TRAVAIL PRATIQUE DE PARÉMIOLOGIE
INTRODUCTION
Le
présent travail pratique est une mise en application du cours de parémiologie.
Nous décrirons les mécanismes mis en jeu et qui aident à comprendre le
fonctionnement du proverbe. Concrètement nous transcrirons 10 proverbes en
Yansi, notre langue maternelle. Nous en donnerons ensuite les traductions
littérale et littéraire. Enfin, nous déterminerons pour chaque la circonstance
qui a occasionné son dicton.
Le
yansi est l’une des tribus de la République Démocratique du Congo dans la
province de Bandundu. Comme langue, le yansi est parlé dans les territoires de
Bulungu, Idiofa, Bagata, Masimanimba. Notre variété est celle parlée dans le
territoire de Bulungu, secteur Niadi-Nkara.
10 PROVERBES EN YANSI
1. Mun’
a gne nakwa
Traduction
littérale : la bouche de toi propre.
Traduction
littéraire : ta propre manière de parler
Circonstance :
Ce proverbe est évoqué lors de la palabre. Le sage met en garde les deux
parties en conflits et les invite à soigner leur discours. Car la manière de
parler ou d’argumenter de chacun peut lui faire gagner ou perdre la palabre. Ce
dicton conclut aussi souvent la palabre pour signifier surtout la défaite de
l’autre partie. En plus de la sagesse et de l’intelligence, gagner une palabre
exige la vérité et une argumentation logique et efficace.
2. Kwib
muley
Traduction
Littérale : le vol le voleur
Traduction
Littéraire : le voleur est un sorcier
Circonstance :
Ce proverbe est une mise en garde contre le vol. Autant le sorcier est
malfaiteur par ses pratiques magiques et fétichistes envers autrui autant l’est
le voleur face au bien d’autrui dérobé. Voler quelqu’un c’est déjà le tuer. Le
vol reste une antivaleur dénoncée, rejetée et sanctionnée dans la société. C’est
une invitation l’honnêteté, à la bienveillance et au respect d’autrui et de ses
biens.
3. Nkoo
ilwen bar bilwen
Traduction
littérale : le coq chante, les hommes chantent
Traduction
littéraire : L’oiseau entend la voix d’oiseau, l’homme entend
la voix de l’homme.
Circonstance :
C’est un proverbe à caractère éducatif qui s’adresse aussi bien à l’enfant, au
jeune qu’à l’adulte. Il invite à l’esprit d’obéissance et d’écoute. Les anciens
adressent ce proverbe à ceux qui sont têtus ou se passent des conseils des
autres. Si l’on n’écoute pas son semblable, l’on s’expose à plusieurs
conséquences néfastes. En outre, ill est aussi une invitation au travail. Car
au signal donné (par le chant du coq), les hommes se réveillent aussi pour
commencer leurs activités.
4. Muti
bi pie subu ewuwa e nse
Traduction
Littérale : l’arbre on le met debout quand il est jeune
plante.
Traduction
littéraire : L’on redresse l’arbre quand il est encore petit.
Circonstance :
cette maxime est prononcée par le sage et adressée aux adultes, aux parents et
à toute la communauté pour dénoncer certains comportements délinquants et
antivaleurs observés surtout auprès des jeunes et de certains adultes et qui
apparaissent aux yeux des anciens comme un échec de l’éducation. Il invite les
parents et toute la communauté à s’impliquer dans l’éducation des enfants et des
plus jeunes dès le bas âge. Car il ne suffit pas pour un enfant de naitre dans
une bonne famille ; il faut encore qu’il soit bien éduqué. Et cette
éducation est une œuvre collective.
5. Koor atin mvul abwi mu madza.
Traduction
Littérale: Le crapaud a fui la pluie, il est tombé dans l’eau.
Trad.
Littéraire : Le crapaud voulant fuir la pluie est tombé dans
l’eau.
Circonstance :
ce proverbe s’inscrit dans un contexte des relations humaines, en particulier
sur la misère, la souffrance ou la faim. Le sage s’adresse à certaines
personnes qui, cherchant à éviter ou à fuir une difficulté, tombent dans une
autre plus grande et grave encore. C’est une invitation à la prudence devant la
souffrance ou misère.
