146), Paris, Cerf, 1991.
27.      BODSON, J., Lecture suivie de l’évangile selon Saint Jean. Belgique, ad modum manuscripti, 1972.
28.             Id.,    Regards sur l’Evangile de Saint Jean. Paris, Beauchesne, 1976.
29.      BOISMARD, M.-E., Approche du mystère trinitaire par le biais du IVè évangile, dans AMPHOUX,, C.B. – BERNARD, J. – BOISMARD, M.-E., e.a., origine et postérité de l’évangile de Jean. (Lectio divina 143). Paris, Cerf, 1990.
30.      BROWN, R.-E., La communauté du disciple bien-aimé. (Lectio divina 115). Paris, Cerf, 1990.
31.      DOOD, C.H., La tradition historique du quatrième évangile. (Lectio divina 128). Paris, Cerf, 1987.
32.            Id.,     L’interprétation du quatrième évangile. (Lectio divina 82). Paris, Cerf, 1975.
33.      GOETTMANN, J., Saint Jean. Evangile de la nouvelle genèse. Paris, Cerf- Pneumatèque, 1982.
34.      JAUBERT, A., Approches de l’Evangile de Jean. Paris, Seuil, 1976.
35.      LAGRANGE, J.-M., Evangile selon Saint Jean. Paris, Gabalda et Cie, 1936.
36.      LEON-DUFOUR, X., Lecture de l’évangile selon Saint Jean. t.I., Paris, Seuil, 1987.
37.      MOLLAT, D., Etudes johanniques. Paris, Seuil, 1979.
38.      Van den BUSSCHE, H., Jean. Commentaire de l’évangile spirituel. Paris, D.D.B., 1967.

V.  AUTRES OUVRAGES
39.      AVRIL, P., Celle qui écoute : Marie de Magdala. Paris, Cerf, 1979.
40.      BEHR-SIGEL, E., Le ministère de la femme dans l’Eglise. Paris, Cerf, 1988.
41.      BENOIT, P., Exégèse et Théologie. t.III. (Cogitatio fidei). Paris, Cerf, 1968.
42.           Id.,         Passion et résurrection du Seigneur. (Lire la Bible bis 6). Paris, Cerf, 1966-1985.
43.      BLAQUIERE, G., La grâce d’être femme. 12è édition, Paris – Fribourg, Saint- Paul, 1993.
44.      CARR, A., La femme dans l’Eglise. Tradition chrétienne et théologie féministe. Paris, Cerf, 1993.
45.      HEBRARD, M., Féminité dans le nouvel âge de l’humanité. Paris, Droguet et Ardent, 1993.     
46.      HOURCADE, J., Des femmes prêtres ?. Paris, Mame, 1993.
47.              Id.,    La femme dans l’Eglise. Etude anthropologique et théologie des  ministères féminins. Paris, Téqui, 1986.
48.      JAUBERT, A., Les femmes dans l’Ecriture (Foi vivante). Paris, Cerf, 1992.
49.      JEREMIAS, J., Théologie du Nouveau Testament. t.I. La prédication de Jésus. Paris, Seuil, 1973.
50.      KABASELE, F., Rencontre Nord-Sud, une graine d’Evangile. Kinshasa, Baobab, 1996.
51.      KAYIBA, P. & MUZUMANGA, F., Femme blessée, femme libératrice dans l’Eglise-Famille. Kinshasa, Baobab, 1995.
52.      LACABE, L., L’Evangile dans les évangiles. Lubumbashi, Saint-Paul Afrique, 1985.
53.      LEFEBVRE, P., Ministère et communauté. Pour une Eglise communion familiale. Kinshasa, l’Epiphanie, 1997.
54.      LEGRAND, H., Traditio perpetuo servata?. La non-ordination des femmes : Tradition ou simple fait historique ? dans Rituels, Mélanges offerts au Père Gy. Paris, Cerf, 1990, p. 393-416.
