mercredi 6 janvier 2016

TRAVAIL PRATIQUE DE PARÉMIOLOGIE

INTRODUCTION
Le présent travail pratique est une mise en application du cours de parémiologie. Nous décrirons les mécanismes mis en jeu et qui aident à comprendre le fonctionnement du proverbe. Concrètement nous transcrirons 10 proverbes en Yansi, notre langue maternelle. Nous en donnerons ensuite les traductions littérale et littéraire. Enfin, nous déterminerons pour chaque la circonstance qui a occasionné son dicton.
Le yansi est l’une des tribus de la République Démocratique du Congo dans la province de Bandundu. Comme langue, le yansi est parlé dans les territoires de Bulungu, Idiofa, Bagata, Masimanimba. Notre variété est celle parlée dans le territoire de Bulungu, secteur Niadi-Nkara.
10 PROVERBES EN YANSI
1.    Mun’ a gne nakwa
Traduction littérale : la bouche de toi propre.
Traduction littéraire : ta propre manière de parler
Circonstance : Ce proverbe est évoqué lors de la palabre. Le sage met en garde les deux parties en conflits et les invite à soigner leur discours. Car la manière de parler ou d’argumenter de chacun peut lui faire gagner ou perdre la palabre. Ce dicton conclut aussi souvent la palabre pour signifier surtout la défaite de l’autre partie. En plus de la sagesse et de l’intelligence, gagner une palabre exige la vérité et une argumentation logique et efficace.
2.    Kwib muley
Traduction Littérale : le vol le voleur
Traduction Littéraire : le voleur est un sorcier
Circonstance : Ce proverbe est une mise en garde contre le vol. Autant le sorcier est malfaiteur par ses pratiques magiques et fétichistes envers autrui autant l’est le voleur face au bien d’autrui dérobé. Voler quelqu’un c’est déjà le tuer. Le vol reste une antivaleur dénoncée, rejetée et sanctionnée dans la société. C’est une invitation l’honnêteté, à la bienveillance et au respect d’autrui et de ses biens.

3.    Nkoo ilwen bar bilwen
Traduction littérale : le coq chante, les hommes chantent
Traduction littéraire : L’oiseau entend la voix d’oiseau, l’homme entend la voix de l’homme.
Circonstance : C’est un proverbe à caractère éducatif qui s’adresse aussi bien à l’enfant, au jeune qu’à l’adulte. Il invite à l’esprit d’obéissance et d’écoute. Les anciens adressent ce proverbe à ceux qui sont têtus ou se passent des conseils des autres. Si l’on n’écoute pas son semblable, l’on s’expose à plusieurs conséquences néfastes. En outre, ill est aussi une invitation au travail. Car au signal donné (par le chant du coq), les hommes se réveillent aussi pour commencer leurs activités.
4.    Muti bi pie subu ewuwa e nse
Traduction Littérale : l’arbre on le met debout quand il est jeune plante.
Traduction littéraire : L’on redresse l’arbre quand il est encore petit.
Circonstance : cette maxime est prononcée par le sage et adressée aux adultes, aux parents et à toute la communauté pour dénoncer certains comportements délinquants et antivaleurs observés surtout auprès des jeunes et de certains adultes et qui apparaissent aux yeux des anciens comme un échec de l’éducation. Il invite les parents et toute la communauté à s’impliquer dans l’éducation des enfants et des plus jeunes dès le bas âge. Car il ne suffit pas pour un enfant de naitre dans une bonne famille ; il faut encore qu’il soit bien éduqué. Et cette éducation est une œuvre collective.
5.    Koor atin mvul abwi mu madza.
Traduction Littérale: Le crapaud a fui la pluie, il est tombé dans l’eau.
Trad. Littéraire : Le crapaud voulant fuir la pluie est tombé dans l’eau.
Circonstance : ce proverbe s’inscrit dans un contexte des relations humaines, en particulier sur la misère, la souffrance ou la faim. Le sage s’adresse à certaines personnes qui, cherchant à éviter ou à fuir une difficulté, tombent dans une autre plus grande et grave encore. C’est une invitation à la prudence devant la souffrance ou misère.