6. Ngol
‘ a malà gne nakwa ésà
Traduction
Littérale : Tu dois te battre toi-même à nourrir ton ventre.
Traduction
Littéraire : Tu dois lutter seul pour ta survie.
Circonstance :
Le sage constatait que certains vivaient dans l’oisiveté et ne comptaient que
sur les autres. Et pourtant l’idéal est que chacun vive du fruit de son labeur.
Il lance un appel à travailler pour sa propre survie sans trop compter sur les
autres. Il combat en même temps la paresse.
7. Ndung a ngwuun a nze mbur asa edià.
Traduction
Littérale : le piment de ton champ est consommé par une autre
personne.
Traduction
littéraire : le piment de ton champ c’est un autre qui le
mange.
Contexte :
Cette sentence proverbiale exalte l’exogamie et combat avec force l’inceste.
Elle est adressée aux parents qui préparent leur fille au mariage. Elle veut
dire : « votre fille n’est pas pour vous, mais destinée à un autre. »
C’est dire qu’aucun papa ne peut se marier avec sa propre fille. Quelles que
soient la beauté physique ou les qualités (morales, spirituelles, humaines,
intellectuelles) de votre fille ou sœur, vous ne l’épouserez jamais. L’on se
marie toujours ailleurs, jamais dans sa propre famille restreinte.
8. Madza mawen nkon’ a nkon’ mbur a lenè a koon’
Traduction
Littérale: la rivière va avec des courbes, quelqu’un à la
redresser a manqué.
Traduction
Littéraire : La rivière ne coule pas droit puisqu’il a manqué
quelqu’un pour la guider.
Circonstance :
Ce proverbe est prononcé dans un contexte éducatif. L’éducation de l’enfant ou
d’un homme dépend de la responsabilité des adultes. Mais aussi c’est un appel à
la confiance et à l’humilité envers l’ainé, le sage ou l’éducateur. L’éduqué
doit accepter de se faire aider par les plus expérimentés.
Dans
le contexte social, il indique que ceux qui vivent et travaillent ensemble
doivent se faire des concessions. On ne peut mieux vivre qu’en écoutant les
autres. Avec les autres, on peut mieux réaliser ses rêves.
9. Kiy efakwa a makie andi.
Traduction
Littérale : La carpe meurt sur ses œufs.
Traduction
Littéraire : La carpe (poisson) meurt là où se trouve ses
œufs..
Interprétation :
« La maman donne sa vie pour ses enfants. » Cette sentence proverbiale est adressée aux
parents. Elle leur rappelle leur responsabilité pour la survie et l’avenir de
leurs enfants, cela même au prix de leur vie. Une bonne mère se sacrifie pour
ses enfants. Eduquer c’est aimer, être responsable, se sacrifier, donner et se
donner pour l’enfant. L’on ne peut déroger à cette responsabilité.
10. Bitè
banso baniar ba niar, na kaniar ki, kite nsang.
Traduction
Littérale: les autres brins ont été piétinés, mais si tu piétines celui-ci
c’est un arbre à palabre.
Traduction
Littéraire: Les autres piétinent les brins d’arbres sans problème ;
mais celui que tu veux piétiner est un brin à problème.
Contexte: Ce
proverbe est prononcé par le sage à
l’occasion de la palabre ou dans certaines circonstances de l’existence. Il
reste un appel à la prudence. C’est un conseil qui dissuade les gens à éviter
des problèmes et à fuir les provocations. Car il est des gens considérés comme
des intouchables. Quand vous les provoquez, vous vous attirez des ennuis et des
palabres interminables.
Conclusion
Ce
parcours sur l’analyse de quelques proverbes en yansi nous a fait découvrir le
proverbe comme une des formes privilégiées de la culture yansi. Nous avons été
plongés au cœur même de la vision du monde yansi. En effet, ils sont parmi
les moyens de communication. Car par
leur originalité, ils transmettent des messages ; disent ce qu’on ne peut
pas dire autrement puisqu’ils demandent une certaine interprétation. Ils nous
renseignent sur les différents aspects de la vie d’un peuple. Comme fruit d’une
expérience collective, les proverbes sont une richesse qu’on doit connaitre, conserver
et transmettre.
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