55.      LEON-DUFOUR, X., Résurrection de Jésus et message pascal. Paris, Cerf, 1986.
56.      NEUSNER, J., Le judaïsme à l’aube du christianisme. Paris, Cerf, 1986.
57.      OGER, J., Homme ou femme. Deux valeurs : virilité et féminité. Liège, Vaillant-Carmanne, s.a.
58.      QUERE, F., Les femmes de l’Evangile. Paris, Seuil, 1982.
59.      ROBERT, A. & FEUILLET, A., Introduction à la Bible. t.II. Nouveau Testament. Paris, Desclée, 1959.
60.      RUSCHE, Femmes de la Bible,  témoins de la foi. Paris, édition de l’Orante, 1965.
VI.ARTICLES
61.      ATAL, D., La fraternité dans le Nouveau Testament, dans Eglise-Famille ; Eglise-Fraternité. Perspectives post-synodales. Actes de la XXè Semaine Théologique de Kinshasa du 26 novembre au 2 décembre 1995. Kinshasa, F.C.K., 1997, p. 181-198.
62.      BWANGA, A., La femme africaine et l’évangélisation de l’Afrique, dans Revue Africaine des Sciences de la Mission I (1994), p.   381-392.
63.      DANIELOU, J., Le ministère des femmes dans l’Eglise ancienne, dans La Maison-Dieu 661 (1960), p. 70-96.
64.      GALOT, J., Consécration et mission des religieux de vie active, dans Omnis terra 339 (1998), p. 8-19.
65.      GENUYT, Fr., L’économie des signes, dans Lumière & Vie 209 (1992), p. 19-35.
66.      HEBRARD, M., Les femmes dans l’Eglise catholique depuis Vatican II, dans La pensée 304 (1995à, p. 41-52.
67.            Id.,          Les ministères : possibilités actuelles et perspectives pour les femmes, dans Spiritus 137 (1994), p. 371-381.
68.      HOURCADE, J., Dans la tradition et aujourd’hui, dans Spiritus 137(1994), p. 424- 433.
69.      JAUBERT, A., Lecture de l’évangile selon Saint Jean, dans Cahiers Evangile 17 (1976).
70.      KIBANGA, M., La vie familiale comme lieu d’émergence de l’Eglise-Famille, dans Eglise-Famille ; Eglise-Fraternité. Perspectives post-   synodales. Actes de la XXè Semaine Théologique de Kinshasa du 26 novembre au 2 décembre 1995, Kinshasa, F.C.K., 1997, p. 331- 341.
71.      LEON-DUFOUR, X., Actualité du quatrième évangile, dans NRT 76 (1954), p. 339-468.
72.               Id.,       La présence du Ressuscité, dans Etudes (1970), p. 593-614.
73.      MARTIN-GRUNENWALD, M., Etre en mission auprès de ses propres enfants,  dans Lumière & Vie 205 (1991), p. 87-101.
74.      MBUYI, B., Faire la théologie dans la perspective des femmes africaines, dans Théologie africaine. Bilan et perspectives. Actes de la Dix-septième Semaine Théologique de Kinshasa, Kinshasa, F.C.K., 1989, p. 257- 272.
75.      MOITEL, P., De longs récits d’Evangile. Construction et lecture, dans Cahiers Evangile 98 (1997).
76.      MUGARUKA, M., « Eglise-Famille de Dieu » dans le Nouveau Testament. approche lexicographique, dans Eglise-Famille ; Eglise-Fraternité. Perspectives post-synodales. Actes de la XXè Semaine Théologique de Kinshasa du 26 novembre au 2 décembre 1995, Kinshasa, F.C.K., 1997, p. 161-168.


TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIÈRES






[1] Nous attirons l’attention de notre lecteur sur le fait que nous utilisons trois différentes appellations (Marie de Magdala, Marie et Mariam è magdalènè, littéralement Marie-Madeleine) pour désigner la même personne.
2 M. HEBRARD, Féminité dans le nouvel âge de l’humanité, Paris, Droguet et Ardent, 1993, p.181.
[3]  E. BEHR-SIGEL, Le ministère de la femme dans l’Eglise, Paris, Cerf, 1988, p.158.
[4]  A. CARR, La femme dans l’Eglise. Tradition et théologie féministe, Paris, Cerf, 1993, p.60.
[5] PAUL VI, Discours aux Evêques du Symposium (Kampala, 1969), dans Informations catholique internationales 343(1969), p.29.
[6] M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE, Synopse des quatre évangiles, t.III. L’évangile de JeanParis, Cerf, 1977, p.459.
[7]  X. LEON-DUFOUR, Résurrection de Jésus et message pascal, Paris, Seuil, 1971, p.327.