6.    Ngol ‘ a malà gne nakwa ésà
Traduction Littérale : Tu dois te battre toi-même à nourrir ton ventre.
Traduction Littéraire : Tu dois lutter seul pour ta survie.
Circonstance : Le sage constatait que certains vivaient dans l’oisiveté et ne comptaient que sur les autres. Et pourtant l’idéal est que chacun vive du fruit de son labeur. Il lance un appel à travailler pour sa propre survie sans trop compter sur les autres. Il combat en même temps la paresse.
7.    Ndung a ngwuun a nze mbur asa edià.
Traduction Littérale : le piment de ton champ est consommé par une autre personne.
Traduction littéraire : le piment de ton champ c’est un autre qui le mange.
Contexte : Cette sentence proverbiale exalte l’exogamie et combat avec force l’inceste. Elle est adressée aux parents qui préparent leur fille au mariage. Elle veut dire : « votre fille n’est pas pour vous, mais destinée à un autre. » C’est dire qu’aucun papa ne peut se marier avec sa propre fille. Quelles que soient la beauté physique ou les qualités (morales, spirituelles, humaines, intellectuelles) de votre fille ou sœur, vous ne l’épouserez jamais. L’on se marie toujours ailleurs, jamais dans sa propre famille restreinte.
8.    Madza mawen nkon’ a nkon’ mbur a lenè a koon’
Traduction Littérale: la rivière va avec des courbes, quelqu’un à la redresser a manqué.
Traduction Littéraire : La rivière ne coule pas droit puisqu’il a manqué quelqu’un pour la guider.
Circonstance : Ce proverbe est prononcé dans un contexte éducatif. L’éducation de l’enfant ou d’un homme dépend de la responsabilité des adultes. Mais aussi c’est un appel à la confiance et à l’humilité envers l’ainé, le sage ou l’éducateur. L’éduqué doit accepter de se faire aider par les plus expérimentés.
Dans le contexte social, il indique que ceux qui vivent et travaillent ensemble doivent se faire des concessions. On ne peut mieux vivre qu’en écoutant les autres. Avec les autres, on peut mieux réaliser ses rêves.
  
9.    Kiy efakwa a makie andi.
Traduction Littérale : La carpe meurt sur ses œufs.
Traduction Littéraire : La carpe (poisson) meurt là où se trouve ses œufs..
Interprétation : « La maman donne sa vie pour ses enfants. »  Cette sentence proverbiale est adressée aux parents. Elle leur rappelle leur responsabilité pour la survie et l’avenir de leurs enfants, cela même au prix de leur vie. Une bonne mère se sacrifie pour ses enfants. Eduquer c’est aimer, être responsable, se sacrifier, donner et se donner pour l’enfant. L’on ne peut déroger à cette responsabilité.
10. Bitè banso baniar ba niar, na kaniar ki, kite nsang.
Traduction Littérale: les autres brins ont été piétinés, mais si tu piétines celui-ci c’est un arbre à palabre.
Traduction Littéraire: Les autres piétinent les brins d’arbres sans problème ; mais celui que tu veux piétiner est un brin à problème.
Contexte: Ce proverbe est prononcé par le sage  à l’occasion de la palabre ou dans certaines circonstances de l’existence. Il reste un appel à la prudence. C’est un conseil qui dissuade les gens à éviter des problèmes et à fuir les provocations. Car il est des gens considérés comme des intouchables. Quand vous les provoquez, vous vous attirez des ennuis et des palabres interminables.
Conclusion

Ce parcours sur l’analyse de quelques proverbes en yansi nous a fait découvrir le proverbe comme une des formes privilégiées de la culture yansi. Nous avons été plongés au cœur même de la vision du monde yansi. En effet, ils sont parmi les  moyens de communication. Car par leur originalité, ils transmettent des messages ; disent ce qu’on ne peut pas dire autrement puisqu’ils demandent une certaine interprétation. Ils nous renseignent sur les différents aspects de la vie d’un peuple. Comme fruit d’une expérience collective, les proverbes sont une richesse qu’on doit connaitre, conserver et transmettre.

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