[8]  P. BENOIT, Exégèse et théologie, t.III, Paris, 1968, p. 273.
[9]  F. BLANQUART, Le premier jour. Etude sur Jean 20, Paris, Cerf, 1991, p.17.
[10]  Ibid., p.47.
[11]  F. BLANQUART, o.c., p. 77-78.
[12]  Ibid., p.50.
[13]  Cfr. A. JAUBERT, Lecture de l’Evangile selon Saint Jean, dans Cahiers Evangile 17(1976), p.69.
[14]  F. BLANQUART, o.c., p. 52.
[15]  Voir P. AUGE (s.d), Larousse du XXè siècle en 6 volumes, t. I, Montparnasse et Raspail, 1928, p.270.
L’aoriste est le temps de la conjugaison grecque qui indique une action passée, mais sans marquer si son effet subsiste ou non au moment où l’on parle.
Cf. aussi G.LURQUIN, Enchiridion, Anvers, 1962, p.182.
[16]  Cf. M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE, o.c., p. 462.
[17] J.M. LAGRANGE, Evangile selon Saint Jean, Paris, Gabalda et Cie, ²936, p.522.
[18] C.H. DODD, Interprétation du quatrième évangile, Paris, Cerf, 1975, p. 557.
[19] Cfr X.LEON-DUFOUR, o.c., p. 232.
[20] H. Van den BUSSCHE, Jean. Commentaire de l’évangile spirituel, Paris, D.D.B., 1967, p. 548.
[21] P. AVRIL, Celle qui écoute : Marie de Magdala, Paris, Cerf, 1979, p.123.
[22] F. BLANQUART, o.c., p.75.
[23] A. ROBERT et A. FEUILLET, Introduction à la Bible, t. II, Nouveau Testament, Paris, Desclée & Cie, 1959, p. 620-621.
[24] M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE, o.c., p. 460.
[25] M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE, o.c., p. 11.
[26] Nous recourons au texte de K. ALAND, M. BLACK, C. MARTINI e.a., The Greek New TestamentStuttgart, 1983, p 410.
[27] B.M. METZGER, A textual commentary on the Greek New Testament, London-New York, United Bible Societies, 1975, p.254-255.
[28] Ibid., p.255.
[29] B.M. METZGER, o.c., p.255.
[30] Cfr X.LEON-DUFOUR, o.c., p. 224.
[31] Cfr ; P. BENOIT, o.c., p. 273-281.
[32] M.-E. BOISMARD, Approche du mystère trinitaire par le biais du IVè évangile, dans C.-B. AMPHOUX - J.  BERNARD -  M.-E. BOISMARD, e.a., Origine et postérité de l’évangile de Jean, Paris, Cerf, 1990, p. 133.
[33] M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE, o.c., p. 465.
[34] M.-E. BOISMARD et A. LAMOUILLE, o.c., p. 465.
[35] Cfr. C.H. DODD, o.c., p. 44-45.
[36] Cfr. J. JEREMIAS, Théologie du Nouveau Testament, t.II : la prédication de Jésus,
                                    Paris, Cerf, 1980, p. 377-379 :
-          « Dès le temps le plus reculé, on a éprouvé le besoin d’illustrer les récits des christophanies par des paroles du Ressuscité et par des dialogues avec lui. Les propos du Ressuscité se limitent, à l’origine, à l’interpellation par Jésus, citant le nom de l’interpellé (‘Saul’, ‘Marie !’…) lié avec une question brève (‘Pourquoi me persécutes-tu ?’, ‘Pourquoi pleures-tu ?’, ‘Qui cherches-tu ?’…) et à une courte instruction ; mais bientôt les paroles et les dialogues s’allongent ».

-          « l’apologétique ; celle-ci a été la réaction de la communauté chrétienne en butte au doute et à la moquerie (Ac 17,18) suscités partout par le message de la Résurrection. Face aux interlocuteurs juifs, on produisait des arguments scripturaires… ».

-          La mention du docétisme fait pressentir la troisième motivation : « le développement interne de l’Eglise. Il suffira, pour comprendre cette nouvelle influence, d’évoquer quelques données essentielles : le formulaire ecclésial (Mt 28,10), le calendrier ecclésiastique (Jn 20,26 ; Ac 2,1ss) et avant tout le devoir missionnaire de l’Eglise (Mt 28,16-20 ; Lc 24,44-49 ; Ac 1,4-8) jouèrent en cela un rôle ».
[37] A. JAUBERT, a.c., p.70.
[38] Cfr. BROWN, o.c., p. 183.
[39] CONCILE VATICAN II, Constitution dogmatique Dei Verbum 12.
[40]  X. LEON-DUFOUR, a.c., p. 608.
[41]  Cfr. P. EIRCHE (Sous la direction de), Nouveau dictionnaire de Théologie, Paris, Cerf, 1996, p.860.
[42] Cfr X.LEON-DUFOUR, o.c., p. 44-48.
[43] L. LACABE, s.j., L’Evangile dans les évangiles, Lubumbashi, Saint Paul Afrique, 1985, p.61.
[44] Cfr X.LEON-DUFOUR, o.c., p. 127.
[45] Cfr. BLANQUART, o.c., p. 49-50.
[46] Cfr C.H. DOOD, La tradition historique du quatrième évangile, Paris, Cerf, 1987, p. 186.
[47] X. LEON-DUFOUR, o.c., p. 154.
[48] Ibid., p. 154.
[49] J. BODSON, Regards sur l’Evangile de Saint Jean, Paris, Beauchesne, 1976, p. 169-170.
[50] J. BODSON, Lecture suivie de l’évangile selon Saint Jean, Belgique, ad modum manuscripti, 1972,      
                         p. 270.
[51] G. BLAQUIERE, La grâce d’être femme, 12è éd., Paris – Fribourg, Saint-Paul, 1993, p. 150-151.
[52] J. GOETTMANN, Saint Jean. Evangile de la Nouvelle Genèse, Paris, Cerf – Pneumathèque,
                                1982, p. 254.
[53] Ibid., p. 255.
[54] J. GOETTMANN, o.c., p. 261.
[55] F. BLANQUART, o.c., p. 80.
[56] J. DELROME, Résurrection et tombeau de Jésus, dans la Résurrection du Christ et l’exégèse  
                          moderne, Paris, Cerf, 1969, p. 143. Cité par X. LEON-DUFOUR, a.c., p. 605.
[57] D. MOLLAT, Etudes johanniques, Paris, Seuil, 1979, p. 172.
[58] Ibid., p. 165-166.
[59] D. MOLLAT, o.c., p.171.
[60] J. HOURCADE, Des femmes prêtres ?, Paris, Mame, 1993, p. 103.
[61] J. HOURCADE, o.c., p. 109.
[62] A. JAUBERT, Les femmes dans l’Ecriture, Paris,Cerf, 1992, p.48. 
[63] J. HOURCADE, o.c., p.  11.
[64] Pour les détails, se référer à J. NEUSNER, Le judaïsme à l’aube du christianisme, Paris,
Cerf, p. 92ss.
[65] Cfr. Nouvelle encyclopédie Catholique. Théo., Paris, Fayard, 1989, p. 289.
[66] Cfr. L. MONLOUBOU et F.-M. DUBUIT, D.B.U., Paris, Desclée, 1984, p. 50-51.
[67]  Cfr. D.E.C.A., T 1, Paris, Cerf, 1990, p. 196.
Voir aussi R.-E. BROWN, La communauté du disciple bien aimé, Paris, Cerf, 1983, p. 207.
[68] Cfr. R.-E. BROWN, o.c., p.207.
[69] J. GOETTMANN, o.c., p. 284.
[70] L. BARLET, Le quatrième témoin. L’évangile selon Saint Jean, Paris, Droguet-Ardent –
D.D.B., 1983, p. 262.
[71] Cfr. R.-E. BROWN, o.c., p.208.
  Cfr  aussi JEAN-PAUL II, L’importance de la femme dans la vie du prêtre, Kinshasa, Médiaspaul, 1995, p. 14.
            Id.,                      Mulieris dignitatem, 16. 
[72] Cfr. R.-E. BROWN, o.c., p.209.
[73] F. GENUYT, L’économie des signes, dans Lumière et vie 209 (1992), p. 34.
[74]  Ibid., p. 34-35.
[75] Cfr D. MOLLAT, o.c., p. 156.
[76] A. JAUBERT, Approches de l’Evangile de Jean, Paris, Seuil, 1976, p. 105.
[77] D. MOLLAT, o.c., p.157.
[78] Cfr. F. BLANQUART, o.c., p. 75.
[79] ATAL Sa Angang, La fraternité dans le Nouveau Testament, dans Eglise-Famille, Eglise-Fraternité, Kinshasa, F.C.K., 1997, p. 192.
[80] P. AVRIL, o.c., p. 123.
[81] Cfr. X. LEON-DUFOUR, Lecture de l’Evangile selon Saint Jean, t.I, Paris, Seuil, 1987, p. 392.
[82] Cfr. J. HOURCADE, Dans la tradition et aujourd’hui, dans Spiritus 137 (1994), p. 431.
[83] M. HEBRARD, Les femmes dans l’Eglise catholique depuis Vatican II, dans La Pensée 304 (1995), p. 41.
[84] CONCILE VATICAN II, Message aux femmes.
[85] J. HOURCADE, a.c., p. 429.
[86][86] H. LEGRAND, Traditio perpetuo servata, La non-ordination des femmes : Tradition ou simple fait historique ? dans Rituels, Mélanges offerts au Père Gy, Paris, Cerf, 1990, p. 410.
[87] Pour plus des détails, lire D.C. 1714 (1977), p. 158-175.
[88] JEAN-PAUL II, Mulieris dignitatem 26.
[89] Cfr. D.C. 2096 (1994).
[90]  G. BLAQUIERE, o.c., p. 108.
[91] Cfr. G. BLAQUIERE, o.c., p. 109.
[92]  Cfr. Ibid., p. 117.
[93] J. DANIELOU, Le ministère des femmes dans l’Eglise ancienne, dans La Maison-Dieu 61 (1960), p. 72.
[94] Ibid., p. 74.
[95] Cfr. Chapitre 2.
[96] A. BWANGA, La femme africaine et l’évangélisation de l’Afrique, dans Revue Africaine des Sciences de la Mission  1 (1994/1). Pour plus des précisions lire les pages 382-384.
[97] Ibid., p. 384.
[98] A. JAUBERT, o.c., p.94.
[99] P. AVRIL, o.c., p. 123.
[100] PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, 41..
[101] B. MBUYI, Faire la Théologie dans la perspective des femmes africaines, dans Théologie africaine. Bilan et perspectives, Kinshasa, F.C.K., 1989, p. 257-258.
[102] Cfr MUGARUKA Mugarukira, « Eglise, Famille de Dieu » dans le Nouveau Testament. Approche lexicographique, dans Eglise-FamilPerspectives post-synodales, F.C.K., 1997, p..167.
[103] Ibid., p. 164.
[104] M. MARTIN-GRUNENWALD, Etre en mission auprès de ses propres enfants, dans Lumière & vie 205 (1991), p. 89.
[105] CONCILE VATICAN II, Décret sur l’Apostolat des laïcs (Apostolicam Actuositatem) 11.
[106] KIBANGA Muhilh, La vie familiale comme lieu d’émergence de l’Eglise-Famille, dans Eglise-Famille, Eglise-Fraternité, p. 339.
[107] Cfr. JEAN-PAUL II, La femme éducatrice de la paix. Message pour la célébration de la journée mondiale de la paix 6.
[108] J. GALOT, Consécration et mission des religieux de vie active, dans Omnis terra 339 (1998), p. 13.
[109] F. KABASELE, Rencontre Nord-Sud, une graine d’Evangile, Kinshasa, Baobab, 1996, p.83.
[110] Cfr. JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in africa 94.
[111] P. MOITEL, De longs récits d’Evangile. Construction et lecture, dans Cahiers Evangile 98 (1997), p. 11.
[112] P. LEFEBVRE, Ministères et communautés. Pour une Eglise communion familiale,
Kinshasa, l’Epiphanie, 1997, p. 80-81.
[113] A. CARR, o.c., p. 212.
[114] Cfr. X. LEON-DUFOUR, o.c., p. 76.
[115] Cfr. P. AVRIL, o.c., p. 123
[116] Cfr. G. BLAQUIERE, o.c., p. 173.
[117] C.E.Z., Message du Synode 66, Kinshasa, Secrétariat Général de la C.E.Z., 1994.
[118] JEAN-PAUL II, La vie consacrée 57.
[119] R.-E. BROWN, o.c., p. 217.
[120] C.E.Z., o.c., 68.